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Les    Chroniques    de

  

14ème  Saison     Chroniques   14.71   à   14.75    Page  242

 

   

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JE L'AIMAIS

de    Anna Gavalda

mise en scène  Patrice Leconte

****

Théâtre de l'Atelier

Tel: 01 46 06 49 24

 

photo  affiche ©  Julien de Rosa / agence Starface

       

Il existe des moments de grâce où tout semble se joindre pour mettre à l’unisson, la subtilité d’un texte, en l’occurrence celui d’Anna Gavalda, l’hypersensibilité d’un metteur en scène, Patrice Lecomte, intégralement dévolue à la justesse de son adaptation, la pertinence charmeuse d’un comédien, Gérard Darmon ainsi que l’objectivité judicieusement émotionnelle de deux comédiennes, Irène Jacob & Noémie Kocher.

Si, à ces qualités humaines et artistiques, s’ajoutent la plénitude rustique d’un décor de villégiature (Yvan Maussion), la mélancolie d’un leitmotiv musical (Ours et Lieutenant Nicholson) et la sensualité discrète des lumières de Franck Thévenon, alors au moment du tomber du rideau, dans ce temps du rêve éveillé où la conscience reste sous le charme d’une représentation réussie au plus fort des sentiments, l’interrogation finale poursuit insidieusement son cheminement métaphysique: « L’homme est-il doué pour le bonheur ? ».

Quelques instants auparavant, Chloé aura, à son tour, conclut laconique: « Alors, l’amour est une connerie ! »

Pierre, lui, comme à son habitude, sera resté en suspend, entre deux eaux, celle du tourment délicieux d’une part, celle de la destinée, imparable d’autre part.

« Je l’aimais », c’est l’histoire d’un homme qui cherche à réconforter sa belle-fille, abandonnée lâchement par le propre fils du beau-père, qu’il assume être.

Toutefois, son expérience de la vie l’empêche de condamner sa progéniture; tout au plus consent-il à admettre que d’un mal devrait sortir un mieux, c’est-à-dire une nouvelle chance offerte par l’existence.

A l’appui de son état d’esprit pragmatique, le récit du dilemme qui l’a submergé lorsqu’il a du, lui-même, choisir entre l’affection pour l’épouse et les enfants, confrontée à la passion amoureuse pour Mathilde, rencontrée fortuitement.

Aujourd’hui, à soixante ans, revenu des illusions qu’il continue paradoxalement de chérir, Pierre tente, avec tact mais force boissons alcoolisées, de relativiser la détresse morale de Chloé, qui aurait tendance à s’apitoyer sur son sort.

Sur le plateau du théâtre de l’Atelier, jonglant avec dextérité entre le contingent et le virtuel, Gérard Darmon s’offre, à coeur ouvert, au simulacre de l’émotion palpable.

Son rôle de conteur transporte ses deux partenaires, au royaume de l’infinité des possibles où la part féminine de chacun d’entre eux atterrit avec persuasion délicate, au plus profond de l’âme du lecteur Gavaldien, spectateur d’un soir, subjugué.

Alors, le jaillissement des applaudissements s’adresse, au-delà des voix scéniques, à la romancière qui aura su déceler, derrière les ressorts de la psychologie, ces forces souterraines qui submergent la condition humaine se débattant, maladroitement, avec ce qui s’appellerait « l’Amour », faute de mieux.

« On ne pas avoir tout bon, tout le temps » explique Pierre à Chloé, puisque, en définitive, Mathilde n’est pas revenue !... Certes, mais « Avoir tout bon, ici et maintenant » au Théâtre de l’Atelier avec « Je l’aimais », c’est, bel et bien, le retour d’une intense intuition de la vie.

Theothea le 29/01/10

ALEXANDRA DAVID-NEEL

de    Michel Lengliney

mise en scène  Didier Long

****

Petit Théâtre Montparnasse  

Tel: 01 43 22 77 74

 

  photo ©  Lot  

Hélène Vincent et Emilie Dequenne en tandem sur les sommets!

Du Tibet à Digne, par delà l’Himalaya franchi à pieds en 1920, ce sont quatorze années d’aventures interdites qui se retrouvent en stand by, recluses dans une maison provençale, où Alexandra David-Néel, nonagénaire, et Marie-Madeleine Peyronnet, dans la force de l’âge, vécurent en duo explosif, durant les dix ultimes années de l’exploratrice orientaliste, en compagnie de ses souvenirs confrontés au déracinement de sa gouvernante, émigrée de son Algérie natale.

Comment être et avoir été celle qui n’écoutait que les appels de la vraie vie pour se retrouver, souffrant de rhumatismes, désormais contingentée par des cannes et autres contraintes de santé vieillissante ?

Et pourtant, devenue centenaire, Alexandra va faire valider son passeport afin d’envisager un voyage vers la Sibérie, concevable, selon elle, exclusivement en « quatre chevaux », de façon à pouvoir profiter assise, de la lente progression du paysage à travers la vitre de la voiture.

Toutefois, le virtuel en chambre amène les deux femmes de caractère à s’opposer quotidiennement sur l’art et la manière d’appréhender la vie relationnelle, alors que l’une est au service de l’autre, mais que celle-là est prête à chaque instant de démissioner, excédée par les remontrances, les exigences, et l’inattention à sa propre existence.

Revendiqués en toutes circonstances y compris les plus douloureuses sur le plan personnel, le détachement et le stoïcisme que prônent, sans cesse, sa patronne, laissent perplexe, la surnommée « Tortue », quant aux réelles qualités humaines de l’écrivain féministe.

Emilie Dequenne incarne son personnage de jeune femme, avec le charme intelligent qui sied à celle qui sait composer et s’adapter à la fonction de souffre-douleur qui lui est dévolu.

Face à cette présence scénique, à la fois attentionnée et distanciée, Hélène Vincent, elle, lâche les pulsions de l’autoritarisme et de la mauvaise foi, au comble de ce qui pourrait apparaître comme une provocation sénile ou un défi, à l’égard de sa collaboratrice qu’elle ne peut, cependant, s’empêcher d’apprécier au plus haut point.

Les deux comédiennes vont jouer, sous la direction subtile de Didier Long, avec la perception fantasque d’une réalité dont elles font, chacune à leur manière, imploser le huis clos.

Ainsi, en point d’orgue, sous les auspices du public, quel bel anniversaire va entonner, Emilie, à l’intention d’Alexandra !

C’est donc, sur le registre récurrent de la complicité ombrageuse que vont se succéder les caprices, les extravagances, les gageures dont le grand âge n’autorise, a posteriori, que les bravades permettant de survivre à une destinée, hors du commun.

Deux rôles magnifiques écrits par Michel Lengliney et offerts, sur le plateau du Petit Montparnasse, à deux actrices qui s’en emparent jusqu’au sentiment duel de plénitude.

Theothea 01/02/10

LA RONDE

de  Arthur Schnitzler

mise en scène  Marion Bierry

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Théâtre de Poche Montparnasse

Tel: 01 45 48 92 97

 

  photo ©  Lot  

   

En faisant coulisser latéralement, les uns par dessus les autres, plusieurs panneaux opaques sur la scène du Théâtre de poche simulant, telle une chambre noire d’appareil photographique, le voyeurisme rétinal de la lumière libidinale, Marion Bierry joue les empêcheuses de tourner en rond autour de l’objet du désir, à savoir le tournis des amours à la veille de la première guerre mondiale.

Sur le ring viennois, la chaîne du coït ininterrompu se transmet le relais phallique, de la prostituée au soldat, de celui-ci à la femme de chambre, de celle-là au comte afin de refermer la boucle sur le dixième et originel tableau de Schnitzler, à la manière d’un arrêt sur image cinématographique, figeant à jamais le lupanar universel des couples en ébats illégitimes.

D’effets spéciaux ingénieux en postures érotiques sous apesanteur, sept comédiens (Vincent Heden, Alexandre Martin, Sandrine Molaro, Serge Noël, Marie Reache, Aline Salajan & Eric Verdin) initient un jeu de chaises musicales virtuelles où dix personnages doivent trouver « sexe » à leurs convenances, en séduisant leurs partenaires par des préliminaires suggestifs au carpe diem de la belle époque qui adore s’enivrer des plaisirs de la chair avant que de succomber sous les fracas des canons.

Le manège de l’amour confondant les classes sociales en un maelström étourdissant, tous s’abandonnent, avec jubilation, à la jouissance de l’instant lubrique.

Le parti pris de cette adaptation par Marion Bierry invente, par delà cette danse insouciante au-dessus d’un volcan en ébullition, la métaphore joyeuse de la nudité cherchant à maintenir l’attention obsessionnelle de ceux qui pressentent l’abîme historique du précipice.

De l’ambiance « piano-bar » au style « cabaret », tous les ingrédients d’un happening aphrodisiaque slalome entre racolage de bon goût et farce vertueuse, sur le fil imaginaire d’un démiurge en orbite parabolique.

Theothea le 03/02/10

ON PURGE BEBE

de    Georges Feydeau

mise en scène  Gildas Bourdet

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Théâtre du Palais Royal

Tel:  01 42 97 40 00 

 

 photo  affiche ©  Bernard Richebé

   

Deux « Feydeau » pour une même représentation, avec en lien de part et d’autre de l’entracte, la thématique de la progéniture, génératrice du désordre familial.

Si, en première instance, « bébé » énerve son monde, parce qu’il ne veut pas prendre sa purge, en seconde, c’est la grossesse nerveuse de Léonie qui met, sans dessus dessous, la maisonnée.

Si, sur scène, un couple chasse l’autre, c’est pour mieux mettre en évidence, qu’ils sont pareillement bancals et que la caricature du premier se substitue aisément à la parodie du second.

Si le « seau hygiénique » peut symboliser, en un premier temps, que rien, ni personne n’est à sa place dans une résidence où l’enfant « roi » impose ses caprices, au point de généraliser l’impolitesse, en modus vivendi hystérique, alors, le « pot de chambre », lui, va servir, par la suite, d’effet boomerang, permettant d’atteindre les sommets de l’humiliation subie.

Bref, de « Bébé » à « Léonie », c’est la chaîne des ruptures du savoir-vivre qui prend les commandes, sans vergogne et sans se soucier, des conséquences du modèle « bourgeois », complètement terrassé de l’intérieur.

Si donc, Cristiana Reali et Pierre Cassignard ont souhaité être mis en scène par Gildas Bourdet, dans l’une des salles les plus prestigieuses de Paris, c’est pour y donner cette mesure du rire, suscité par la mise en perspective cataclysmique du mariage, vu par Georges Feydeau, à son époque.

Objectif atteint au paroxysme de la mauvaise foi, régalant les spectateurs qui en redemandent, après la pause d’un quart d’heure succédant à « On purge bébé ».

L’osmose est, toutefois, moins réussie avec « Léonie est en avance », car le personnage de l’infirmière autoritaire tourne davantage à la farce grotesque qu’à la comédie déjantée.

Autant les provocations colériques de Madame Follavoine (Cristiana Reali) avaient su catalyser la justesse outrée de ses partenaires, autant la comédienne ne parvient pas à convaincre, lorsqu’elle endosse l’accoutrement et les manières burlesques de Madame Virtuel, s’apparentant, alors, étrangement à une sorte de « Madame Doubtfire », quelque peu hors sujet.

Cependant le rythme impétueux du spectacle, les costumes en trompe-l’œil, l’assortiment des couleurs et des esprits en vrille, donnent à l’ensemble de la distribution que Dominique Pinon transcende, de son inspiration feignant le farfelu, une unité drolatique à apprécier, sans réserve.

En outre, osant, ainsi, le contre-emploi, Cristiana Reali défie son image artistique; cette transgression est, en soi, une source d’intérêt, à part entière.

Theothea le 05/02/10

EMMA LA CLOWN ET SON ORCHESTRE

de    Meriem Menant

mise en scène  Kristin Hestad

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Théâtre du Rond Point

Tel: 01 44 95 98 21

 

  photo  affiche ©  Wahib  

   

Emma la clown, c’est comme Tintin, on la retrouve sur tous les terrains avec son air cabochard et sa façon de ne reculer que pour persévérer.

Alors, on la découvre en « Afghanistan », comme « Sous le divan », en « Solo » comme en « Heureux tour », en conférence avec « Françoise Dolto » ou s’interrogeant pour savoir « Si Dieu est une particule ».

Sa spécialité est, donc, de pratiquer l’alternance en croisant les tournées concomitantes sur ces différents thèmes.

La voici, actuellement, au Théâtre du Rond-Point pour trente jours, accompagnée, pour la circonstance, de son orchestre, avec clarinettes, batterie, piano et même guitare, prise à son propre jeu.

Cependant, pour ce spectacle mis en scène, en 2006, par Kristin Hestad, Emma est, avant tout, chanteuse et surtout auteur de chansons.

En effet « Une fois que j’étais perdue dans le dedans du dedans de moi et que pas une chanson m’est venue, j’ai décidé de m’en écrire ».

Son personnage de clown au féminin naît en 1990 mais ce n’est que cinq ans plus tard, qu’il deviendra autonome.

Meriem Menant est une jeune femme, plutôt bien de sa personne qui apparaîtra, telle quelle au public de la salle Jean Tardieu, au bout d’une heure de show où elle aura mené, tambour battant, avec nez rouge et accoutrement déstructuré, ses trois musiciens (Mauro Coceano, Michel Aumont, et Nicolas Courret ou Gaël Desbois), si non à la baguette au moins à l’autorité naturelle.

Passant aisément d’une ritournelle moyenâgeuse en derviche tourneuse à une performance picturale des seventies, l’écriture de son happening semble sortir d’un esprit à la fois fantasque et métaphysique.

Elle suit une logique, en apparence désordonnée, qui lui permet de surfer sur l’écume de la mélancolie, en semblant renverser, sans cesse, par son sourire grimaçant, le cours des illusions sur le point de défaillir.

Comme un pied de nez à tout ce qui donnerait le vague à l’âme, la voici qui prend dans ses filets les failles du dérisoire pour les tourner en dérision.

Une dame à suivre, comme Tintin, dans son déterminisme à bouter le ridicule hors des préjugés.

Theothea le 02/02/10

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