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OTHELLO
de William Shakespeare
mise en scène
Eric Vigner
|
****
Théâtre de l'Odéon
Tel: 01 44 85
40 40
|
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Photo ©
Alain Fonteray
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Un plateau noir jais brillant tel un miroir qui réfléchirait
les âmes tourmentées des héros et reflèterait
leur double inconscient; des ovales concentriques tel un disque vinyle sur
lesquels ceux-ci tournoieraient, noyés dans une lagune d'eau
émeraude, comme piégés par leur aveuglement et bientôt
engloutis dans leur propre abîme.
Othello est la pièce des ténèbres où la question
du désir, de l'amour, des ravages vertigineux qu'ils entraînent,
circule dans une atmosphère hypnotique et obsessionnelle, d'abord
fêlure puis poison engourdissant insidieusement l'esprit jusqu'à
l'anéantissement absolu.
Des paravents alvéolés s'imbriquent les uns aux autres qui
formeraient tantôt des ponts vénitiens à enjamber
tantôt des tours aux mille fenêtres éclairées dans
la nuit symbolisant une forme de terrorisme, la peur de l'étranger,
le berbère mercenaire, le Maure que les vénitiens utilisent
car il est le seul à pouvoir vaincre les turcs avant de le tuer quand
ils n'en ont plus besoin.
Des moucharabiehs tout dentelés, propices aux regards indiscrets
et à l'écoute sournoise ou des panneaux à l'écriture
en braille - serions-nous donc aveuglés, comme les protagonistes
eux-mêmes par la tragédie qui se déroule devant nos yeux
? - s'articulent autour de très hauts escaliers... plus dure serait
la chute après l'ascension au sommet !
Ce décor abstrait, tel un lego géant aux verticalités
et lignes géométriques très étudiées,
évoque davantage l'espace mental dans lequel les héros se
débattent plus qu'une cité lacustre où la guerre
règnerait.
Le noir et le blanc dominent comme un jeu de dames sur lequel les pions
avanceraient pour s'éliminer au fur et à mesure. Couleurs froides,
lumière métallisée et glacée, blancheur excessive
ou noir intense, les éclairages léchés balaient la
scène jusqu'à la lampe orangée finale comme l'éclat
incandescent précédant la mort quand la lumière
s'éteindrait sur les héros qui ne voyaient plus clair.
Noir et blanc des costumes, tel Iago, qui, en clown blanc se masque et
joue l'innocence comme pour mieux tromper son monde en véritable serpent
dissimulateur et paradoxe vivant d'une âme fourbe; il deviendra le
véritable manipulateur des sentiments d'Othello, gouverneur de Chypre,
et, sous cette apparence candide, lui injectera petit à petit le venin
de la médisance et du soupçon.
En fait Iago, le subalterne et le bafoué, s'avère être
le double d'Othello. Celui-ci, sous l'emprise de l'amour, en manifeste les
deux versants, le clair et l'obscur, le lumineux et le ténébreux,
pour se laisser finalement empoisonner par la douloureuse jalousie qui le
conduira au meurtre et à sa perte.
Dans cette nouvelle mise en scène très moderne, comme l'est
la traduction qui suit au plus près le jeu des acteurs, l'accent est
mis davantage sur le couple indissociable que forme Iago et Othello puisqu'ils
constituent les deux faces d'une même médaille.
Michel Fau, coupe au bol lui donnant l'allure de Jeanne d'Arc, est sirupeux
à souhait; quant à Samir Guesmi, à la stature sereine,
il joue le dédoublement très distancié et
intériorisé.
Au-delà du traditionnel couple Othello avec sa rousse vénitienne
et de la mise à mort de la blanche Desdémone, poignante
Bénédicte Cerutti un peu en retrait, Eric Vigner met d'abord
en valeur le métissage de l'âme humaine, en le liant au tumulte
de cette dualité masculine.
Cat.S / Theothea.com, le 20/11/08
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L'ECHANGE
de Paul Claudel
mise en scène
Yves Beaunesne
|
****
Théâtre de la Colline
Tel: 01 44 62
52 52
|
 |
Photo © Guy
Delahaye
|
De "L'hôtel du libre-échange" de Georges Feydeau à
"L'échange" de Paul Claudel, publiés tous deux en 1894, Alain
Françon, fêtant ainsi son douzième anniversaire à
la tête du Théâtre de la Colline, ose, à dix mois
d'intervalle, le grand écart linguistique que l'émancipation
de l'Amour se doit de rétribuer à ceux qui font les frais de
l'infidélité.
Certes, les deux couples échangistes de Claudel ne sauraient cautionner
la "franche rigolade" du début de l'année 2008, mais ils ont,
pour eux, cette poésie de la libre versification que la désillusion
amoureuse peut porter au sommet du mysticisme, pourvu que l'ascèse
soit consentie.
Cependant, que de points communs entre les deux pièces dans le
chassé-croisé que livre la séduction à l'égard
du principe du plaisir alors même que l'argent en procure le statut
de consommateur attitré.
Donc, Marthe (Julie Nathan) ayant suivi, par amour, Louis Laine
(Jérémie Lippmann) dans son poste de gardien d'une villa de
milliardaire, va tomber de charybde en sylla, en découvrant d'abord
qu'elle est allègrement trompée, ensuite qu'elle a été
vendue par son mari à Thomas Pollock Nageoire (Alain Libolt) ce
propriétaire businessman pour une poignée de dollars, enfin
que Lechy (Nathalie Richard), son épouse, star du cinéma
Hollywoodien, jetant le grappin sur Louis, n'aura de cesse de l'humilier
par sa condescendance et son mépris.
En bord de mer, au soleil exactement, là où tout était
assemblé pour être heureux, c'est en définitive l'incendie
de la résidence de luxe, avec son cortège de dommages
collatéraux, qui réglera les contentieux conjugaux en remettant
les pendules de l'affection à l'heure de la pureté
théologique.
Mais qu'importe l'histoire, en définitive, pourvu que l'ivresse
des mots soit au rendez-vous d'une musique enveloppante au sein de laquelle
se livrent, de plein gré, quatre acteurs emportés par une
rêverie subtilement cauchemardesque.
Du "Partage de midi" à La Comédie Française avec
Marina Hands en 2007 à "L'échange" au Théâtre
de La Colline, la mise en scène d'Yves Beaunesne se plaît, avec
justesse, à prolonger l'osmose avec Paul Claudel.
Theothea le 14/11/08
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LE SONGE D'UNE NUIT
D'ETE
de William Shakespeare
mise en scène
Yann-Joël Collin
|
****
Théâtre de l'Odéon
Berthier
Tel: 01 44 85
40 40
|
 |
Photo © Pierre
Grosbois
|
En invitant Yann-Joël Collin et la compagnie "La nuit surprise par
le jour" à venir faire la fête avec "Le Songe d'une nuit
d'été" aux Ateliers Berthier, Olivier Py, le directeur des
deux salles de l'Odéon a pris le risque calculé de déplaire
à l'orthodoxie Shakespearienne au profit d'un manifeste pour le geste
théâtral débarrassé de toute exclusive
artistique.
Le soir de la première, cette nouvelle création accueillait
les spectateurs en une arène ouverte à toutes les
déambulations pour un placement libre dans des gradins à
géométrie modulable.
Depuis le bar à même les tréteaux, il semblait que
la représentation eut déjà commencé à
l'insu de tous, avant toute prise de parole dûment
accréditée.
Quatre heures plus tard, à minuit sonnant, alors que les
réjouissances avaient été consommées jusqu'à
la lie, tout était de nouveau en place pour recommencer du début,
mais sans doute devrait-on, quand même, patienter jusqu'à la
représentation du lendemain!
Entre-temps, le spectacle vivant avait laissé place au Music Hall,
à la Comédie musicale, au One (wo)man Show, au Happening, à
la vidéo et même à l'entraide plus qu'à
l'interactivité.
Après trois heures d'intense va-et-vient excentrique, un entracte
quasi improvisé laissait quelques minutes de délassement dont
peu profitèrent pour s'esquiver.
Comme si le théâtre des années 70 se réinventait
en Avignon ou autre Cartoucherie de Vincennes, Cyril Borthorel, Paul Breslin,
Xavier Brossard, Marie Cariés, John Carroll, Yannick Choirat, Pascal
Collin, Issa Dakuyo, Christian Esnay, Delphine Léonard, Eric Louis,
Elios Noël, Alexandra Scicluna, sans que l'on sache très bien
qui était qui, allaient nous conter "La très lamentable
comédie avec la très cruelle mort de Pyrame et Thisbé"
d'après Ovide alors que le théâtre plongeant dans
l'abîme de lui-même nous renverrait l'image d'un Shakespeare
jeune découvrant avec jubilation tous les artifices qu'il avait à
disposition pour propulser les spectateurs dans une nuit insensée
de rêverie.
La nouvelle traduction de Pascal Collin, authentifiant un langage en prise
avec les tournures syntaxiques de l'époque contemporaine, ainsi que
les compositions musicales de Frédéric Fresson actualisées
par le son d'Etienne Colin donneraient l'illusion du réalisme alors
même que le songe aurait envahi toutes les consciences.
Les Ateliers Berthier offrent, à juste titre, ce lieu fabuleux
où, la structure brute de décoffrage dépeignant
aisément les contours de l'art expérimental, les lois du
théâtre peuvent se ressourcer jusqu'à l'inventivité
la plus drôle et néanmoins la plus extravagante.
Theothea le 13/11/08
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LA MADONE DES
POUBELLES
de & mise en scène
Jacques Lassalle
|
****
Théâtre de l'Est
Parisien
Tel:
01
43 64 80 80
|
 |
Photo © Mario
Del Curto
|
En accouchant d'une Madone sortie des poubelles, c'est au coeur de la
Tragédie-Bouffe que Jacques Lassalle enfonce le scalpel de la misère
réaliste jusqu'aux invraisemblances du burlesque.
Qu'à cela ne tienne aux affres d'une Argentine en plein marasme
du tournant d'un siècle à l'autre, le metteur en scène
endosse sa casquette de dramaturge peu prolifique, tellement l'écriture
lui paraît essentielle et rare à la fois, pour se laisser subjuguer
par le plaisir vertigineux de se ressentir Pygmalion.
Sa Lolita (Roxana Carrara) sera la prisonnière d'un système
économique devenu fou, au point de faire basculer les valeurs familiales
traditionnelles dans l'enfer de la dette à vie.
Rosko, le père (Rodolfo de Souza) et Jason, le frère (Carles
Romero Vidal), sous désaveu matriarcal d'outre-tombe, tiennent les
rênes de la déliquescence tribale en organisant le marché
noir au prorata de la valeur marchande de la jeune femme.
Celle-ci, promise au grand chef mafieux purgeant une peine de deux
années de prison, se languit en stand by d'affection et de droit à
l'existence.
Mais voilà que Gratien (Régis Royer), le jeune cadre
européen récemment licencié économique, pointe
dans le bidonville avec son appareil à photos numériques, pour
que s'affolent les enchères du droit à l'image.
Frappé par la foudre, dès le premier regard, celui-ci n'aura
de cesse de revenir sur le lieu de sa torture morale, amoureuse mais surtout
physique car désormais les coups vont pleuvoir autant que les dollars
qu'il ne peut débourser.
En effet l'inspecteur Segundo (Andrés Spinelli), ami de la famille,
veille au respect des contrats en cours, qu'ils soient tacites ou explicites,
en régulant la balance des paiements au mieux de ses commissions.
A ce stade, le bon samaritain, laissé pour mort, ne pourra escompter
le bout du tunnel que si le tango meurtrier de la partie adverse se neutralisait
faute de combattants valides.
En jouant sur l'absurdité des consciences exacerbées au
fer rouge du travestissement et de la prostitution en trafic pérenne,
Jacques Lassalle laisse ses personnages s'abîmer à la mesure
de leur propre regard sur eux-mêmes.
Derrière les volets en fer des garages squattés se refermera
l'inéluctable cohérence autodestructrice d'où subsisterait
néanmoins la lueur d'une fugue rebelle vers un monde meilleur.
Theothea le 12/11/08
|
CHARLES GONZALES DEVIENT
CAMILLE CLAUDEL
d'
après les lettres de Camille Claudel
mise en scène
Charles Gonzalès
|
****
Théâtre des Mathurins
Tel:
01
42 65 90 00
|
 |
Photo presse DR.
|
Une totale pénombre, soudain surgit dans un halo de lumière
une "gueule, une belle gueule" à la Léo Ferré, anguleuse,
blafarde et fardée, auréolée de cheveux hirsutes, au
regard à la fois étrangement doux et tendu, d'un éclat
particulier prêt à exploser à tout instant et qui
révèlera la permanente dichotomie de Camille Claudel,
féminine et masculine, tour à tour clairvoyante et démente,
pleine d'amour pour aussitôt sombrer dans la haine, calme ou agressive,
créatrice géniale et spectaculaire autodestructrice.
Ces versants antinomiques de sa personnalité sont complètement
endossés par Charles Gonzalès dont le visage serait pétri
par une Camille en fureur qui voudrait y inscrire tous ses désirs
et tous ses délires jusqu'à le déformer et le rendre
grimaçant et finir par tirer la langue à Rodin et ses "sbires"
qui l'ont dépouillée de son art.
Outre un visage modelé à tous les caprices de la psychologie
de la sculptrice, Charles Gonzalès module sa voix en conséquence
de tous ces états changeants; cette voix sera tantôt lente et
fragile, tantôt profondément intense, rauque et caverneuse,
à nouveau doucereuse, réclamant la tendresse pour finalement
s'emporter, blasphémer, jeter son venin puis devenir véritable
cri de souffrance.
Charles Gonzalès, revêtu de haillons, mains bandées
comme les momies, symbolisant les mains qui "se sont tues", elles qui parlaient
si fort, ou des mains qui ont été tuées, s'empare de
cette artiste à l'aide de quelques accessoires, un vieil éventail,
une canne chaplinesque pour exprimer la démarche cahotique et
brinquebalante, une chaise sur laquelle il s'immobilise et montre
l'impossibilité d'agir, une corde blanche pour tenter de s'accrocher
tel un fil de funambule duquel Camille, à l'équilibre instable,
tombera, une paire de bas pour étrangler son cri et la réduire
au silence, des accessoires simples, des presque riens pour signifier le
pire, l'anéantissement de la création, la dégradation
de l'être, le repli et l'enfermement; la dernière image terrible,
les simples bras relevés au dessus de la tête, le visage
ravagé, dans une attitude de supplication, est bien le sacrifice d'une
femme crucifiée par les hommes.
Un monologue déchirant, tragique, bouleversant. L'acteur, Charles
Gonzalès, aux limites des transes qui vous exaltent hors de soi, telle
une pythie, est bien devenu Camille Claudel, la maudite, Camille Claudel,
la martyre, Camille Claudel, la mythologique.
Cat.S / Theothea.com, le 07/11/08
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