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TIMON D'ATHENES
de Sophie
Couronne
mise en scène
Tazerka Ben Sadia-Lavant
|
****
Maison de la
Poèsie
Tel:
01
44 54 33 00
|
A la tête dun sextuor urbain, Denis Lavant investit la Maison
de la poésie durant trois semaines, afin de slamer lhistoire
de Timon, revenu de toutes ses illusions sur lamitié et son
corollaire de fortune, la solidarité.
Shakespeare et Athènes sy conjuguent au meilleur des accents
dun blues en baskets, emportant la misanthropie sur des rivages où
rap, slam et free-jazz fusionnent pour scander les maux de lhumanité
sur les plus vertigineux de ses mots.
Pendant quau miroir dun jeu de chaises musicales se
réfléchirait celui du massacre des liens tissés par
une générosité forcément
désintéressée, le détournement des regards abandonne
le repli sur soi programmé par une haine désabusée,
aux langueurs rugueuses du mépris.
Ainsi, au rythme du dédain, les fringues et autre friperie
branchée aux cuirs les plus bling-bling, senvolent-ils sur
scène, en tournoyant dans lair vicié du déni,
pour atterrir aux pieds de leurs idolâtres, alors que batterie, guitares
et machines à sons accompagnent le mouvement hip-hop des onomatopées
surfant sur des joutes verbales en cavale.
Dune superbe indifférence à toutes épreuves,
Denis Lavant, en chef de bande légitime, pousse, de ses
vociférations gutturales, ses ex-compagnons, sur le chemin sans retour
de la confrontation rhétorique jusquau-boutiste.
Money or not money, telle est la question qui, définitivement caduque,
aura su déceler toutes les impostures du comportement social.
Aussi, réfugié dans sa grotte loin des compassions trahies,
Timon est prêt à contempler le spectacle dune civilisation
en déroute, sombrant tel ce radeau ayant fait fi «des copains
dabord».
Précis et ondoyants, comme des aventuriers lunaires, Casey, Dde
Kabal, Marie Payen, Mike Ladd et DoctorL se relaient aux micros, dans la
détermination du félin, pour faire entendre la musique
shakespearienne condensée aux claques de la gravitation.
La mise en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant sempare de
ladaptation libre de Sophie Couronne pour en ciseler le feeling à
laune dune révélation hors normes.
Theothea le 30/11/09
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BOIRE, FUMER, CONDUIRE
VITE
de Philippe
Lellouche
mise en scène
Marion Sarraut
|
****
La Grande
Comédie
Tel:
01 48 74 03 65
|
De la cellule de dégrisement dun hôtel de police à
la salle de transit dun hôtel entre deux mondes,
sévaluerait la distance a minima de deux auteurs
sinquiétant de lespace-temps où se joue la
destinée.
En effet, de la Comédie à la Métaphysique, il ny
aurait quun pas à franchir pour basculer dun côté
ou lautre de la vie.
Alors, quil sappelle Eric-Emmanuel Schmitt ou Philippe Lellouche,
les voies du paradis pourraient paraître aussi proches du
terre-à-terre prosaïque que de la révélation
mystique.
Mais nanticipons pas davantage la problématique, puisque
précisément le quatuor de La Grande Comédie souhaite,
à juste titre, préserver les effets de la griserie.
Donc, cest en trio de circonstances accidentelles, que Vadim, Lellouche
et Brécourt vont se rencontrer, sous la protection dune avocate
commise doffice, dans le huis-clos dune garde à vue.
Ils vont pouvoir y cracher tout le venin quils nourrissent à
légard dune société devenue, à leurs
yeux, éminemment normative et par trop privative de liberté
individuelle.
En se défoulant dans la reconstitution parodique de leur transgression
de la loi, Christian, Philippe et David vont tenter de pactiser avec
légérie de leur défense.
Cependant la belle Vanessa Demouy nincarne pas forcément
le rôle que ces quadras lui ont, spontanément, attribué.
Confrontés à une poupée de rêve, qui, ainsi
de suite, pourrait en cacher une autre, les garçons vont, paradoxalement,
en prendre pour leur grade de confiance en eux.
Bien que, par esprit de système, la régression ait des vertus
sympathiques que la nostalgie dune époque ferait aisément
passer pour succédané dun conte de fée, les
voilà maintenant au pied du mur où larchange va tenter
de leur faire ouvrir les yeux sur les stéréotypes quils
trimballent depuis lenfance.
Mais « Alea jacta est », une intuition de solidarité
masculine va les inciter à prendre, définitivement, leurs
désirs pour la Réalité.
Qui oserait, donc, reprocher à Philippe Lellouche, un happy end
pour son troisième « Jeu de la vérité »
?
En tout cas, certainement pas Eric-Emmanuel Schmitt convaincu que la foi
peut avoir raison de tout... sauf, bien entendu, de lesprit de
sérieux brillamment fustigé, de la première
jusquà la dernière seconde dune métaphore
où « Boire, fumer, conduire vite » seraient
imprescriptibles.
Theothea le 02/12/09
|
BREL DE BRUXELLES AUX
MARQUISES
de & mise en scène
Jacques Pessis
|
****
Théâtre
Dejazet
Tel:
01
48 87 52 55
|
De Piaf à Brel, Nathalie Lhermitte fait le grand saut artistique
du féminin au masculin sous la protection rapprochée de Jacques
Pessis aux commandes de cette biographie musicale consacrée au Grand
« Jacques »
Avec laccompagnement exclusif dAurélien Noël à
laccordéon, le Théâtre Dejazet, sous les auspices
de Jean Bouquin, fait le pari de la classe, de la qualité et surtout
de la chanson française.
Le risque est mesuré, tant ce spectacle emporte, demblée,
dans un tourbillon de souvenirs et démotions, la palette infinie
dexpressions dont Nathalie Lhermitte est porteuse.
A apprécier l'artiste, seule Isabelle Georges nous paraîtrait
être de taille à se comparer à tant de charisme, de malice,
de drôlerie et, bien entendu, à un immense savoir-faire vocal.
A leur esprit clownesque, viendrait se superposer, pour toutes les deux,
ce professionnalisme abouti qui fait de lunivers du Music-Hall, le
lieu par excellence dun attrait commun, pour la perfection.
En l'occurrence, cet hommage à Jacques Brel a été
retenu pour représenter la France à lexposition universelle
de Shangaï en 2010.
Ainsi, de Bruxelles aux Marquises, léternel débutant
obtenait une reconnaissance tardive aboutissant à quinze années
dun tour de chant quasi quotidien auquel linterprète mit
un terme délibéré et définitif un certain de
soir de 1966 à LOlympia.
Avec ses chansons engageant toute son énergie, ses convictions
et ses relations à la nature humaine, « Le plat pays »,
« La valse à mille temps »,
« Rosa », « Vesoul », « Ne me quitte
pas », « Les bonbons », « Les flamandes »,
« Les vieux », « Quand on na que
lamour »... font désormais partie du patrimoine universel
que Jacques Pessis ouvre sur scène avec « Limpossible
rêve » de lhomme de la Mancha et referme avec
« Amsterdam », sans autre forme de rappel que celui
accordé, à titre exceptionnel, à ceux qui font vivre
la mémoire collective.
Assurément, Nathalie Lhermitte possède ce privilège
que daucuns lui prient dabuser au maximum de son talent et de
sa passion.
Theothea le 03/12/09
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L'HOMME A TÊTE DE
CHOU
de Serge
Gainsbourg
mise en scène
Jean-Claude Gallotta
|
****
Théâtre du
Rond-Point
Tel:
01
44 95 98 21
|
Avec pour seul élément de décor, une chaise à
roulettes, celle qui aurait permis à Bashung de se déplacer
sur scène si le projet dêtre partie prenante du Show avait
pu aboutir, cest un rock requiem à deux têtes bandantes
qui, au Rond-Point Renaud-Barrault, fait la danse du ventre, en narguant
tous les diables de pacotille.
Le couple Gainsbourg-Bashung ayant une de ces allures classieuses post
mortem, inégalables sur léchelle chorégraphique
de Gallotta, le maître lance, à corps perdu, ses quatorze danseurs
en une vertigineuse furie « a pudique » de douze tableaux
dont aucune inhibition ne pourrait contrarier la mise du self-control.
A parité filles-garçons, le noir et blanc sinvite
au bal tragique de Marilou, la shampouineuse qui, après avoir
éveillé les souffres du volcan, va saffaisser, sous les
giclées de mousse, pulsées à coups dextincteur,
par lhomme à tête de chou, les visionnant en linceul
virginal.
« Avec son regard absent et son iris absinthe, la petite gueuse
aura rendu fou le type aux grandes oreilles, moitié légume,
moitié mec ».
"Sous les volutes de comic-strip", la voix de Bashung épouse les
méandres de Gainsbarre, en lui décernant, doutre-tombe,
ces lettres de noblesse à jamais inscrites en capital de
reconnaissance.
Sexe, folie et violence se fondent en un film noir que les danseurs exaltent
en sublimation érotique récurrente, comme si le traumatisme
devait être rejoué à linfini, jusquà
en épuiser toutes les contorsions de la Morale.
Au-delà de la vie, cette rencontre au sommet de
lOpéra-Rock a valeur de plaidoyer pour un métissage du
corps et de lesprit jusquaux abîmes de lArt sous
ovation, à chaise renversée.
Theothea le 04/12/09
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LES POSSEDES
de
Fédor Dostoïevski
mise en scène
Chantal Morel
|
****
Théâtre des Amandiers
- Nanterre
Tel:
01 46 14 70 00
|
Sur trois week-end dautomne (du vendredi au dimanche), neuf
représentations de « Les Possédés »
dune durée, chacune, de six heures trente avec deux entractes
compris, ont été proposées, au Théâtre
des Amandiers, en aboutissement dun travail de deux années que
Chantal Morel, directrice de la compagnie « Alertes »,
a souhaité consacrer à lillustre épopée
de Dostoïevski.
Cette nouvelle traduction, avec son appellation opposant la mise en
perspective dune destinée tragique face à la
dévastation du mal dont pouvait, à lépoque, se
targuer ladaptation théâtrale de Camus sous le titre de
« Les démons », sen différencie donc,
par à une expression scénographique sappuyant sur une
coupe transversale du texte.
Suite à une première mouture de dix-huit heures, ce spectacle
en trois parties a, donc, trouvé son rythme dramaturgique (Marie
Lamachère) ainsi que ses ombres et lumières (Isabelle
Senègre), en structurant la mise en espace (Sylvain Lubac), par autant
de tableaux subdivisant le plateau, grâce à des emplacements,
dûment balisés.
Ainsi, de lavant-scène au mur du fond, lhistoire de
cette petite ville provinciale de la Russie du XVIIIème peut
sécrire grâce à la multiplication des plans en
profondeur, depuis la société en son ensemble jusquaux
individus qui la composent, interférant avec des groupuscules en pleine
agitation atomique.
Sur fond de démarches révolutionnaires, à tous les
niveaux sociaux, les destins sentrecroisent dans le bouleversement
culturel, le malheur psychologique et toutes les faiblesses de la condition
humaine dépeignant une vaste fresque contextuelle à portée
universelle.
Cette volonté dextraire du chef doeuvre littéraire,
les lignes de force représentatives dun souffle irrésistible,
où lécriture est en prise directe avec
léventualité existentielle ou non dun Dieu
régentant le chaos terrestre, fait preuve dune ambition artistique
remarquable qui, cependant, comporte ses hiatus intrinsèques.
En effet, comment, sur le fond, éviter de perdre le spectateur
en conjectures, alors que son attention est saturée au point de ne
lui proposer dautre focale synthétique quun dysfonctionnement
généralisé des consciences ?
Comment, sur la forme, lui faire entendre, de manière audible,
les enjeux du choc dialectique, alors que de nombreuses répliques
vont se perdre dans le volume acoustique de limmense cage de scène
?
La réponse se trouve dans lintention dune telle
réalisation qui osera, le temps dun plaidoyer, installer et
allumer « la servante », cette lampe traditionnellement
mise en place sur le plateau du théâtre, lorsque celui-ci est
déserté.
Ainsi appréciées, la mise en scène et la direction
dacteurs de Chantal Morel pourraient apparaître comme une sublimation
collective, à livre grand ouvert.
Theothea le 08/12/09
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