Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

13ème  Saison     Chroniques   13.66   à   13.70    Page  219

 

   

BONNE ANNEE 2009

     

Âge tendre troisième tournée

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L'ORDINAIRE

de    Michel Vinaver

mise en scène  Michel Vinaver & Gilone Brun

****

Comédie Française

Tel: 08 10 25 16 80  

 

     Dessin ©  Cat.S 

   

Telle une aile d’avion qui se serait enfichée, depuis l’arrière-scène, jusqu’au-dessus des premiers rangs des fauteuils d’orchestre, à quelques instants du crash qui va laisser huit survivants, livrés à eux-mêmes, en pleine Cordillère des Andes, la scénographie de Michel Vinaver & Gilone Brun accueille onze passagers d’un jet privé face à la destinée.

Affrétée par une multinationale en pleine conquête de marché commercial en Amérique du Sud, la prochaine étape du vol devait amener ce staff de managers, en escale au Chili.

Mais, les voici désormais au sommet glacial des neiges éternelles, ceux-ci que le sort a décidé de laisser isolés du monde, pour l’instant encore vivants, en confrontation simultanée avec la perte de tous leurs repères habituels.

Inspirée du fait divers survenu en 1972 aux 45 membres d’une équipe sportive dont seize d’entre eux ne durent leur survie, après 72 jours isolés du monde, qu’à une anthropophagie délibérément assumée, la pièce de Michel Vinaver, créée en 1983, reprend le fil de ce récit surréaliste pour en dépeindre la renaissance d’une démocratie en temps réel.

Au jeu des chaises musicales où les lois de la résistance aux violences de la Nature vont se révéler proportionnelles à l’adaptabilité des sujets, dans leur capacité à remettre, ou non, en question les règles éthiques jusque-là admises, c’est la dénégation qui va s’imposer, prioritairement, en tant qu’ennemie rédhibitoire.

En effet, faire comme si la vie quotidienne de l’entreprise, c’est-à-dire la vie normative, pouvait se perpétuer à une altitude hostile, le temps du sauvetage forcément programmé par les assurances tous risques, n’aurait que des vertus passagères sur l’équilibre psychique soumis en pratique à l’épreuve d’un réel indifférencié inscrit désormais dans une durée illimitée.

C’est donc, dans la détermination à affronter la muraille insurmontable de la montagne plutôt que de s’accrocher aux ombres fantoches d’un management devenu inutile et inefficace, que la sortie du labyrinthe deviendrait envisageable, à condition d’assumer qu’il faille se sustenter pour survivre.

S’il ne devait en rester que deux, le corps expéditionnaire constitué par Sue (Léonie Simaga) & Ed (Gilles David) pourrait devenir emblématique de cette volonté à surmonter l’impensable.

La création de « L’Ordinaire » à la Salle Richelieu permet à la direction de Muriel Mayette d’honorer Michel Vinaver, en faisant entrer l’auteur, de son vivant, à l’âge de quatre-vingt trois ans, au répertoire de La Comédie Française.

Theothea le 10/02/09

LE CAS BLANCHE-NEIGE

de    Howard Barker

mise en scène  Frédéric Maragnani

****

Odéon Berthier

Tel:  01 44 85 40 40   

 

     Photo ©  Frédéric Démesure 

   

Paradoxalement, Howard Barker ne fait pas si grand cas de Blanche-Neige; c’est la Reine qui l’intéresse, cette marâtre du conte des frères Grimm qui, en séduisant tout être qui la rencontre, va fasciner le Roi au point de lui faire ressentir une jalousie insupportable.

Blanche-Neige (Céline Milliat-Baumgartner) tentera bien d’imiter sa belle-mère en multipliant les conquêtes amoureuses jusqu’à être demandée, elle-même, en mariage, mais le charisme de la Reine fera la course en tête en imposant une fantasmagorie sexuelle froide, implacable et magistrale.

Cette joute sensuelle pour une domination absolue ne serait pas sans rappeler la relation initiatrice de Sacher-Masoch à l’égard de Wanda son héroïne, la fameuse Venus à la fourrure.

Cependant, sur la scène de l’Odéon-Berthier, la clé du conte revisité par Barker va se focaliser sur une paire de chaussures en fer, portées au feu jusqu’à blancheur incandescente, que le Roi (Christophe Brault), dépité, destine à sa Reine (Marie-Armelle Deguy) d’une arrogance sans faille apparente.

Celle-ci, aussi fière que la chèvre de Monsieur Séguin, va donc transgresser la douleur en dansant jusqu’à l’extinction du bal et les lueurs de l’aube.

La mise en scène de Frédéric Maragnani s’inspire d’un dépouillement glacé où la lumière surexpose l’intuition de la jouissance fantasmée dans une chorégraphie de marionnettiste, à la fois lascive et brutale.

La gestuelle et la démarche de la reine obéissent à un flux mécanique et répétitif suggérant par contraste, l’érotisme torride contenu à l’extrême jusqu’aux confins de l’indécence.

La Madone moulée dans sa dignité triomphante traversera l’épreuve du miroir cristallisant le masque imperturbable dans le sang expiatoire, sous la vocation absolue de la maîtrise de soi.

Ainsi contée, la Blanche-Neige de Howard Barker serait-elle à si bonne école pour apprendre « Comment le savoir vient aux jeunes filles », si ce n’est en se contemplant dans la pomme, belle à croquer ?

Theothea le 12/02/09

CESAR, FANNY, MARIUS

de    Marcel Pagnol

mise en scène  Francis Huster

****

Théâtre  Antoine

Tel:  01 42 08 77 71   

 

        Photos ©  Benoît Jeannot 

       

Retrouvailles d’anthologie au sommet de deux carrières initiées ensemble dès le conservatoire à la fin des années soixante: Voici donc que Francis Huster met en scène Jacques Weber, tout en lui rendant la réplique dans des scènes cultes de Marcel Pagnol dédiées, avec un même bonheur, autant au 7ème Art qu’au spectacle vivant.

Le théâtre Antoine accueille donc ces deux monstres sacrés avec la légitimité d’une salle qui, sous l’égide du couple Daniel Dares & Héléna Bossis, disparue peu après ce choix de programmation inspiré par la passion, possède la volonté d’inscrire en lettres de feu, la création théâtrale.

Entourés par une distribution d’emblée mémorable où de jeunes révélations, Hafsia Herzi (Fanny), et Stanley Weber (Marius), fils de Jacques, côtoient des valeurs sûres de la comédie comme Charlotte Kay, Urbain Cancelier & Eric Laugérias, le duo Weber-Huster, ayant donc fait table rase de mésententes caduques, prend possession du fameux bar de la marine durant trois heures pour une fabuleuse régalade méditerranéenne.

L’interprétation de Jacques Weber pourrait aisément reléguer au rang d’esquisse tous les « Césars » qui ont précédé sa présente prise de rôle, mais assurément, une telle compétition ne correspondrait pas à l’ambition patrimoniale d’une direction d’acteurs que Francis Huster a pris soin d’adapter pour les planches avec un point de vue d’intense cinéphilie.

C’est ainsi qu’au sein d’une alternative prolongée entre champ et contrechamp, le merveilleux décor de Thierry Flamand épouse successivement l’intérieur du bistrot et par la suite sa terrasse avec, dans ces deux phases fort colorées, le port de Marseille en perspective... Atmosphère, atmosphère !...

Que ce soit donc, au cours de la célèbre partie de cartes, ou durant le conciliabule nuptial lié à la « grossesse » de Fanny, les voix et les accents portent haut le folklore social de la nostalgie en remake de cette époque de bonhomie.

Si le ton bourru de Jacques se glisse à merveille dans sa charpente corporelle, ajoutant aux inflexions du phrasé, celles de circonvolutions gestuelles synchrones avec son humour latent, la composition de Panisse par Francis pourrait manquer de quelque distanciation, en raison des contraintes objectives du metteur en scène livrant l’acteur à un jeu trop proche du premier degré dans la colère récurrente.

A cette réserve près qu’il lui sera possible d’effacer en s’abandonnant à ses nuances à fleur de peau, Francis Huster signe une véritable soirée d’euphorie où chacun de ses partenaires prend un voluptueux plaisir à se fondre dans la candeur du sentiment, suscitant d’ores et déjà pour tous, un fabuleux souvenir de Théâtre.

Theothea le 11/02/09

ROMANCERO GITANO

chorégraphie    Cristina Hoyos

mise en scène  José Carlos Plaza

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Folies Bergère

Tel: 08 92 68 16 50   

 

      Photo ©  Julio Vergne  

 

Cristina Hoyos, la reine du Flamenco, celle qui illumina "Carmen" ou "Noces de Sang" d'Antonio Gadès, filmés par Carlos Saura, tire sa révérence avec un ballet, le "Romancero gitano" extrait de l'œuvre poétique de Federico Garcia Lorca sous un recueil écrit en 1928, composé de 15 romances.

Cristina Hoyos en illustre 9 par autant de tableaux qui ont chacun leur couleur, leur force, leur noirceur, ou leur douleur.

Tous nourris par les larmes et le sang des gitans andalous, qui vivent en marge de la société et sont persécutés par l'autorité, ici chorégraphiés sur le "Romance de la Guardia civil".

Rencontre donc entre danse populaire et poésie: Une poésie nocturne, lunaire où les éléments de la nature sont souvent personnifiés, une poésie connue pour sa sensualité et l'usage de la métaphore, pleine de symboles.

Ainsi ces poèmes idolâtrent

- la lune qui, telle une séductrice aux attributs féminins, hypnotise l'enfant gitan et l'entraîne dans la mort, en le tenant par la main pour le "Romance de la luna, luna"

- le vent aux attributs masculins qui flirte avec les jupes, enivre la jeune fille et la fait succomber au plaisir des hommes pour le "Romance de Preciosa y el aire"

- la nuit avec son pouvoir maléfique et envoûtant où les désirs inavoués et secrets s'entrouvent alors que le corps cloîtré exulte sous l'habit de nonne, c'est le "Romance de la monja gitana", où la passion se déchaîne pour la femme infidèle, c'est le "Romance de la casada infiel" et entraîne une violence exacerbée jusqu'à la mort dans des luttes fratricides, c'est la "Muerte de Antonito el Camborio".

Incantation lancinante et poignante d'un peuple, la musicalité de F. Garcia Lorca va être déclinée en un ballet chorégraphié par Cristina Hoyos, elle aussi andalouse, et mis en scène par José Carlos Plaza, avec 22 danseurs, musiciens et chanteurs.

La scène est séparée en deux:

Côté cour, autour d'un feu, dans des couleurs sombres, la Hoyos, toute de noir vêtue, les chanteurs, les deux guitaristes et un joueur de tambourin, frappent des mains;

côté jardin, sur fond de camp gitan sur une aire d'autoroutes, éclatent les danses rythmées par les jeux de pied du Taconeo et du Zapateo;

les danses expriment chacune selon son "Romance", l'insouciance, l'affliction, la douleur, le cri de révolte, ou la mise à sac par la garde civile, masse effarante au pas cadencé, d'une synchronisation parfaite.

Tous ces mouvements étourdissants vont mener à l'apothéose de la dame en noir, de 63 ans, cambrée dans sa dignité qui, avec ses castagnettes, et ses battements de pieds, va entreprendre en solo une danse magnétique, tel un serpent ondulant, de la "Pena negra", inconsolable et solitaire.

Charismatique, Cristina Hoyos nous envoûte en ayant choisi, pour ses adieux à la scène parisienne, d'apparaître aux "Folies Bergère" en tête de sa troupe au style épuré, le "Flamenco de Andalucia".

Cat.S & Theothea le 22/02/09

COCHONS D'INDE

de    Sébastien Thiéry

mise en scène  Anne Bourgeois

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Théâtre  Hébertot

Tel: 01 43 87 23 23  

 

      Visuel affiche

   

Mais que diable Patrick Chesnais allait-il faire dans l’agence bancaire de son quartier, si ce n’est pour y retirer, sous le nom d’Alain Kraft, 500 euros de son compte courant ?

Compte et sas de sécurité bloqués, voici donc ce gestionnaire immobilier pris au piège de la réussite sociale vis-à-vis de laquelle, le récent rachat de sa banque française par la Bank of India imposerait désormais une éthique, d’origine locale, très stricte.

En effet, le changement de caste y est proscrit, notamment en cas d’augmentation des revenus grâce à l’ascenseur social.

Inscrit dans une perspective surréaliste de mondialisation, cette pièce du jeune auteur Sébastien Thiéry pourrait avoir des vertus visionnaires sous une apparence vaudevillesque.

Mais le ton persifleur et un tantinet discriminatoire empêche rapidement d’adhérer en confiance à cette hallucination rocambolesque.

En outre, Anne Bourgeois, metteuse en scène à deux reprises d’Alain Delon au théâtre, sans doute plus convaincue ici de la métaphore que de la pertinence du texte, n’hésite pas à demander aux acteurs de surjouer les situations cocasses en risquant en permanence le pléonasme formel.

C’est donc dans le sens du poil, que Patrick Chesnais par ailleurs excellent dans l’insolite, l’absurde et la posture nonchalante est contraint de densifier sa caricature pour tenter d’amener ses valeureux partenaires (Josiane Stoléru, Anna Gaylor, Sébastien Thiéry) à un nirvana kafkaïen improbable.

Au demeurant l’histoire part définitivement en vrille, en faisant surgir Dieu (Parha Pratim Majumder) de manière inopinée, incarné pour la circonstance, en directeur général de la Bank of India n’ayant d’autre compromis goguenard à proposer au client occidental, pour le dédouanement de sa délinquance présumée, qu’une taxe à hauteur du ratio de sa réussite financière.

Au demeurant, cette leçon de morale en trompe-l’oeil provoque davantage une impression loufoque d’esquive plutôt que de solidarité universelle prônée et sermonnée, sous le style de la gaudriole, tout au long de « Cochons d’Inde ».

Theothea le 09/02/09

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