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Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.41   à   13.45    Page  214

 

   

DICK RIVERS  A  L'ALHAMBRA

     

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LE SUICIDE

de Nikolaï Erdmann

mise en scène  Volodia Serre

****

Théâtre  13 

Tel: 01 45 88 62 22 

 

        Photo ©  Alexis Manuel   

   

S'il suffisait de confondre un saucisson avec un revolver pour résoudre le sort de milliers de concitoyens moscovites qui, au seuil des années trente aspiraient à un niveau de vie satisfaisant pour tous, il est certain que Sémione Sémionovitch Podsékalnikov aurait réfléchi à deux fois avant que de renoncer à son acte héroïque.

Mais, convaincu en définitive que son suicide n'aurait rien empêché du destin sordide attendant ses compatriotes, sa conscience politique pouvait se suffire d'un simulacre qui sauverait toutes les apparences, celle du pouvoir en pleine déviance dictatoriale, celle des masses populaires en pleine utopie mais surtout celle qui masquait jusque-là son propre attachement individuel à la vie.

Cependant fondée sur un quiproquo initial par lequel sa résolution suicidaire pourrait être interprétée comme la décision politique de celui qui ne supportait pas socialement et psychologiquement sa récente condition de chômeur, Sémione allait rapidement devenir la victime emblématique en même temps que le pourfendeur des causes désespérées dont ses partisans lui confieraient symboliquement la responsabilité.

Ainsi, entraîné par une folle spirale idéologique s'étant emparée de toute la misère collective pour en sacrifier son martyr, au vu et au su de la conscience universelle, Sémione allait vivre le compte à rebours de ses précieux instants de vie au cours d'une fête célébrée en son honneur alors qu'à minuit il devrait procéder à l'acte capital.

Un dernier sursaut de lucidité déconcertante le pousserait, sous l'effarement général, à appeler le Kremlin au téléphone pour fustiger le pouvoir politique, au nom de la liberté totale dont il jouissait enfin face à sa mort imminente et inéluctable.

Mais voilà, un saucisson, aussi substantiel soit-il, n'a jamais remplacé les vertus d'un revolver. Aussi, seul dépositaire de ce secret, Sémione allait donc faire le mort autant que ses supporters le souhaiteraient jusqu'au point ultime du rituel funéraire où, plutôt que de mourir réellement enterré, il préférera affronter la décevante vérité perçue alors par tous, à l'exception de sa femme, comme une traîtrise absolue.

C'est par la farce et la caricature que Nikolaï Erdmann rend compte de ce "Vaudeville soviétique" interdit jusque dans les années soixante-dix et c'est selon les prérogatives du cinéma muet que Volodia Serre a conçu sa mise en scène sous accompagnement pianistique qui, en s'appuyant sur une décomposition du mouvement par saccades, apporte à la gestuelle et à l'effet comique, un ton délicieusement désuet et enjoué.

Lauréat en 2006 d'un concours de jeunes réalisateurs au Théâtre Treize avec "Le suicidé", Volodia Serre peut ainsi, deux années plus tard, en faire la création avec douze comédiens, tous très prometteurs, entourant la valeureuse Sociétaire honoraire de La Comédie Française, Catherine Salviat.

Theothea le 24/11/08

CORIOLAN

de William Shakespeare

mise en scène  Christian Schiaretti

****

Théâtre des Amandiers

Tel: 01 46 14 70 00

 

        Photo ©  Christian Ganet   

   

De Nada Strancar au TNP de Villeurbanne jusqu'à Hélène Vincent aux Amandiers de Nanterre, ce "Coriolan" de Shakespeare a su bonifier les deux années depuis sa création par Christian Schiaretti, en récoltant au passage le prix Georges Lerminier (syndicat de la critique) du meilleur spectacle théâtral créé en province, tout en préservant la main de fer dans le gant de velours de Volumnia dont le rôle est ainsi transmis, pour raison de force majeure, d'une immense actrice à l'autre.

Le vaste plateau des Amandiers de Nanterre suffit à peine pour contenir la trentaine de comédiens engagés pour 3h45 de lutte citoyenne dont l'intensité ne pourra parvenir à épuiser les obstacles neutralisant les fondations d'une république romaine en 488 av. J.-C. qu'en tentant d'évacuer leurs sécrétions par une bouche d'égout central.

Des batailles livrées, drapeaux au vent, sur le terrain militaire jusqu'à celles engendrées par le vote démocratique, ce sont les lacunes d'une absence d'éducation à la fonction suprême fortement différenciée qui vont concourir à opposer plébéiens et patriciens par l'intermédiaire de leurs représentants parlementaires, tribuns et sénateurs, tout en suscitant des mésintelligences quasi incompatibles.

Comment, en effet, Coriolan (Wladimir Yordanoff ) s'étant héroïquement distingué à la guerre, avec désormais en étendard les multiples stigmates de ses blessures, pourrait-il soudain se muer en premier consul doué pour la rhétorique flatteuse à l'égard de ses concitoyens ?

Comment passer d'un savoir-faire violent et pragmatique aux circonvolutions diplomatiques des intrigues électives ?

Comment parvenir à transformer les motivations vitales de sauvegarde de la patrie face aux barbares, en une écoute et une adaptabilité disponibles aux desiderata du peuple ?

Caïus Marcius Coriolan aurait, de fait, bien des difficultés à pratiquer ce grand écart puisqu'il le désapprouve jusqu'au plus profond de ses convictions.

Aussi, ne sachant pas et ne voulant pas céder aux conseils de souplesse et de compromis, il sera banni et expulsé de Rome par ceux mêmes qui l'auraient porté en triomphe au Capitole.

Sa mère Volumnia et sa femme Virgilia (Laurence Besson), alors convaincues du grave péril qu'il y aurait à laisser les forces de vengeance faire coalition pour un retour destructeur vers Rome, tenteront in extremis, à la suite d'une vaine mission diplomatique de Ménénius (Roland Bertin), d'ultimes démarches pour empêcher la foudre ennemie de s'abattre et... contre toute attente, réussiront à influencer ce fils et époux rebelle, par leur juste cause.

Cependant tout n'est pas bien qui finira mal, puisque Coriolan deviendra peu après, la victime de sa propre conversion à l'intérêt général.

Au sein de cette grande épopée en lutte sociétale, Christian Schiaretti réussit, ainsi, à interroger la problématique de conquête du pouvoir et de son maintien par les seules ressources de la transparence et de la vérité brute.

Ce spectacle magistral emporte avec lui un souffle que les spectateurs pourront faire fructifier afin d'apprécier à sa juste valeur, toute dialectique liant les vertus de l'engagement politique avec le simulacre de la représentation théâtrale.

Theothea le 01/12/08

LE REPAS

de Valère Novarina

mise en scène  Thomas Quillardet

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Maison de la Poèsie

Tel: 01 44 54 33 00

 

        Photo © Patrick Fabre  

   

Au centre de la Cène, le seul qui ne dit mot, c'est le poisson rouge qui passe et qui repasse en inventoriant la liste des opportunités à sa disposition en contraste avec les six comédiens des compagnies Jakart et Mugiscué, qui interpellent à tour de bras la langue de Novarina, tels de joyeux enfants gambadant autour de son bocal.

De la naissance à la mort, les uns dansent sur un volcan en activité, d'autres intériorisent la question métaphysique avec méthode.

Cet ultime banquet de la vie autour d'une table dressée à l'envi des convives s'invite comme "l'expérience enfantine de l'incompréhensibilité du langage".

En destructurant le festin en mets improbables, tels des mots lancés à la cantonade que les partenaires se relancent de cour à jardin, de scène à balcon ou des coulisses à la salle, la vie humaine s'invente à grandes exclamations verbales en prenant l'allure d'un grand jeu dont il est judicieux au préalable de faire l'inventaire afin de profiter au mieux de son désordre bon vivant.

Ainsi à La maison de la Poésie, Thomas Quillardet lance ses comédiens en des courses folles avec le temps et l'espace pour mieux les ramener au coeur de la bonne chère où ils auront tout loisir de consommer leur identité théâtrale jusqu'à plus soif: La Personne creuse, le Mangeur d'ombre, La Bouche Hélas, L'homme Mordant ça, Jean qui dévore Corps, La Mangeuse ouranique, L'Enfant d'Outre Bec, L'Avaleur Jamais Plus.

Des agapes à l'apocalypse, le langage, inapte à appréhender la représentation conceptuelle, aura toujours l'opportunité de faire exploser celle-ci en un jubilant feu d'artifices.

Theothea le 04/11/08

FEUX

de August Stramm

mise en scène  Daniel Jeanneteau & Marie-Christine Soma

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Théâtre de la Cité internationale

Tel: 01 43 13 50 00

 

        Photo ©  Elisabeth Carecchio   

   

Les spectateurs s'assoient devant une vitre dressée tout le long de la scène reflètant leur image, et deviennent, par ce dispositif scénique, des laborantins implacables qui observeraient l'évolution d'humains en cage tels des cobayes dont le comportement, pris au piège des parois en verre, se disloquerait, se débattrait, s'éparpillerait dans tous les sens de la panique non maîtrisée.

Au réveil d'une asphyxie par le gaz qui sest avérée inefficace, un couple de prolétaires misérabiliste entouré d'un bric-à-brac d'objets hétéroclites, se déchire, s'insulte, pleurniche, se tape dessus, rendant l'air irrespirable, en quête de vie malgé tout mais se paralysant mutullement, étranglé par leur propre incapacité à vivre et à désirer.

Dans cette première courte pièce "Rudimentaire" d'une trilogie qu'est "FEUX" d'August Stramm, auteur allemand du début du XXème siècle, Julie Denisse est étonnante, démonstrative dans la contorsion du mouvement, véritable acrobate de l'étouffement qui oppresse ou du désespoir qui chiale face à un costaud quasi mutique dans une opposition pittoresque (Jean-Louis Coulloc'h).

De part et d'autre de la vitre, comme deux couloirs de lumière et de clair-obscur, avec les mêmes comédiens, la deuxième courte pièce qui s'intitule "La Fiancée des Landes", aborde l'univers psychique d'une jeune femme fait de frustrations, et poussée à une fin tragique par l'oppression de l'environnement familial. D'une farce réaliste noire, on passe ici à une sorte d'interrogatoire symboliste et fantasmatique qui plonge aussi dans les ténèbres.

Obscur univers qui s'embrase dans la dernière pièce "Forces", apothéose de la folie qui s'exprime de manière radicalement ahurissante par Dominique Reymond, à la fois dansante et ondoyante dans sa robe du soir noire et cassant soudainement un calme apparent par un mouvement complètement désynchronisé, un déhanchement sec et une bouche sensuelle qui devient grimace, rire sardonique, puis cri munchien de la désespérance.

Un pastiche expressionniste cruel et clinique de la bourgeoisie. Plus que quelques mots, des onomatopées, des échappées pulsionnelles et chaotiques d'insconcient frustré de brûlants désirs, "Forces" est la quintessence de la douleur incontrôlable et hystérique, un ballet de mort jusqu'au sang, une véritable combustion.

"FEUX" nous livre donc une langue souvent elliptique, heurtée, d'une observation crue du désir, de la jalousie, de la transgression et des névroses humaines. Trois avatars possibles du comportement que Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma ont su mettre en lumière dans une mise en scène subtile, très stylisée, puissante et horrifiante.

Cat.S / Theothea.com, le 07/12/08

LA CONFESSION D'UNE JEUNE FILLE

de Marcel Proust

mise en scène  Patrick Mille

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Ciné Théâtre 13

Tel:  01 42 54 15 12

 

                 

De Sara Forestier à Mick Jagger, surgit soudain le buste vénusien aux seins nus que les fulgurances lancinantes de "Sympathy for the Devil" avaient réussi à distraire de la confession diabolique conjuguée par Marcel Proust, à la première personne de l'autre sexe.

Patrick Mille, dont c'est la première mise en scène au Théâtre, capte son modèle vivant dans la lumière irréductible d'une passion dévorante de mère à fille.

Si l'éloignement entre ville et campagne pouvait suffire à calmer la pulsion oedipienne de Marcel, son double féminin n'aurait pas eu à céder aux vertiges des désirs interdits dont va subsister un insupportable parfum du dégoût de soi-même.

Quelque chose d'Isabelle Huppert, d'Isabelle Adjani ou de Vanessa Paradis, voire des trois à la fois, s'est emparée de Sara au point d'en épouser l'exigeante immédiateté avec, pour unique témoin, une chaise dédiée à tous les défis.

Ayant pour enjeu le crime parfait de l'amour absolu, seul le suicide pourrait résoudre en plein coeur, le sentiment insupportable d'avoir trahi la confiance exclusive, fût-elle maternelle.

Ainsi, de poses façonnées en pauses assumées, le monologue se raconte en peinture des sentiments contradictoires exacerbés jusqu'à s'abandonner, par ruptures stylistiques, aux complaintes des Rolling Stones autant qu'à celles de Carmen.

"A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve jamais...  Jamais !".  

Alors que Baudelaire se dédicace à la craie sur le mur anthracite du fond de scène, la jeune femme triste à en mourir se caricature en hurlement muet à la mesure violente d'un cri Munchien.

Au Ciné Théâtre 13, depuis un mois d'ores et déjà prolongé, sous les auspices artistiques de Salomé Lelouch, Sara Forestier, 22 ans et pieds nus, se joue d'Eros & Thanatos en un jubilant chemin de croix de 55 minutes.

Une performance, sans esquive aucune, pour cette comédienne époustouflante, meilleur espoir féminin des Césars en 2005.

Theothea le 05/12/08

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