Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

14ème  Saison     Chroniques   14.46   à   14.50    Page  237

 

   

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TIMON D'ATHENES

de  Sophie Couronne

mise en scène  Tazerka Ben Sadia-Lavant

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Maison de la Poèsie

Tel: 01 44 54 33 00

 

   photo DR.  

   

A la tête d’un sextuor urbain, Denis Lavant investit la Maison de la poésie durant trois semaines, afin de slamer l’histoire de Timon, revenu de toutes ses illusions sur l’amitié et son corollaire de fortune, la solidarité.

Shakespeare et Athènes s’y conjuguent au meilleur des accents d’un blues en baskets, emportant la misanthropie sur des rivages où rap, slam et free-jazz fusionnent pour scander les maux de l’humanité sur les plus vertigineux de ses mots.

Pendant qu’au miroir d’un jeu de chaises musicales se réfléchirait celui du massacre des liens tissés par une générosité forcément désintéressée, le détournement des regards abandonne le repli sur soi programmé par une haine désabusée, aux langueurs rugueuses du mépris.

Ainsi, au rythme du dédain, les fringues et autre friperie branchée aux cuirs les plus bling-bling, s’envolent-ils sur scène, en tournoyant dans l’air vicié du déni, pour atterrir aux pieds de leurs idolâtres, alors que batterie, guitares et machines à sons accompagnent le mouvement hip-hop des onomatopées surfant sur des joutes verbales en cavale.

D’une superbe indifférence à toutes épreuves, Denis Lavant, en chef de bande légitime, pousse, de ses vociférations gutturales, ses ex-compagnons, sur le chemin sans retour de la confrontation rhétorique jusqu’au-boutiste.

Money or not money, telle est la question qui, définitivement caduque, aura su déceler toutes les impostures du comportement social.

Aussi, réfugié dans sa grotte loin des compassions trahies, Timon est prêt à contempler le spectacle d’une civilisation en déroute, sombrant tel ce radeau ayant fait fi «des copains d’abord».

Précis et ondoyants, comme des aventuriers lunaires, Casey, D’de Kabal, Marie Payen, Mike Ladd et DoctorL se relaient aux micros, dans la détermination du félin, pour faire entendre la musique shakespearienne condensée aux claques de la gravitation.

La mise en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant s’empare de l’adaptation libre de Sophie Couronne pour en ciseler le feeling à l’aune d’une révélation hors normes.

Theothea le 30/11/09

BOIRE, FUMER, CONDUIRE VITE

de  Philippe Lellouche

mise en scène  Marion Sarraut

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La Grande Comédie

Tel: 01 48 74 03 65

 

   photo ©  Odile Pascal   

   

De la cellule de dégrisement d’un hôtel de police à la salle de transit d’un hôtel entre deux mondes, s’évaluerait la distance a minima de deux auteurs s’inquiétant de l’espace-temps où se joue la destinée.

En effet, de la Comédie à la Métaphysique, il n’y aurait qu’un pas à franchir pour basculer d’un côté ou l’autre de la vie.

Alors, qu’il s’appelle Eric-Emmanuel Schmitt ou Philippe Lellouche, les voies du paradis pourraient paraître aussi proches du terre-à-terre prosaïque que de la révélation mystique.

Mais n’anticipons pas davantage la problématique, puisque précisément le quatuor de La Grande Comédie souhaite, à juste titre, préserver les effets de la griserie.

Donc, c’est en trio de circonstances accidentelles, que Vadim, Lellouche et Brécourt vont se rencontrer, sous la protection d’une avocate commise d’office, dans le huis-clos d’une garde à vue.

Ils vont pouvoir y cracher tout le venin qu’ils nourrissent à l’égard d’une société devenue, à leurs yeux, éminemment normative et par trop privative de liberté individuelle.

En se défoulant dans la reconstitution parodique de leur transgression de la loi, Christian, Philippe et David vont tenter de pactiser avec l’égérie de leur défense.

Cependant la belle Vanessa Demouy n’incarne pas forcément le rôle que ces quadras lui ont, spontanément, attribué.

Confrontés à une poupée de rêve, qui, ainsi de suite, pourrait en cacher une autre, les garçons vont, paradoxalement, en prendre pour leur grade de confiance en eux.

Bien que, par esprit de système, la régression ait des vertus sympathiques que la nostalgie d’une époque ferait aisément passer pour succédané d’un conte de fée, les voilà maintenant au pied du mur où l’archange va tenter de leur faire ouvrir les yeux sur les stéréotypes qu’ils trimballent depuis l’enfance.

Mais « Alea jacta est », une intuition de solidarité masculine va les inciter à prendre, définitivement, leurs désirs pour la Réalité.

Qui oserait, donc, reprocher à Philippe Lellouche, un happy end pour son troisième « Jeu de la vérité » ?

En tout cas, certainement pas Eric-Emmanuel Schmitt convaincu que la foi peut avoir raison de tout... sauf, bien entendu, de l’esprit de sérieux brillamment fustigé, de la première jusqu’à la dernière seconde d’une métaphore où « Boire, fumer, conduire vite » seraient imprescriptibles.

Theothea le 02/12/09

BREL DE BRUXELLES AUX MARQUISES

   

de & mise en scène  Jacques Pessis

****

Théâtre Dejazet

Tel: 01 48 87 52 55

 

   photo © Theothea.com  

     

De Piaf à Brel, Nathalie Lhermitte fait le grand saut artistique du féminin au masculin sous la protection rapprochée de Jacques Pessis aux commandes de cette biographie musicale consacrée au Grand « Jacques »

Avec l’accompagnement exclusif d’Aurélien Noël à l’accordéon, le Théâtre Dejazet, sous les auspices de Jean Bouquin, fait le pari de la classe, de la qualité et surtout de la chanson française.

Le risque est mesuré, tant ce spectacle emporte, d’emblée, dans un tourbillon de souvenirs et d’émotions, la palette infinie d’expressions dont Nathalie Lhermitte est porteuse.

A apprécier l'artiste, seule Isabelle Georges nous paraîtrait être de taille à se comparer à tant de charisme, de malice, de drôlerie et, bien entendu, à un immense savoir-faire vocal.

A leur esprit clownesque, viendrait se superposer, pour toutes les deux, ce professionnalisme abouti qui fait de l’univers du Music-Hall, le lieu par excellence d’un attrait commun, pour la perfection.

En l'occurrence, cet hommage à Jacques Brel a été retenu pour représenter la France à l’exposition universelle de Shangaï en 2010.

Ainsi, de Bruxelles aux Marquises, l’éternel débutant obtenait une reconnaissance tardive aboutissant à quinze années d’un tour de chant quasi quotidien auquel l’interprète mit un terme délibéré et définitif un certain de soir de 1966 à L’Olympia.

Avec ses chansons engageant toute son énergie, ses convictions et ses relations à la nature humaine, « Le plat pays », « La valse à mille temps », « Rosa », « Vesoul », « Ne me quitte pas », « Les bonbons », « Les flamandes », « Les vieux », « Quand on n’a que l’amour »... font désormais partie du patrimoine universel que Jacques Pessis ouvre sur scène avec « L’impossible rêve » de l’homme de la Mancha et referme avec « Amsterdam », sans autre forme de rappel que celui accordé, à titre exceptionnel, à ceux qui font vivre la mémoire collective.

Assurément, Nathalie Lhermitte possède ce privilège que d’aucuns lui prient d’abuser au maximum de son talent et de sa passion.

Theothea le 03/12/09 

L'HOMME A TÊTE DE CHOU

de  Serge Gainsbourg

mise en scène  Jean-Claude Gallotta

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Théâtre du Rond-Point

Tel: 01 44 95 98 21

 

   photo ©  Theothea.com   

        

Avec pour seul élément de décor, une chaise à roulettes, celle qui aurait permis à Bashung de se déplacer sur scène si le projet d’être partie prenante du Show avait pu aboutir, c’est un rock requiem à deux têtes bandantes qui, au Rond-Point Renaud-Barrault, fait la danse du ventre, en narguant tous les diables de pacotille.

Le couple Gainsbourg-Bashung ayant une de ces allures classieuses post mortem, inégalables sur l’échelle chorégraphique de Gallotta, le maître lance, à corps perdu, ses quatorze danseurs en une vertigineuse furie « a pudique » de douze tableaux dont aucune inhibition ne pourrait contrarier la mise du self-control.

A parité filles-garçons, le noir et blanc s’invite au bal tragique de Marilou, la shampouineuse qui, après avoir éveillé les souffres du volcan, va s’affaisser, sous les giclées de mousse, pulsées à coups d’extincteur, par l’homme à tête de chou, les visionnant en linceul virginal.

« Avec son regard absent et son iris absinthe, la petite gueuse aura rendu fou le type aux grandes oreilles, moitié légume, moitié mec ».

"Sous les volutes de comic-strip", la voix de Bashung épouse les méandres de Gainsbarre, en lui décernant, d’outre-tombe, ces lettres de noblesse à jamais inscrites en capital de reconnaissance.

Sexe, folie et violence se fondent en un film noir que les danseurs exaltent en sublimation érotique récurrente, comme si le traumatisme devait être rejoué à l’infini, jusqu’à en épuiser toutes les contorsions de la Morale.

Au-delà de  la vie, cette rencontre au sommet de l’Opéra-Rock a valeur de plaidoyer pour un métissage du corps et de l’esprit jusqu’aux abîmes de l’Art sous ovation, à chaise renversée.

Theothea le 04/12/09

LES POSSEDES

de  Fédor Dostoïevski

mise en scène  Chantal Morel

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Théâtre des Amandiers - Nanterre

Tel: 01 46 14 70 00

 

   photo ©  Guy Delahaye   

   

Sur trois week-end d’automne (du vendredi au dimanche), neuf représentations de « Les Possédés » d’une durée, chacune, de six heures trente avec deux entractes compris, ont été proposées, au Théâtre des Amandiers, en aboutissement d’un travail de deux années que Chantal Morel, directrice de la compagnie « Alertes », a souhaité consacrer à l’illustre épopée de Dostoïevski.

Cette nouvelle traduction, avec son appellation opposant la mise en perspective d’une destinée tragique face à la dévastation du mal dont pouvait, à l’époque, se targuer l’adaptation théâtrale de Camus sous le titre de « Les démons », s’en différencie donc, par à une expression scénographique s’appuyant sur une coupe transversale du texte.

Suite à une première mouture de dix-huit heures, ce spectacle en trois parties a, donc, trouvé son rythme dramaturgique (Marie Lamachère) ainsi que ses ombres et lumières (Isabelle Senègre), en structurant la mise en espace (Sylvain Lubac), par autant de tableaux subdivisant le plateau, grâce à des emplacements, dûment balisés.

Ainsi, de l’avant-scène au mur du fond, l’histoire de cette petite ville provinciale de la Russie du XVIIIème peut s’écrire grâce à la multiplication des plans en profondeur, depuis la société en son ensemble jusqu’aux individus qui la composent, interférant avec des groupuscules en pleine agitation atomique.

Sur fond de démarches révolutionnaires, à tous les niveaux sociaux, les destins s’entrecroisent dans le bouleversement culturel, le malheur psychologique et toutes les faiblesses de la condition humaine dépeignant une vaste fresque contextuelle à portée universelle.

Cette volonté d’extraire du chef d’oeuvre littéraire, les lignes de force représentatives d’un souffle irrésistible, où l’écriture est en prise directe avec l’éventualité existentielle ou non d’un Dieu régentant le chaos terrestre, fait preuve d’une ambition artistique remarquable qui, cependant, comporte ses hiatus intrinsèques.

En effet, comment, sur le fond, éviter de perdre le spectateur en conjectures, alors que son attention est saturée au point de ne lui proposer d’autre focale synthétique qu’un dysfonctionnement généralisé des consciences ?

Comment, sur la forme, lui faire entendre, de manière audible, les enjeux du choc dialectique, alors que de nombreuses répliques vont se perdre dans le volume acoustique de l’immense cage de scène ?

La réponse se trouve dans l’intention d’une telle réalisation qui osera, le temps d’un plaidoyer, installer et allumer « la servante », cette lampe traditionnellement mise en place sur le plateau du théâtre, lorsque celui-ci est déserté.

Ainsi appréciées, la mise en scène et la direction d’acteurs de Chantal Morel pourraient apparaître comme une sublimation collective, à livre grand ouvert.

Theothea le 08/12/09

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