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13ème
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LE SUICIDE
de Nikolaï
Erdmann
mise en scène
Volodia Serre
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****
Théâtre 13
Tel:
01 45 88 62 22
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Photo © Alexis
Manuel
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S'il suffisait de confondre un saucisson avec un revolver pour résoudre
le sort de milliers de concitoyens moscovites qui, au seuil des années
trente aspiraient à un niveau de vie satisfaisant pour tous, il est
certain que Sémione Sémionovitch Podsékalnikov aurait
réfléchi à deux fois avant que de renoncer à
son acte héroïque.
Mais, convaincu en définitive que son suicide n'aurait rien
empêché du destin sordide attendant ses compatriotes, sa conscience
politique pouvait se suffire d'un simulacre qui sauverait toutes les apparences,
celle du pouvoir en pleine déviance dictatoriale, celle des masses
populaires en pleine utopie mais surtout celle qui masquait jusque-là
son propre attachement individuel à la vie.
Cependant fondée sur un quiproquo initial par lequel sa
résolution suicidaire pourrait être interprétée
comme la décision politique de celui qui ne supportait pas socialement
et psychologiquement sa récente condition de chômeur, Sémione
allait rapidement devenir la victime emblématique en même temps
que le pourfendeur des causes désespérées dont ses partisans
lui confieraient symboliquement la responsabilité.
Ainsi, entraîné par une folle spirale idéologique
s'étant emparée de toute la misère collective pour en
sacrifier son martyr, au vu et au su de la conscience universelle, Sémione
allait vivre le compte à rebours de ses précieux instants de
vie au cours d'une fête célébrée en son honneur
alors qu'à minuit il devrait procéder à l'acte
capital.
Un dernier sursaut de lucidité déconcertante le pousserait,
sous l'effarement général, à appeler le Kremlin au
téléphone pour fustiger le pouvoir politique, au nom de la
liberté totale dont il jouissait enfin face à sa mort imminente
et inéluctable.
Mais voilà, un saucisson, aussi substantiel soit-il, n'a jamais
remplacé les vertus d'un revolver. Aussi, seul dépositaire
de ce secret, Sémione allait donc faire le mort autant que ses supporters
le souhaiteraient jusqu'au point ultime du rituel funéraire où,
plutôt que de mourir réellement enterré, il
préférera affronter la décevante vérité
perçue alors par tous, à l'exception de sa femme, comme une
traîtrise absolue.
C'est par la farce et la caricature que Nikolaï Erdmann rend compte
de ce "Vaudeville soviétique" interdit jusque dans les années
soixante-dix et c'est selon les prérogatives du cinéma muet
que Volodia Serre a conçu sa mise en scène sous accompagnement
pianistique qui, en s'appuyant sur une décomposition du mouvement
par saccades, apporte à la gestuelle et à l'effet comique,
un ton délicieusement désuet et enjoué.
Lauréat en 2006 d'un concours de jeunes réalisateurs au
Théâtre Treize avec "Le suicidé", Volodia Serre peut
ainsi, deux années plus tard, en faire la création avec douze
comédiens, tous très prometteurs, entourant la valeureuse
Sociétaire honoraire de La Comédie Française, Catherine
Salviat.
Theothea le 24/11/08
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CORIOLAN
de William Shakespeare
mise en scène
Christian Schiaretti
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****
Théâtre des Amandiers
Tel:
01 46 14 70 00
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Photo © Christian
Ganet
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De Nada Strancar au TNP de Villeurbanne jusqu'à Hélène
Vincent aux Amandiers de Nanterre, ce "Coriolan" de Shakespeare a su bonifier
les deux années depuis sa création par Christian Schiaretti,
en récoltant au passage le prix Georges Lerminier (syndicat de la
critique) du meilleur spectacle théâtral créé
en province, tout en préservant la main de fer dans le gant de velours
de Volumnia dont le rôle est ainsi transmis, pour raison de force majeure,
d'une immense actrice à l'autre.
Le vaste plateau des Amandiers de Nanterre suffit à peine pour
contenir la trentaine de comédiens engagés pour 3h45 de lutte
citoyenne dont l'intensité ne pourra parvenir à épuiser
les obstacles neutralisant les fondations d'une république romaine
en 488 av. J.-C. qu'en tentant d'évacuer leurs sécrétions
par une bouche d'égout central.
Des batailles livrées, drapeaux au vent, sur le terrain militaire
jusqu'à celles engendrées par le vote démocratique,
ce sont les lacunes d'une absence d'éducation à la fonction
suprême fortement différenciée qui vont concourir à
opposer plébéiens et patriciens par l'intermédiaire
de leurs représentants parlementaires, tribuns et sénateurs,
tout en suscitant des mésintelligences quasi incompatibles.
Comment, en effet, Coriolan (Wladimir Yordanoff ) s'étant
héroïquement distingué à la guerre, avec
désormais en étendard les multiples stigmates de ses blessures,
pourrait-il soudain se muer en premier consul doué pour la
rhétorique flatteuse à l'égard de ses concitoyens ?
Comment passer d'un savoir-faire violent et pragmatique aux circonvolutions
diplomatiques des intrigues électives ?
Comment parvenir à transformer les motivations vitales de sauvegarde
de la patrie face aux barbares, en une écoute et une adaptabilité
disponibles aux desiderata du peuple ?
Caïus Marcius Coriolan aurait, de fait, bien des difficultés
à pratiquer ce grand écart puisqu'il le désapprouve
jusqu'au plus profond de ses convictions.
Aussi, ne sachant pas et ne voulant pas céder aux conseils de souplesse
et de compromis, il sera banni et expulsé de Rome par ceux mêmes
qui l'auraient porté en triomphe au Capitole.
Sa mère Volumnia et sa femme Virgilia (Laurence Besson), alors
convaincues du grave péril qu'il y aurait à laisser les forces
de vengeance faire coalition pour un retour destructeur vers Rome, tenteront
in extremis, à la suite d'une vaine mission diplomatique de
Ménénius (Roland Bertin), d'ultimes démarches pour
empêcher la foudre ennemie de s'abattre et... contre toute attente,
réussiront à influencer ce fils et époux rebelle, par
leur juste cause.
Cependant tout n'est pas bien qui finira mal, puisque Coriolan deviendra
peu après, la victime de sa propre conversion à
l'intérêt général.
Au sein de cette grande épopée en lutte sociétale,
Christian Schiaretti réussit, ainsi, à interroger la
problématique de conquête du pouvoir et de son maintien par
les seules ressources de la transparence et de la vérité
brute.
Ce spectacle magistral emporte avec lui un souffle que les spectateurs
pourront faire fructifier afin d'apprécier à sa juste valeur,
toute dialectique liant les vertus de l'engagement politique avec le simulacre
de la représentation théâtrale.
Theothea le 01/12/08
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LE REPAS
de Valère
Novarina
mise en scène
Thomas Quillardet
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****
Maison de la Poèsie
Tel:
01 44 54 33 00
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Photo © Patrick Fabre
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Au centre de la Cène, le seul qui ne dit mot, c'est le poisson
rouge qui passe et qui repasse en inventoriant la liste des opportunités
à sa disposition en contraste avec les six comédiens des compagnies
Jakart et Mugiscué, qui interpellent à tour de bras la langue
de Novarina, tels de joyeux enfants gambadant autour de son bocal.
De la naissance à la mort, les uns dansent sur un volcan en
activité, d'autres intériorisent la question métaphysique
avec méthode.
Cet ultime banquet de la vie autour d'une table dressée à
l'envi des convives s'invite comme "l'expérience enfantine de
l'incompréhensibilité du langage".
En destructurant le festin en mets improbables, tels des mots lancés
à la cantonade que les partenaires se relancent de cour à jardin,
de scène à balcon ou des coulisses à la salle, la vie
humaine s'invente à grandes exclamations verbales en prenant l'allure
d'un grand jeu dont il est judicieux au préalable de faire l'inventaire
afin de profiter au mieux de son désordre bon vivant.
Ainsi à La maison de la Poésie, Thomas Quillardet lance
ses comédiens en des courses folles avec le temps et l'espace pour
mieux les ramener au coeur de la bonne chère où ils auront
tout loisir de consommer leur identité théâtrale
jusqu'à plus soif: La Personne creuse, le Mangeur d'ombre, La Bouche
Hélas, L'homme Mordant ça, Jean qui dévore Corps, La
Mangeuse ouranique, L'Enfant d'Outre Bec, L'Avaleur Jamais Plus.
Des agapes à l'apocalypse, le langage, inapte à
appréhender la représentation conceptuelle, aura toujours
l'opportunité de faire exploser celle-ci en un jubilant feu
d'artifices.
Theothea le 04/11/08
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FEUX
de August Stramm
mise en scène
Daniel Jeanneteau & Marie-Christine Soma
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****
Théâtre de la Cité
internationale
Tel:
01 43 13 50 00
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Photo © Elisabeth
Carecchio
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Les spectateurs s'assoient devant une vitre dressée tout le long
de la scène reflètant leur image, et deviennent, par ce dispositif
scénique, des laborantins implacables qui observeraient l'évolution
d'humains en cage tels des cobayes dont le comportement, pris au piège
des parois en verre, se disloquerait, se débattrait, s'éparpillerait
dans tous les sens de la panique non maîtrisée.
Au réveil d'une asphyxie par le gaz qui sest avérée
inefficace, un couple de prolétaires misérabiliste entouré
d'un bric-à-brac d'objets hétéroclites, se déchire,
s'insulte, pleurniche, se tape dessus, rendant l'air irrespirable, en quête
de vie malgé tout mais se paralysant mutullement, étranglé
par leur propre incapacité à vivre et à désirer.
Dans cette première courte pièce "Rudimentaire" d'une trilogie
qu'est "FEUX" d'August Stramm, auteur allemand du début du XXème
siècle, Julie Denisse est étonnante, démonstrative dans
la contorsion du mouvement, véritable acrobate de l'étouffement
qui oppresse ou du désespoir qui chiale face à un costaud quasi
mutique dans une opposition pittoresque (Jean-Louis Coulloc'h).
De part et d'autre de la vitre, comme deux couloirs de lumière
et de clair-obscur, avec les mêmes comédiens, la deuxième
courte pièce qui s'intitule "La Fiancée des Landes", aborde
l'univers psychique d'une jeune femme fait de frustrations, et poussée
à une fin tragique par l'oppression de l'environnement familial. D'une
farce réaliste noire, on passe ici à une sorte d'interrogatoire
symboliste et fantasmatique qui plonge aussi dans les ténèbres.
Obscur univers qui s'embrase dans la dernière pièce "Forces",
apothéose de la folie qui s'exprime de manière radicalement
ahurissante par Dominique Reymond, à la fois dansante et ondoyante
dans sa robe du soir noire et cassant soudainement un calme apparent par
un mouvement complètement désynchronisé, un
déhanchement sec et une bouche sensuelle qui devient grimace, rire
sardonique, puis cri munchien de la désespérance.
Un pastiche expressionniste cruel et clinique de la bourgeoisie. Plus
que quelques mots, des onomatopées, des échappées
pulsionnelles et chaotiques d'insconcient frustré de brûlants
désirs, "Forces" est la quintessence de la douleur incontrôlable
et hystérique, un ballet de mort jusqu'au sang, une véritable
combustion.
"FEUX" nous livre donc une langue souvent elliptique, heurtée,
d'une observation crue du désir, de la jalousie, de la transgression
et des névroses humaines. Trois avatars possibles du comportement
que Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma ont su mettre en lumière
dans une mise en scène subtile, très stylisée, puissante
et horrifiante.
Cat.S / Theothea.com, le 07/12/08
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LA CONFESSION D'UNE
JEUNE FILLE
de Marcel Proust
mise en scène
Patrick Mille
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****
Ciné Théâtre
13
Tel:
01
42 54 15 12
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De Sara Forestier à Mick Jagger, surgit soudain le buste vénusien
aux seins nus que les fulgurances lancinantes de "Sympathy for the Devil"
avaient réussi à distraire de la confession diabolique
conjuguée par Marcel Proust, à la première personne
de l'autre sexe.
Patrick Mille, dont c'est la première mise en scène au
Théâtre, capte son modèle vivant dans la lumière
irréductible d'une passion dévorante de mère à
fille.
Si l'éloignement entre ville et campagne pouvait suffire à
calmer la pulsion oedipienne de Marcel, son double féminin n'aurait
pas eu à céder aux vertiges des désirs interdits dont
va subsister un insupportable parfum du dégoût de
soi-même.
Quelque chose d'Isabelle Huppert, d'Isabelle Adjani ou de Vanessa Paradis,
voire des trois à la fois, s'est emparée de Sara au point d'en
épouser l'exigeante immédiateté avec, pour unique
témoin, une chaise dédiée à tous les
défis.
Ayant pour enjeu le crime parfait de l'amour absolu, seul le suicide pourrait
résoudre en plein coeur, le sentiment insupportable d'avoir trahi
la confiance exclusive, fût-elle maternelle.
Ainsi, de poses façonnées en pauses assumées, le
monologue se raconte en peinture des sentiments contradictoires exacerbés
jusqu'à s'abandonner, par ruptures stylistiques, aux complaintes des
Rolling Stones autant qu'à celles de Carmen.
"A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve jamais... Jamais !".
Alors que Baudelaire se dédicace à la craie sur le mur
anthracite du fond de scène, la jeune femme triste à en mourir
se caricature en hurlement muet à la mesure violente d'un cri
Munchien.
Au Ciné Théâtre 13, depuis un mois d'ores et
déjà prolongé, sous les auspices artistiques de Salomé
Lelouch, Sara Forestier, 22 ans et pieds nus, se joue d'Eros & Thanatos
en un jubilant chemin de croix de 55 minutes.
Une performance, sans esquive aucune, pour cette comédienne
époustouflante, meilleur espoir féminin des Césars en
2005.
Theothea le 05/12/08
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