Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.61   à   13.65    Page  218

 

   

BONNE ANNEE 2009

     

Âge tendre troisième tournée

SAMEDI DE FETE EN 2008

SAPHO AU CAFE DE LA DANSE

DICK RIVERS  A  L'ALHAMBRA

     

61ème Festival de Cannes

Palme d'or, juste " Entre les murs " de mai 08

            

  Les  MOLIERES  2008 

Le Palmarès      Points de vue

       

Toutes nos  critiques   2008 - 2009

Les Chroniques de   Theothea.com   sur    

   

THEA BLOGS                    Recherche   par mots-clé                    THEA BLOGS      

JE T'AI EPOUSEE PAR ALLEGRESSE

de    Natalia Ginzburg

mise en scène  Marie-Louise Bischofberger

****

Théâtre de La Madeleine

Tel:  01 42 65 07 09   

 

  affiche  ©  Stéphane Rébillon 

   

Traduit mot pour mot de l'Italien, le titre "Ti ho sposato per allegria" plonge au coeur des années soixante, le couple Giuliana-Pietro marié à Rome depuis à peine une semaine.

Cette décision nuptiale impulsive perturbe a posteriori le discernement de la jeune femme qui s'en confie à Vittoria (Marie Vialle, jeune comédienne fort prometteuse), sa domestique pleine de vivacité et de fantaisie.

D'emblée les personnages apparaissent décalés et laissent s'exprimer leurs pensées latentes au profit ou au détriment, question de point de vue, d'une approche déconstruite de la vie et des sentiments.

Feignant d'être persuadée qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre, Giuliana cherche à lister les mauvaises raisons de leur union et tente de convaincre son partenaire de l'erreur fatale qu'ils ont commise à l'insu et contre l'assentiment supputé de leurs familles respectives.

Pleine de nonchalance lucide autant que de plénitude, Valeria Bruni-Tedeschi joue le désenchantement programmé, s'interrogeant sur l'avenir d'un engagement dont Stéphane Freiss, en apesanteur enjouée, confirmerait le bien fondé: "Je t'ai épousée par allégresse" et cette perspective suffit à ma joie et à notre bonheur à venir.

Pour l'heure, sa mère (Edith Scob, cultissime) et Ginestra, sa soeur (Armelle Bérengier, béate de composition) sont attendues pour une visite tant redoutée au jeu de la vérité. Mais c'est paradoxalement, la confusion qui sortira gagnante de cette confrontation où les armes rationnelles vont être contraintes d'abdiquer faute de combattants:

- "Tu ne m'avais pas dit que ta mère était évaporée. Si elle n'était pas évaporée, elle serait insupportable... Par chance, elle est évaporée."

- "Pourquoi tu ne m'as pas raconté que tu t'étais fait psychanalyser ?" lui rétorque Pietro.

- "Il y a beaucoup de choses que je ne t'ai pas racontées... Au fond, nous nous connaissons si peu ! Nous devrions essayer de mieux nous connaître... " propose alors Giuliana.

Cette pièce de Natalia Ginzburg est pleine d'affects à fleur de peau, d'intuitions voilées en butte à l'impudeur du sentiment amoureux face aux sirènes tonitruantes du réalisme.

En évitant soigneusement le pléonasme artistique, Marie-Louise Bischofberger imprime à sa mise en scène un vent de folie douce amère aspirant le jeu des comédiens sous un typhon protecteur d'où ceux-ci peuvent livrer corps et âme aux exaltations d'une subtilité confondante et surtout fort drôle.

Theothea le 29/01/09

BABY DOLL

de    Tennessee Williams

mise en scène  Benoît Lavigne

****

Théâtre de l'Atelier

Tel:  01 46 06 49 24   

 

     Photo affiche © Peter Lindberg  

   

Mélanie Thierry n'a peur de rien, même pas de se lancer en balançoire au-dessus des premiers rangs de l'orchestre sous la poussée de Xavier Gallais, ni même d'être coincée à son insu par l'acteur sur une planche étroite en surplomb de la scène, certainement pas de se livrer à une joute torride avec elle-même, prise entre les feux explosifs de ses deux rivaux.

En effet, face aux risques calculés par d'autres, l'actrice fait preuve, crânement, d'aucune appréhension, bien au contraire!

D'ailleurs Archie Lee (Chick Ortega) serait en passe de parvenir à ses fins maritales, à l'issue du pacte pris auprès du père de la promise, puisque demain Baby Doll aura vingt ans et qu'ainsi le mariage pourra enfin être consommé!

Cependant en nouveau voisin, Silva Vaccaro (Xavier Gallais) est déjà à pied d'oeuvre, convaincu que l'incendie qui, la veille, a détruit son égreneuse à coton, n'est sans doute pas étranger à la faillite annoncée de son concurrent, propriétaire en sursis autant que mari putatif.

Dans le décor superbe et ingénieux d'une maison rustique sous coupe transversale, évocatrice d'emblée de cascades cinématographiques pour cache-cache infernal masqué en courses poursuites, les cinq protagonistes se relaient sur le gril pour tenir en transpiration fébrile le noeud sexuel du supputé attentat économique.

Tennessee Williams a le talent de faire monter en température les années quarante du sud des Etats-Unis jusqu'à mettre les comédiens en état d'exacerbation sensuelle sans échappatoire. A eux de prendre l'exacte cadence pour passer le point de non retour dans l'extase; Mélanie, Xavier et Chick s'y emploient dans un tempo d'une précision gestuelle et d'une justesse de ton, en véritable état de grâce.

En contrepoint, Monique Chaumette et Théo Légitimus ne sont pas les moindres artisans du suspens frémissant que la mise en scène de Benoît Lavigne ne cesse d'attiser en lançant ces deux atouts à tour de rôle comme des leurres récurrents, dans un faux jeu de dupes.

Assurément, cette "Baby Doll" agit comme une formidable surprise des dieux du Théâtre qui l'érigent d'emblée en must emblématique de la saison 08-09.

Theothea le 02/02/09

MARCEL PROUST

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

     

Adaptation & Conception  Adeline Defay

****

Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19  

 

        Photo © Pierre-Yves Dinasquet  

   

Face à face, posées en diagonale symétrique à cour et jardin, deux tables recouvertes totalement d'une couverture sombre à l'instar du rideau de scène en arrière-plan, s'offrent chacune en support d'une lampe de salon à l'identique.

Le décor de la Comédie des Champs-Elysées est ainsi planté pour ces deux soirées de lecture hebdomadaire initiées dès le 1er février 09, en dimanche et lundi.

Robin Renucci s'avance en premier aficionado de Marcel Proust, un léger sourire complice: "Longtemps, je me suis couché de bonne heure..." précédant Bernadette Lafont et Xavier Gallais qui se relaieront ainsi avec lui pour neuf instants choisis de la "A la recherche du temps perdu". "Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : "Je m'endors.". "

Tous trois en costume noir, chemise claire pour les hommes, léger contraste de rouge pour Bernadette alors que, cravate, noeud-papillon et médaille les distinguent en seul accessoire diversifié puisque tous trois portent pareillement des lunettes pour cette lecture.

Si le code vestimentaire est ainsi à l'unisson, a contrario l'expression des trois comédiens les différencient sans vergogne au point de permettre au spectateur de construire mentalement sa propre interprétation de "La Recherche".

"Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire..."

"Du côté de chez Swann" jusqu'au "Temps retrouvé", quatre-vingt dix minutes s'écoulent dans la dégustation littéraire selon le rituel d'une chaise libérée pour l'autre à occuper, le temps d'un instant suspendu.

Xavier, très extraverti cherche à mettre les rieurs dans son camp à l'aide d'inflexions, de postures, de gestes quasi Luchiniens... Bernadette articule les anecdotes du grand Monde avec le sourire éternel de la Nouvelle Vague.... Robin pénètre dans le délice du souvenir jusqu'à faire corps et âme avec la tasse de thé où se plonge le petit morceau de madeleine...

Tous, Proustiens jusqu'au bout du mot, ils se complètent dans un imaginaire où le temps se condense en espace des sens avivés.

Faisant équipe avec les Editions Thélème qui pressentent le goût du public pour ces moments choisis en communion des grands textes, le salut final des trois comédiens est au diapason des applaudissements du spectacle vivant.

Theothea le 03/02/09   

L'ANNIVERSAIRE

de    Harold Pinter

mise en scène  Michel Fagadau

****

Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19  

 

    Visuel affiche Photo © Pascalito  

      

Michel Fagadau a réuni une distribution fort prometteuse où Andréa Ferréol & Lorànt Deutsch en tête d'affiche laissent à penser que Jean-François Stevenin, Nicolas Vaude & Jacques Boudet vont faire une haie d'honneur à la nouvelle venue, Emilie Chesnais dont Patrick, son père est si fier de la voir intégrer "le métier" par la grande porte.

La disparition récente d'Harold Pinter ajoute à l'émotion de découvrir cette nouvelle adaptation française du directeur de la Comédie des Champs-Elysées dont la mise en scène semble se placer d'emblée sous le signe paradoxal de la parodie.

En effet, trois grands miroirs déformants vont constituer la structure du décor en masquant plus ou moins les coulisses, à la manière d'un immense paravent ajouré.

Place donc à l'anniversaire, celui de Stanley (Lorànt Deutsch), seul résidant permanent de cette pension de famille du bout du monde.

Meg (Andréa Ferréol) et Peter (Jacques Boudet) en sont les hôtes, assez désappointés de constater que leur client ne parvient pas à s'extraire d'un cycle maniaco-dépressif.

Cependant, là, où Meg perçoit une complaisance qu'il faudrait combattre, son mari serait plus volontiers adepte du non-interventionisme.

C'est alors que surviennent, pour passer la nuit, deux étrangers qui vont rapidement souhaiter participer aux festivités de l'anniversaire.

Passant d'une attitude dictatoriale à l'égard de Meg à un comportement de soumission progressive aux desiderata du duo Goldberg (Jean-François Stevenin) - MacCann (Nicolas Vaude), Stanley, lui, va être happé vers une prostration inéluctable dont Lulu (Emilie Chesnais), la voisine percevra les rouages de manipulation maléfique sans être en mesure de pouvoir intervenir.

Ce qui devrait prédominer dans cette pièce, c'est un sentiment diffus de menace d'autant plus pesante qu'il apparaît peu à peu que rien ne pourra arrêter la machine infernale.

Michel Fagadau a pris le parti de jouer l'équivoque, en laissant accessible, la multiplicité des points de vue envisageables.

Aussi, sa direction d'acteurs incite ceux-ci à rester dans le flou des personnages et à susciter ainsi une confusion relationnelle dont nul ne sort indemne, y compris les spectateurs qui, s'interrogeant en permanence sur le sentiment de vraisemblance, sont confortés par la présence déformante des trois miroirs censés justifier leur doute.

Reste que ce pari en abîme est fort osé de la part du metteur en scène, car il tend à rendre les comédiens éthérés jusqu'au point d'en risquer le caractère insipide.

Theothea le 06/02/09

VALERIE LEMERCIER AU PALACE

   

Textes de Valérie Lemercier & Brigitte Buc

****

Théâtre Le Palace

Tel:  01 40 22 60 00     

 

        Dessin affiche ©  Valérie Lemercier  

   

Trois mois après la réouverture du Palace en nouveau Temple parisien du spectacle vivant, le retour de Valérie Lemercier continue de susciter, vers 20H00, sur la rue du Faubourg Montmartre, cette longue file d'attente jusqu'aux Grands Boulevards... en perspective de la mi-février.

En effet au-delà, tournée et prolongations à l'Olympia attendent l'artiste pour une heure un quart de spectacle quotidien, celui d'un regard décalé sur ses contemporains enclins à la schizophrénie entre l'être et le paraître.

Parmi les rires hystérisés, la marrade, le rictus ou la psychorigidité, en échos de la salle à l'exhibition par ailleurs relativement sobre de l'artiste, ses avatars se succèdent sur les planches, en fondus enchaînés sous obscurité intégrale.

Cependant une note de couleur se cristallise en rouge sur l'accessoire toujours à portée de main avec lequel la comédienne, moulée de noir, compose le fond et la forme.

Tel un personnage de bande dessinée à la Claire Brétecher qui, s'échappant du cadre, viendrait bousculer le formatage des conventions, Valérie Lemercier se déplace sur scène comme une funambule dont le fil serait celui d'une pensée en rupture de codes et dont le balancier viendrait tordre l'ultime équilibre.

En fait, la coauteur du texte avec Brigitte Buc pourrait raconter ce qu'elle veut, c'est sa dégaine qui déclenche l'hilarité.

La silhouette, toujours gracile, semble être happée par un mouvement saccadé des bras et des jambes esquissant une chorégraphie unique, en son genre, dont les aficionados seraient addicts.

Mais, il y a quelque chose de Zouc chez Valérie, un hyperréalisme, taillé sur mesures qui, en pénétrant le système immunitaire de l'idéologie dominante, vient faire exploser, mine de rien, les défense naturelles de l'ordre moral.

Ainsi vient, à point nommé, la réplique en abîme affective, du père belge, récemment veuf, à l'intention de son fils:

"On voit bien que tu n'as jamais mangé la chatte à maman.".

Vue des premiers rangs de l'orchestre,Valérie Lemercier jubile à l'instant de prononcer cette sentence oedipienne, car sur le point de choquer l'assistance, elle pressent le remue-ménage psychanalytique qu'elle déclenche à distance.

A contrario, elle met l'ensemble des rieurs dans son camp en éructant ce verdict maternel désappointé à l'égard de sa progéniture:

"C'est pas en mangeant du Galak devant Youtube qu'on verra vos tronches sur un billet de cinquante balles".

La bourge maniérée ne sera évidemment pas en reste, telle une virgule affriolante du show qui parcourrait la scène en diagonale de cour à jardin ou vice versa:

"ma soeur m'avait offert un pull en cachemire, elle vient de le voir lors du dîner… porté par ma femme de ménage".

D'ici la mi-février 09, que restera-t-il donc de "Valérie Lemercier au Palace" ?

Absolument rien, puisque, comme à l'accoutumé, l'artiste n'a pas souhaité que sa prestation soit captée.

La mémoire volatile ne serait-elle pas devenue la clef du succès pour le spectacle vivant ?

Theothea le 04/02/09

Recherche   par mots-clé