Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.46   à   13.50    Page  215

 

   

SAPHO AU CAFE DE LA DANSE

DICK RIVERS  A  L'ALHAMBRA

     

61ème Festival de Cannes

Palme d'or, juste " Entre les murs " de mai 08

            

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LE JAZZ ET LA DIVA  OPUS II

de Caroline Casadesus, Didier Lockwood

mise en scène  Alain Sachs

****

Théâtre de La Gaité Montparnasse 

Tel: 01 43 22 16 18 

 

    Visuel affiche  /  Photo ©  Magali Bragard

   

En évoluant d’une vie de couple à celle de famille, la Diva et Le Jazz ont profité du passage d’un Opus à l’autre pour transformer leur duo & co... en quatuor.

Voici donc les deux frères, David & Thomas Enhco, le premier au piano et violon, le second à la trompette et guitare basse qui rejoignent Caroline Casadesus, leur soprano de mère ainsi que Didier Lockwood, leur jazzman de beau-père.

Si, en 2005, la tendre guerre était au programme du premier spectacle entre les deux amoureux, c’est désormais la bonne gestion du territoire musical dévolu à chacun qu’Alain Sachs a en charge d’organiser, certes avec beaucoup d’humour, mais en respectant scrupuleusement les prérogatives de chacun.

Ainsi, entre les cloisons artistiques nécessairement factices, chantent sans exclusive les harmoniques qui, avec habileté, vont contraindre chacun des protagonistes à jouer leur propre rôle ou plus précisément celui qu’il s’inventerait au sein d’une famille recomposée, d’autant plus si celle-ci est musicienne.

Ainsi campés dans des personnages en phase avec leurs personnalités respectives, cette malicieuse bande des quatre va donner le change, avec une drôlerie classieuse, à ce phénomène sociétal très en vogue où les spectateurs pourront, le cas échéant, s’y reconnaître, à ceci près que le talent inné, lui, n’est pas, loin s’en faut, la qualité la mieux partagée au monde.

Ceci dit, des jeunes hommes de vingt ans aussi doués et émancipés soient-ils, restent toujours les enfants de leurs parents, devant filer doux avec les principes pédagogiques et les valeurs imposées d’origine dans une éducation paradoxale où mère et beau-père auront chacun, mine de rien, tiré la couverture du côté de leur discipline artistique de prédilection.

Mais pour le plus grand bonheur du public et, en bonne intelligence, chacun trouvera son compte et son contentement avec des « boeufs » qui ne devront rien au bluff du savoir-faire jazzistique, ni moins des performances lyriques.

Sous les lumières subtiles de Philippe Quillet, dieu qu’ils sont beaux à l’image de leur mère et épouse, que leur complicité farceuse semble inaliénable et hors d’atteinte de quelques traumatismes freudiens restés non résolus.

Que la magnificence du spectacle semble se répandre si aisément entre émulation et amour partagés dans la parité.

Cependant, en illustration à cette image de réussite familiale rassemblée autour de la musique sous la thématique de la diversité, Didier Lockwood exprimera, avec sa désinvolture coutumière, ce raccourci insolite mais sans doute fort significatif: « Voici mère courage et ses deux enfants ».

Au-delà de toutes contingences, ces quatre artistes donnent au public ce bonheur impalpable dont chacun pressent qu’il consiste à s’élever très haut, au-dessus de ses propres lacunes, pour y rejoindre le grand Art.

Theothea le 16/12/08

L'ILLUSION COMIQUE

de Pierre Corneille

mise en scène  Galin Stoev

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Comédie Française 

Tel:   08 25 10 16 80

 

        Photo © Cosimo Mirco Magliocca   

   

Si l'oeuvre de Pierre Corneille avait, jusqu'à nos jours, pu faire illusion et si, par surcroît, celui-ci était un auteur comique, cela se saurait depuis 1636 où alors, âgé de trente ans, il rédigeait entre Médée et Le Cid, cette comédie en cinq actes qui, après sa création, tomba dans l'oubli deux siècles durant.

Ainsi "L'illusion comique" entra, sous une forme tronquée, au répertoire de La Comédie Française en 1861; ensuite Louis Jouvet la monta de manière fort spectaculaire en 1937 et voici que la Salle Richelieu l'accueille à nouveau en 2008 sous l'égide du metteur en scène bulgare, Galin Stoev ayant déjà collaboré récemment par deux fois avec La Maison de Molière.

Donc on le sait, Pierre Corneille n'est pas un joyeux drille prêt à multiplier les farces et attrapes pour abuser un public enclin à s'esclaffer.

En revanche, faire preuve d'un talent polymorphe pour amener le spectateur dans un labyrinthe où le tragique s'entremêlerait avec la comédie de moeurs jusqu'à se fondre en une même entité virtuelle faisant apparaître la réalité sous une illusion à front renversé; voilà bien le défi que le jeune dramaturge eut, alors, envie de résoudre à sa propre mesure.

En effet, la mise en abîme du théâtre est, depuis toujours, une tentation vertigineuse, inhérente à l'imaginaire que le spectacle vivant peut, à merveille, susciter.

En présentant au regard médusé d'un père (Pridamant) , l'amour contrarié de jeunes gens dont son propre fils (Clindor) est un héros malgré lui, c'est au travers du filtre de la prestidigitation que l'hallucination va pouvoir se dérouler en temps réel.

Passion, rivalité et trahison s'y confronteront en un combat sans merci jusqu'au meurtre inéluctable. Au final, le magicien (Alcandre), grand ordonnateur de cette représentation du drame, aura beau jeu, de dévoiler au père abasourdi, le stratagème exutoire dont le théâtre est, à jamais, l'heureux dépositaire.

La scénographie à deux têtes (Saskia Louwaard & Katrijn Baeten) a imaginé et conçu une structure en dédale où les composants se proposent en reflets, les uns aux autres.

Dirigés tels des comédiens d'un Conservatoire en pleine leçon d'école, les sept acteurs (Alain Lenglet, Denis Podalydès, Julie Sicard, Loïc Corbery, Hervé Pierre, Adrien Gamba-Gontard, Judith Chemla) de la troupe du Français déclament la versification, comme à la répétition, en feignant les effets à couper ou à conserver au montage.

De l'extérieur vers l'intérieur de l'infrastructure, les multiples cloisons s'offrent, d'abord opaques, en obstacle à la perception psychologique des protagonistes; puis peu à peu, elles s'effacent au profit d'une vision translucide de la situation relationnelle jusqu'à ne laisser apparent sur scène que la silhouette des éléments porteurs cadrant les corps et les personnalités, ainsi à nu.

Cette mise en scène a l'ambition de restituer, grâce à l'incarnation articulée des vers Cornéliens, la force et la puissance de l'illusion se jouant uniquement ici et maintenant car prête à disparaître, ceux-ci aussitôt dits.

C'est pourquoi, à l'aune d'une maîtrise de l'éphémère, davantage cérébrale que sensitive, la réussite devra s'apprécier selon la prestation des acteurs, sans cesse renouvelée de décembre 08 à juin 09.

Theothea le 10/12/08

ON THE TOWN

de Leonard Bernstein

mise en scène  Jude Kelly

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Théâtre du Châtelet 

Tel:    01 40 28 28 40 

 

        Photo ©   Marie-Noëlle Robert 

       

Dès la première de « On The Town », l’esprit d’allégresse s’est emparé du Théâtre du Châtelet, comme cela est attendu et apprécié de tous, en périodes de fêtes de fin d’année.

Même si l’histoire de ces trois jeunes marins débarquant dans le port de New York en ce mois de décembre 44 pour seulement vingt-quatre heures de permission sur le sol américain, induit l’épée de Damoclès encore suspendue sur leur vie, en raison du conflit mondial restant à conclure, leurs pérégrinations « down Town » à la recherche du coeur à conquérir sont, en soi, une ode au désir d’insouciance, annonciateur des jours meilleurs.

Aux trois valeureux matelots, Ozzie (Tim Howar), Chip (Adam Garcia), Gabey (Joshua Dallas), vont répondre trois personnalités féminines bien trempées, Ivy (Sarah Soetaert), Hildy (Caroline O'Connor), Claire (Lucy Schaufer) sachant apporter, au cours de leur incessante recherche de Miss Métro placardée sur les murs, les dérivatifs bénéfiques à la visite de « Big Apple » pleine de joyeux rebondissements.

Initiée par leur ballet en un acte « Fancy Fee », l’association de Léonard Bernstein avec Jérôme Robbins contient tous les signes précurseurs du chef d’oeuvre absolu que deviendra treize années plus tard, « West Side Story ».

Aussi, à l’instar d’une orchestration témoignant de leitmotivs communs aux deux oeuvres, les décors de Robert Jones osent, ici, emprunter des échafaudages similaires, fussent-ils abstraits, alors que la chorégraphie de Stephen Mear dépeint, en touches subtiles, le rappel des ballets originaux de Broadway.

La mise en scène de Jude Kelly à l'English National Opera de Londres en 2005 arrive donc en création à Paris pour vingt huit représentations nécessairement d’anthologie, puisque la machine à remonter le temps semble s'approcher au plus près des sources modernes d’engouement pour la Comédie musicale, tel qu’Hollywood aura su la consacrer, à son tour, en l’adaptant au cinéma dans « Un jour à New York » de Stanley Donen avec Gene Kelly et Franck Sinatra.

Grâce à 55 comédiens-chanteurs-danseurs accompagnés de l’orchestre Pasdeloup avec 50 musiciens en fosse dirigés par David Charles Abell ou Samuel Jean, les 2h35 de spectacle sont entrecoupées par un entracte où, à une exposition assez volubile mais correctement surtitrée en français, succédera une pléiade de ballets en manière de bouquet final.

Assurément consensuelle et à l’intention de tous les âges, cette réalisation chantée et dansée avec enthousiasme pourrait annoncer toutes les vertus accordées actuellement, à l’Amérique du renouveau.

Theothea le 17/12/08

SAINT ELVIS

de Serge Valletti

mise en scène  Olivier Werner

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Théâtre de l'Est Parisien 

Tel:  01 43 64 80 80 

 

        Photo © David Anémian 

 

Le rideau de fer du TEP s'ouvre sur un capharnaüm d'objets hétéroclites jonchant le sol d'un garage, d'une chambre d'enfant qui n'aurait pas grandi ou la salle d'un hôpital psychiatrique.

Les murs sont tapissés de tags, de graffitis, d'affiches, de peintures d'Elvis Presley le représentant comme un saint auréolé, sorte de retable à l'effigie du King; on est dans l'antre d'un fan, un lieu de culte, de vénération à la divinité, d'adulation à l'icône.

Un homme est à même le sol, allure dépressive, canette de coca à la main, blouson chamarré ouvert sur poitrail arborant une grosse chaîne et voilà donc cet inconnu idolâtre qui irait jusqu'à se prendre, lui-même, pour le chanteur légendaire, à moins que ce ne soit Elvis, en personne, qui s'incarnerait devant nos yeux.

Un être à terre qui, dans une subite prise de pouvoir par la parole, se mettrait à raconter des histoires en bondissant avec la souplesse du chat et qui, en des élancements et des courses zigzagantes, remplirait l'espace de mots débités à grande vitesse au sein d'un langage chaotique, incohérent et délirant, comme si, dans un brusque élan schizophrénique, l'envie d'accaparer le terrain signifiait qu'il voulait être le maître du monde à cet instant.

Cette exaltation volubile et cette fougue virevoltante s'appropriant la personnalité d'Elvis ou son image médiatique sous l'effet d'hallucinations incontrôlées, pourraient révéler le trouble profond d'une société mythomane aisément encline et prompte à s'emparer du rêve des autres.

Ainsi, d'une part idéalisé par Gladys (Claire Semet), sa mère hyper présente qui, de manière inconditionnelle prendrait son fils unique pour un mythe vivant, le protégerait en le maintenant dans un comportement infantile au prorata du moindre de ses caprices, et d'autre part manipulé par le colonel Parker (Anthony Poupard), son impresario qui, attiserait le delirium tremens en aliénant la star à ses chimères, Elvis ou son clone sombre définitivement dans un égarement psychopathe où la recrudescence de fantasmes grandiloquents le subliment paradoxalement en "martyr" couronné de lumière divine car, en comblant son public si heureux lorsqu'il chante, sa réincarnation sur scène est devenue incontournable.

La logorrhée jubilatoire et prolixe de Serge Valletti est servie avec brio par l'enthousiasme audacieux et l'engagement total d'Olivier Werner, comédien de la troupe permanente de la Comédie de Valence ainsi que le metteur en scène inspiré de cette création, vraiment très Rock & Roll.

Cat.S / Theothea, le 15/12/08 

JACQUES ET SON MAÎTRE

de Milan Kundera

mise en scène  Nicolas Briançon

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Théâtre 14 

Tel:   01 45 45 49 77

 

        Photo © Lot    

      

A l'instar de Jacques et de son maître poursuivant ensemble le chemin de la vie, Nicolas Briançon réitère au Théâtre 14, dix ans après, en prolongeant son malicieux duo avec Yves Pignot dont il fut l'élève et que pour la deuxième fois il met en scène avec en modèle pérenne, l'hommage que Milan Kundera rend à Diderot grâce à ses variations thématiques autour de "Jacques le Fataliste".

Cette mise en perspective de plusieurs récits romanesques où s'enchevêtrent les destinées des uns et des autres va impliquer une osmose de la pensée philosophique s'interrogeant sur la valeur du libre arbitre dans toute action humaine.

C'est donc très naturellement sur le chemin des amours que les protagonistes vont s'essayer à mettre du sens là où les rencontres opportunes pourraient faire diversion sur le cours des choses.

Cependant, cherchant à vérifier sur le terrain que "C'est écrit là-haut: le maître donne les ordres, mais Jacques choisit lesquels.", les deux compères vont se donner la réplique au cours de pérégrinations fort divertissantes qui étayeront la dialectique Hégélienne du "Maître et de l'esclave" en souscrivant à la complémentarité sui generis mais en conservant a contrario l'équilibre entre leurs pouvoirs mutuels.

C'est donc en complices implicites que ces clones apparentés à Don Quichotte et Sancho Pança débarquent dans le relais où l'aubergiste (Nathalie Roussel) aura beau jeu de leur associer quelques partenaires mettant à l'épreuve l'éthique de l'Amour par assauts successifs de malignité.

Mais c'est aussi par la mémoire, avec ses souvenirs plus ou moins encombrants, ses expériences plus ou moins réussies que viendront interférer les divagations poétiques accumulées dans leurs valises par les deux compères, au fil du temps.

C'est ainsi qu'au bout de la nuit, de nouveau en partance, il leur faudra dire une nouvelle fois: "En avant !"; mais "pour où ?" répondra l'écho.

Jacques à son maître : "Que vous regardiez n'importe où, en avant ! c'est partout"

Theothea le 18/12/08

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