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15ème  Saison     Chroniques   15.056   à   15.060    Page  265

 

      

            

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ALBERTINE DISPARUE

lecture intégrale par

Jean-Laurent Cochet

****

   

Salle Gaveau

     

   

     

A l’occasion du cent quarantenaire de la naissance de Marcel Proust, Jean-Laurent Cochet s’est élancé dès 10 heures du matin, le samedi 22 janvier 2011, pour la première des dix séquences d’une heure et demi chacune qui allaient lui permettre en vingt heures d’horloge de lire à haute voix, la version intégrale d’ « Albertine disparue ».  

       

     

   

     

Epaulé en ouverture de chaque séquence, par le quatuor Noctis, pour progresser dans cette lecture évènementielle, l’homme de théâtre relevait ainsi un défi de quinze heures où il lui faudrait assurer entre jour et nuit dominicale, seul face au public de la salle Gaveau, le maintien d’une écoute attentive et d’un imaginaire dédié, tout en suspend autour de cette œuvre de Marcel Proust   

         

           

       photos ©  Theothea.com  

     

Avec plus d’une demi-heure d’avance sur le programme initial, à l’aube du dimanche matin, le maître mettait le point final à son challenge tellement fantasque, en marquant une brève pause symbolique avant que d’énoncer la toute dernière phrase du roman:

« Et, voyez-vous, ce n’est même pas ce caprice d’enfant que je me reproche le plus. »

Frais comme à la première heure, le comédien prenait alors, la dimension de son succès en goûtant avec plénitude, la standing ovation qui n’en finirait point de saluer sa performance solitaire… en apparences.

Theothea le 26/01/11

CALIGULA

de  Albert Camus

mise en scène: Stéphane Olivié Bisson

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Théâtre de l'Athénée

Tel:  01 53 05 19 19   

 

       photo ©  Letizia Piantoni

     

De Gérard Philipe à Bruno Putzulu, de la création du rôle au Théâtre Hébertot jusqu’à sa reprise à l’Athénée dans la version initiale de la pièce écrite par le jeune Albert Camus, plus de soixante-dix années de maturité artistique permettent de revenir au passage à l’acte fondateur, celui de la transgression du libre arbitre par l’angoisse du vide absolu.

Dans un monde corrompu où chacun est un loup pour l’homme, celui qui ose s’affranchir de toute éthique, de tout état d’âme et simplement de tout respect de soi-même, pourrait devenir le héros du roman de ses pulsions contradictoires jusqu’à pouvoir devenir l’empereur de l’univers.

Aucun crime, aucun meurtre, aucune violence gratuite ne pourraient, alors, suffire à étancher le désir impérieux de « décrocher la lune » jusqu’à obtenir une improbable satisfaction à cette ambition démesurée et incomparable.

A sa décharge, la disparition de Drusilla, sa sœur tant adorée, a projeté l’esprit de Caligula dans un monde hors d’accès à toute consolation et c’est donc en paranoïaque notoire qu’il va exercer son pouvoir impériale au cours du premier siècle après Jésus-Christ.

La réalisation de Stéphane Olivié-Bisson imagine une chambre d’enfants où les cauchemars nocturnes se nourriraient du papier peint et des ombres fantomatiques peuplant l’obscurité afin d’aboutir à l’objectif de destruction programmée par une terreur irrationnelle dont l’adulte ne serait jamais en mesure de se débarrasser du souvenir obsédant.

Ainsi, pour mieux conjurer le désespoir indicible associé à l’épouvante infinie, l’apprenti despote va-t-il organiser autour de sa personne, un cycle sans fin et sans frein où l’abus de pouvoir érigé en système mènera délibérément le tyran au « suicide supérieur » qui, selon Camus, est l’expression directe d’une véritable «  tragédie de l’intelligence ».

Ayant décelé chez Bruno Putzulu, ce don du déséquilibre et du funambulisme permettant d’associer lyrisme et réalisme, le metteur en scène s’appuie sur un indéfectible esprit de troupe pour feindre, de manière inéluctable, l’anéantissement symbolique de la pulsion de mort, ainsi théâtralisée.

Theothea le 31/01/11

TOUTOU

de  Agnès & Daniel Besse

mise en scène: Anne Bourgeois

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Théâtre  Hébertot 

Tel: 01 43 87 23 23  

 

        photo ©  Theothea.com  

   

«  Merci pour Toutou et merci pour tout ».  Loin d’être bêtifiante, l’une des répliques finales de cette pièce la positionne délibérément dans le signifiant psychanalytique, en esquissant dans le miroir du couple contemporain, les stigmates du processus compensatoire.

« Un être vous manque et tout est dépeuplé » énonçait Jean de la Fontaine !

Appliqué aux relations humaines d’avec la gente canine, le risque de manque affectif est pointé, dans la perception créatrice des Besse, comme le ressort aveugle à la croisée de tous les déséquilibres psychologiques potentiels.

Ainsi, au cours de la rituelle promenade du soir, Alex (Patrick Chesnais) a perdu Toutou ou plus exactement celui-ci a échappé inopinément à la vigilance de son maître.

Lors du retour esseulé à l’appartement, Zoé (Josiane Stoléru), son épouse a d’emblée l’intuition que leur vie vient de basculer dans l’indicible.

Désormais, ni leur jeune fils étudiant à New York, ni l’ami de longue date (Sam Karmann), lui-même en quête de réconfort, ni la voisine en solidarité canine, ne pourront venir contrebalancer le traumatisme induit par cette rupture existentielle.

En effet, que représente Toutou dans la sphère relationnelle d’une famille lambda, lorsque subitement le contrat tacite du tiers à quatre pattes déchire les liens du statu quo ?

Toutou constitue ce point focal où les affects des uns et des autres peuvent librement se déverser sans que les lois du ridicule n’ y trouvent rien à redire, tandis que

celles du « psychiquement correct » y trouvent largement leur compte.

C’est ainsi que la normalité vacillante va induire des comportements exacerbés, contradictoires et emplis d’une mauvaise foi pathologique à l’image d’êtres abandonnés par leur destinée alors que tout pourrait leur sourire, si la dépendance à un atavisme fondateur non identifié ne leur faisait prendre des vessies pour des lanternes.

Anne Bourgeois dirige ses acteurs avec mesure et tact; ce qui ne fait que renforcer les effets comiques et néanmoins dévastateurs. L’écriture des Besse est une sorte de friandise parabolique à déguster dans la pertinence du ravissement et à la hauteur du capharnaüm qui régente la pensée universelle.

Theothea le 26 janvier 2011

DIPLOMATIE

de  Cyril Gely

mise en scène: Stephan Meldegg

****

Théâtre de la Madeleine

Tel: 01 42 65 07 09  

 

     photo ©  Theothea.com  

   

Deux personnages historiques, deux comédiens tête d’affiche pour un enjeu capital, la destruction ou non de Paris, au petit matin du 25 août 1944.

Si leur duel rhétorique va se dérouler en temps réel sur les planches du Théâtre de La Madeleine, c’est selon les modalités d’une leçon de diplomatie imaginaire où l’auteur entreprend d’opposer l’ordre martial de la hiérarchie militaire d’avec le réalisme géopolitique grâce à un entre-deux paroxystique quoique fictif.

Pour étayer la crédibilité de cette entrevue nocturne, purement spéculative, il fallait la stratégie contextuelle d’une botte secrète:

Un escalier dérobé avec entrée discrète à l’arrière de l’hôtel Meurice, investi en siège international de la Kommandantur, allait fournir à Cyril Gely l’arme décisive de cette rencontre au sommet.

Pour ou contre l’implosion de l’ensemble des ponts de Paris à l’exception d’un seul permettant de s’extraire du centre de Paris submergé par les eaux de la Seine ?

La problématique devra se résoudre, avant l’aube, face à un décor panoramique et depuis une terrasse du palace réquisitionné, surplombant les Tuileries, la Concorde ainsi que les toits de la Ville lumière confiée pour le moment au paisible sommeil de ses habitants !

Fort heureusement, la destinée de Paris ne sera pas celle de Berlin, à quelque temps de là !

L’une sera sauvée in extremis de la folie meurtrière d’une chaîne de commandement en perdition, l’autre sera anéantie sous le feux des bombes alliées au détriment des civils mais aussi de sa richesse architecturale !

Pour l’heure, le défi entre Niels Arestrup et André Dussollier est non seulement de jouer la montre, mais surtout de faire échec et mat à l’adversaire en le ralliant la cause supérieure du partenaire:

Obéissance légitime opposée au libre arbitre.

Dans la pièce de Cyril Gely, c’est la sauvegarde programmée de la famille du Général Dietrich von Cholitz qui constituera l’argument décisif à l’abandon du projet fou.

La main de velours du Consul de Suède Raoul Nordling aurait réussi à rendre raison aux soubresauts ultimes du processus démoniaque engagé.

Il suffirait, dès lors, à André Dussollier de prendre à rebours l’escalier dérobé pour que tombent définitivement les masques du Théâtre et qu’en dernière instance, Paris soit sauvée et, par la suite, libérée !…

Theothea le 04/02/11

LA VERITE

de  Florian Zeller

mise en scène: Patrice Kerbrat

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Théâtre  Montparnasse

Tel:     01 43 22 77 30

 

      visuel affiche

   

« La vérité, il n’y a que çà de vrai ! » conclut l’une des dernières répliques de la pièce alors que pourrait être davantage attendu: « Il n’y a que la vérité qui blesse !».

Cependant, puisqu’il s’agit d’une comédie, l’auteur s’est emparé de toutes les armes du Vaudeville jusqu’à en pervertir l’horlogerie de précision afin d’en retourner les effets comiques, à la manière du boomerang.

Non seulement, dans cette partie carrée, la vérité va devenir l’alliée à conquérir mais sa résistance intrinsèque va contraindre chacun des trois autres à ajuster sa stratégie pour mieux la détenir, à son profit.

Si, bien entendu, la vérité devient cet enjeu privilégié, c’est, bel et bien, parce que le mensonge, à géométrie variable, menace chacun à son propre piège.

Alors voilà, Florian Zeller a installé son candide dans la posture du mythomane qui ne doute de rien, ni de personne:

Que ce soit Laurence (Christiane Millet) son épouse, Alice (Fanny Cottençon) sa maîtresse ou Paul (Patrice Kerbrat) son meilleur ami, aucun d’entre eux ne devrait déroger aux rôles qui leur sont assignés a priori, car c’est ainsi que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Toutefois, dès qu’il lâche un tant soit peu la bride à son système de protection rapprochée, Michel est contraint de donner en gage, un surcroît de transparence qu'il est bien en peine d'assumer.

Chaque fois qu’il pense être parvenu à une nouvelle version de la vérité dûment équilibrée entre ses trois acolytes, le sol se dérobe sous ses pieds en raison d’un venin non identifié.

C’est donc Pierre Arditi qui a été choisi par l’auteur pour jouer ce personnage hâbleur et sûr de lui, tel que le comédien a pu l’incarner à de nombreuses reprises en des situations conjugales et libidinales similaires.

A ceci près qu’ invité, à juste titre, à se caricaturer lui-même par le point de vue dédoublé de Patrice Kerbrat (metteur en scène & co-interprète), le renversement de la donne traditionnelle va, ici, contraindre l’acteur à devoir changer de registres, au cours de plusieurs étapes psychologiques qu’il lui faudra surmonter dans le doute absolu, peu à peu contracté par son personnage.

Du grand art théâtral que celui-ci partage allègrement avec trois partenaires lui renvoyant leur part de vérité, avec l’aplomb redoutable de ceux qui ne vous voudraient que du bien !…

Une pièce Rohmérienne qui ne cesse d’interroger les ombres de la vérité au nom d’une confiance mutuelle discréditée par le mensonge.

Une farce hilarante, ô combien exploratrice des petits arrangements contradictoires avec soi-même.

Theothea le 03/02/11

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