Le comédien et metteur en scène Philippe Caubère,
natif de Marseille en 1950, a décidé de remettre à l'honneur
un pan important de l'uvre d'un autre grand Marseillais, le poète
et écrivain André Suarès. C'est ainsi que le comédien
interprète le splendide texte « Marsiho »,
du nom provençal de cette ville.
Il convoque la bien aimée et en chante les qualités, tout
en fustigeant ses défauts car celle-ci nest pas, à proprement
parler, une cité de culture.
À part Pétrone, pas de révélation essentielle
dans les arts, pas de peintre, hormis Daumier, peu de monuments
caractéristiques
une ville sans belle architecture, ni marbre,
ni église remarquable !
Cultivant le pamphlet, Suarès y fustige la plus mauvaise musique
du monde et, de manière générale, lobserve sans
complaisance en commentant, dans un souffle épique, les turpitudes
de la métropole et les misères de ses quartiers populaires,
voire certains malfamés.
Le regard est aigu et acide alors que lambivalence se fait mouvement
perpétuel dattrait et de rejet.
Jamais ainsi, lâme du Marseille du début du XXème
siècle naura été aussi bien mise à nu,
aussi bien comprise.
Bien plus encore que lurbanisme, la façon d'y vivre, les
manières et les cris de ses habitants sont traqués,
décortiqués par le menu, vitalisés sous la plume du
polémiste et du poète pour un portrait qui nest jamais
hasardeux.
Une indécidable passion, un mélange irréductible
d'âpreté, d'émerveillement, de frayeur, d'amour et
d'impatience le rattachaient au lieu de ses origines.
De surcroît, la soixantaine passée au moment de la
rédaction, Marsiho devient à la fois chant d'amour,
imprécation et réquisitoire avec toutes sortes de troubles
et de meurtrissures, car fascinations et détestations difficilement
réversibles altéraient, en effet, la perception de
lécrivain.
Si l'on excepte Saint-Victor et le Château-Borély, la plupart
des monuments de Marseille suscitaient ses sarcasmes, ses anathèmes
et ses vitupérations.
Cest ainsi quaprès avoir loué André
Benedetto, Caubère, fidèle admirateur de Suarès, a
adapté ce texte au théâtre avec la réelle gageure
de mettre en scène un monologue complexe de 2 heures, sans aucun
répit, pour une performance réalisée avec une chaise
de bois, en guise de tout accessoire, tout en y mettant son ardeur
dénuée demphase excessive ou autre cabotinage.
Lacteur empoigne la ville contradictoire dans une dialectique tour
à tour admirative, furieuse et colérique ou a contrario, avec
un regard bienveillant et enchanté.
Il donne de lampleur au texte quand il lutte avec le mistral,
« quand le ciel craque », au cours dune violente
tornade survenue lors du passage dédié au parvis de Notre Dame
de la Garde
seul excès pourtant dans ce récit dont la
sobriété et lexactitude sont dautant plus
étonnantes que Philippe Caubère est connu pour son
tempérament fougueux.
Avec des phrases modulées au gré des états du moment,
parfois en fonction de lheure du jour, de la lumière, de la
beauté du ciel ou embrumée par les fumées dusines,
Marseille devient un mélange inouï d'ardeur, d'énergie,
d'insolence et de liberté.
Ce retour au coeur de l'enfance révèle à quel
point " l'art est peu de chose auprès de la vie... Ni marbre,
ni bronze, ni églises sublimes, ni palais illustres, la beauté
de Marseille est faite de sa vie seule : elle éclate comme une
grenade mûre, dans le sang de chaque grain, dans le total des couleurs
et de la forme ".
par Cat.S (à partir d'extraits critiques) / Theothea.com,
le 09/01/13