Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

14ème  Saison     Chroniques   14.16   à   14.20    Page  231

 

   

SYLVIE   VARTAN

L' Olympia  2009

  

Les  MOLIERES  2009 

Le Palmarès      Points de vue

L'Album Photos de Theothea

        

62ème Festival de Cannes 2009

Palme d' hors cinéphiles

              

Toutes nos  critiques   2009 - 2010

Les Chroniques de   Theothea.com   sur    

   

THEA BLOGS                    Recherche   par mots-clé                    THEA BLOGS      

QUI EST MONSIEUR SCHMITT ?

de  Sébastien Thiery

mise en scène  José Paul & Stéphane Cottin

****

Théâtre de La Madeleine

Tel: 01 42 65 07 09

 

   photo ©  Cat.S / Theothea.com 

Derrière le divan du salon, veille le portrait d’un berger allemand.

A l’autre bout de la pièce, Jean-Claude et Nicole Bélier déjeunent alors que retentit le téléphone.

Etrangement, le chien de garde se serait substitué au visage maternel alors que telle une alarme, la sonnerie improbable provoque une double stupéfaction.

« Etes-vous Monsieur Schmitt ? » demande la voix au bout du fil, alors que le couple Bélier n’a pas d’abonnement téléphonique.

Voilà une approche, en puissance « analytique », de la nouvelle pièce signée Sébastien Thiéry incarnant, de surcroît, sur la scène du Théâtre de La Madeleine, le rôle du psychiatre, alors que la police sera représentée par Chick Ortega.

Absurde diront les uns, surréaliste diront certains, irrationnel encore d’autres... mais surtout schizophrénique, devrait-on comprendre.

Un cas d’école en effet, grandeur nature scénique, où Richard Berry et Raphaëline Goupilleau vont exceller durant quatre-vingt minutes, tout à fait passionnantes, à faire vivre la problématique identitaire au sein du conflit de personnalité.

La direction de José Paul et Stéphane Cottin est remarquable car elle respecte la complexité du questionnement renvoyé en miroir infini du mari à l’épouse en passant par Karl (Jean-Luc Joseph), le fils putatif.

En meneurs de jeu irresponsables, le psychiatre et le policier, eux, mènent l’enquête tendant à rendre définitivement « fou » celui qui a eu le malheur de tomber en des mains si peu expertes à clarifier l’entendement obscurci par des consignes formatées.

De Jean-Claude Bélier à Monsieur Schmitt, va donc se creuser un trou noir où la dénégation et la perte de repères vont, peu à peu, faire leur oeuvre de sape; il ne suffira plus que du coup de grâce ou du coup de pied de l’âne pour mettre un terme à la confusion projetée, avec l’assentiment général, sur l’archétype du dédoublement.

Si effectivement « L’enfer, c’est les autres », alors Sébastien Thiéry illustre, de manière caustique, ce pressentiment pathologique en neutralisant, le temps de la démonstration théâtrale, la clef permettant d’échapper à l’aliénation du « Huis-Clos ».

Theothea le 02/10/09

LE DEMON DE HANNAH

de  Antoine Rault

mise en scène  Michel Fagadau

****

Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

 

     photos affiche ©  Pascalito 

   

Si la passion ayant accouplé Hannah Arendt et Martin Heidegger dans les années 25 pouvait, soudain, ressusciter dans les années cinquante, après tout ce qui s’était passé entre deux, Elsa Zylberstein et Didier Flamand se posent, en comédiens engagés sur les planches, la question idéologique qu’Antoine Rault, l’auteur et Michel Fagadau, le metteur en scène, ont tenté de conceptualiser et théâtraliser à cet égard.

Tout d’abord le décor, deux cubes juxtaposés symbolisent côté cour, le Berlin dévasté d’après-guerre, côté jardin, le New-York triomphant de l’« American way of life ».

Dans l’un, Hannah face à son mari (Jean-Marie Galey) alors que dans l’autre, Martin opposé à son épouse (Josiane Stoleru), se préparent aux retrouvailles des deux ex-amants qu’il va, ainsi, falloir expliciter aux partenaires respectifs, en justifiant, professionnellement, cette rencontre et, ainsi, la rendre crédible, vingt-cinq années plus tard, dans une petite chambre d’hôtel à Berlin.

L’étudiante et disciple étant devenue l’égale du maître sur le plan philosophique; l’une étant désormais reconnue par ses pairs, l’autre en situation d’interdiction d’enseigner, vont se retrouver comme aimantés par une force indicible, en état d’implosion implicite.

Ce n’est pas tant la différence d’âges, qui s’est nécessairement accusée, que la dialectique des motivations et reproches qui servira de tremplin à cet élan d’amour-haine que le temps n’aura fait qu’exacerber.

Ainsi, au coeur du conflit amoureux, se dresse comme une montagne infranchissable, l’adhésion au National-Socialisme et ses lois anti-juives auxquelles Martin Heidegger se défend d’avoir souscrit si ce n’est par simple échappatoire administrative.

Comment donc restaurer une confiance apparemment trahie au nom des serments fusionnels d’antan ?

En tout cas, ce n’est pas Madame Heidegger qui sauvera des cendres, le souvenir de cette passion intransgressible, car telle une diablesse sortant d’une boîte à mauvaises surprises, celle-ci fera irruption, dans la chambre des amours retrouvés, pour vider le sac des tromperies et autres lâchetés conjoncturelles que Martin, son mari ne semblera pas en mesure de récuser.

Didier Flamand se présente effectivement fort touchant dans la sincérité des sentiments contrariés; face à ce débordement maîtrisé, Elsa Zylberstein apparaît sur un fil d’équilibriste qui tantôt sermonne, tantôt abandonne le quant-à-soi pour s’en remettre à un jeu instinctif où se discerneraient des enjeux contradictoires, dirigés à l’emporte-pièce par Michel Fagadau.

Ainsi, au vu des premières représentations, la comédienne, dans son souci d’identification au personnage, semble se faire la proie consentante d’une forte interrogation subjective.

Gageons, dans cette perspective, que le démon d’Elsa serait une feinte ingénieuse de l’Actor Studio.

Theothea le 08/10/09

CASIMIR ET CAROLINE

de  Ödön von Horvath

mise en scène  Johan Simons & Paul Koek

****

Théâtre des Amandiers Nanterre

Tel: 01 46 14 70 00

 

   photo ©  Cat.S / Theothea.com 

   

Clôturant le 61ème Festival d’Avignon, la retransmission en direct depuis la Cour d’honneur de « Casimir et Caroline » répercutait à distance hertzienne, le tohu-bohu que la mise en scène de Johan Simons et Paul Koek avait suscité en juillet 09.

En inaugurant, début octobre suivant, sa série de cinq représentations au Théâtre des Amandiers de Nanterre, la pièce d’Ödön von Horvath s’apprêtait à faire revivre cette atmosphère munichoise de grande fête de la bière, à l’orée des années trente, sur un manège de montagnes russes qu’esquissait son décor d’échafaudage en tubulures métallisées.

A l’instar d’un huit et demi Fellinien, les multiples projecteurs inondaient la scène des amours perdus, retrouvés et à nouveau perdus en éblouissant de ses phares, le vague à l’âme dédié au terrain de la séduction.

Wim Opbrouck et Els Dottermans faisaient, alors, leur entrée sur les planches, tels le toréador et sa conquête, saluant les spectateurs avant la délectation du combat, à coeur nu, que la foule serait toujours prête à dénier par le bais de ses critiques postées en chiens de garde du théâtralement correct.

L’énergie de cette création néerlandaise commençait à prendre son rythme de croisière, en escalades et dégringolades des différents niveaux de lecture de la crise économique, sociale et, donc le cas échéant, amoureuse qui toujours pointe son nez, là où il ne faudrait pas.

C’est pourquoi, les musiciens démantelaient, live, le langoureux spleen du leitmotiv techno dans la foulée d’une reconstruction d’un opéra rock, inextinguible.

Quand soudain, un gémissement s’enfuyant en coulisses, surgissait hors du concert des lamentations et autres vociférations synchrones.... en raison du claquage musculaire qui allait, sous peu, faire revenir Casimir, d’un pas claudiquant, avec le masque de la douleur cachée, lançant des éclairs grimaçants.

Ainsi, au plus fort de ses vitupérations et de son élan cosmique, cette première représentation des Amandiers était touchée en plein coeur; elle ne pourrait s’en remettre.... qu’au courage forcené du comédien de terminer vaille que vaille le rituel de la tragédie.

Ses partenaires, à l’unisson, tentaient de maintenir l’attention du public, en jouant au mieux l’improvisation autour de Wim Opbrouck qui, contraint de s’asseoir sur une chaise, finirait par la brandir et la jeter rageusement au sol, en provocant des éclats.

Casimir ainsi terrassé, jamais, de toutes évidences, Caroline n’aurait eu, autant le champ libre, pour une nouvelle vie: « ENJOY ».

Theothea le 05/10/09

MARIE STUART

de  Friedrich Schiller

mise en scène  Stuart Seide

****

Théâtre Gérard Philipe

Tel: 01 48 13 70 00

 

     photo ©  Cat.S / Theothea.com 

   

En osant imaginer la rencontre emblématique entre deux Reines, Marie Stuart et Elisabeth I, Friedrich Schiller s’affranchit des contingences de l’Histoire mais surtout met en place la confrontation directe entre deux postures royales, le vertige du pouvoir absolu d’une part et la sublimation du pouvoir déchu par ailleurs.

A l’instar d’un échiquier métaphorique où s’organiserait la lutte au sommet afin de parvenir à la liberté suprême mettant hors de nuire, la fourberie de l’humanité, Océane Mozas et Cécile Garcia Fogel prennent en charge de concert, la lâcheté universelle pour aboutir au superbe « échec et mat » infligé à l’illusoire puissance divine convoitée par le destin terrestre.

Ainsi, la raison ne pouvant s’opposer à elle-même, les deux comédiennes seront contraintes d’en passer par le duel à mort que la sororité va exacerber au plus haut point du conflit d’intérêts:

En effet, La Reine d’Angleterre ne pourra asseoir durablement le prestige de son règne qu’en éliminant sa rivale, la Reine d’Ecosse, d’autant plus que leur entourage influent serait disponible au moindre renversement opportun.

Cependant, alors que l’une est sur le trône mais que l’autre croupit dans les geôles de la Tour de Londres, il ne sera vraiment pas aisé de se résoudre à l’ordre de décapitation.

Comme si la pulsion de mort pouvait se retourner contre celle qui s’y laisserait séduire, la pulsion de vie gagne un précieux terrain, au fur et à mesure de son enfermement.

Le pressentiment de l’effet boomerang plane du début à la fin d’une scénographie que Stuart Seide ouvre à tous les vents de l’argumentaire contradictoire, tout en soumettant les onze protagonistes à la problématique implicite du respect de la vie.

Davantage métaphysique que morale, cette leçon sur le désappointement que pourrait susciter l’exercice unilatéral du pouvoir possède, donc en filigrane, les vertus d’une fable bien contemporaine.

Theothea le 06/10/09

L'ILLUSION CONJUGALE

de  Eric Assous

mise en scène  Jean-Luc Moreau

****

Théâtre de l'Oeuvre

Tel: 01 44 53 88 88

 

     photo © Eric Devert  

   

En réclamant, d’entrée de jeu, un « état des lieux » de leur couple, Jeanne lance à Maxime le défi de la vérité pour laquelle, paradoxalement, elle semble n’avoir aucune illusion.

En effet, si la partie de cache-cache conjugale, bientôt démasquée, pouvait recenser le nombre de liaisons respectives, le bilan prosaïque pourrait, tout autant, faire le lit d’une partie parallèle où la valeur éthique des sentiments serait sacrifiée au nom d’un laxisme peu reluisant.

Ainsi dans un match nul, où douze ruptures de contrat de mariage pourrait équivaloir à une seule étalée sur neuf mois, une arrière-pensée déplaisante se glisse subrepticement quant à la pertinence de ces chiffres face à la haute idée imputée si non à l’Amour, tout au moins à l’Amitié.

En effet, si ces deux aspirations à l’absolu devaient être renvoyées dos à dos, en une lutte dont l’aboutissement serait forcément biaisé, quelle déconvenue pour le trio traditionnel, mari, amant et épouse, confronté à l’échec de l’idéal du moi.

Convoqué au domicile conjugal, Claude, le tiers attendu, sera, à son insu, le vecteur de cette terrible prise de conscience qui les laissera tous les trois « sur le tapis » de la consternation pour gâchis affectif avéré.

Sur la scène du Théâtre de l’Oeuvre, cette rencontre au sommet entre deux metteurs en scène se donnant, en acteurs aguerris, la réplique frontale est, en soi, un régal suprême que, de surcroît, leur égérie va, subtilement, transcender, avec élégance et tact, en un véritable acte d’amour au spectacle vivant.

Oui, Isabelle Gélinas, José Paul et Jean-Luc Moreau sont au comble de l’excellence qu’ils distillent, avec un plaisir éminemment communicatif, au vu et au su du tout pari jubilatoire sur ce talisman qu'est devenu Eric Assous.

Theothea le 09/10/09

Recherche   par mots-clé