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16ème  Saison     Chroniques   16.006   à   16.010    Page  276

 

        

                

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L'INTRUS

de Antoine Rault 

mise en scène:   Christophe Lidon

****

Comédie des Champs Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

 

          photo ©  Lot 

   

Qui est l’intrus, si ce n’est la maladie d’Alzheimer elle-même se déguisant sous la forme tour à tour, bienveillante, inquiétante voire maléfique d’un double s’immisçant, au crépuscule de la vie, dans l’esprit d’un grand scientifique ayant précisément consacré ses recherches à tenter d’en percer les résistances ?

Selon des lignes morphologiques que la scène théâtrale semble superposer, Claude Rich, l'ancien, et Nicolas Vaude, le jeune, entrent alors en résonnance dialectique afin de donner du sens à tous ces conflits mémoriels envahissant peu à peu la tête du savant.

Lancé dans une course cérébrale, entre son ami de toujours ( Jean-Claude Bouillon) et l'ensemble des images féminines ayant composé sa vie affective et libidinale, un jeu du chat et de la souris livrant les souvenirs au scalpel de l'inventivité, confrontée aux sentiments réellement éprouvés, poursuit les méandres d'une pièce structurée à la manière d'un puzzle.

L'hypersensibilité lunaire et ludique de Claude Rich pourrait alors croiser les confins d'un goût douteux à la sauce cabaret au sein d'une réalisation hétérogène, ce sont, néanmoins, les pulsions de l'imaginaire tourneboulé par les vagues d'une pathologie incontrôlée au cœur de l'univers mental qui s'imposent aux regards empathiques du public.

Delphine Rich, la propre fille de l'immense comédien affiche un véritable plaisir de lui répliquer en multipliant, à souhait, les registres d'une perspective féminine à géométrie variable faisant écho aux multiples troubles relationnels qu'elle partage avec son propre double scénique, Chloé Berthier.

Après "Le Caïman"& "Le diable rouge", Antoine Rault apporte donc à Claude Rich, sur un plateau délirant, l'opportunité de se laisser entraîner, avec jouissance, dans le labyrinthe de l'esprit tourmenté par les forces de vie, elles-mêmes perturbées par la violence des dérèglements.

Christophe Lidon maintient ce désordre psychique à la hauteur où les contraires s'attirent dans la délectation, avec en toile de fond, la maladie d' Alzheimer devant avoir raison d’un pathétique "Je meurs de trouille".

Theothea le 20/09/11

LE DINDON

de  Georges Feydeau   

mise en scène:  Philippe Adrien  

****

Théâtre de la Tempête

Tel:  01 43 28 36 36 

 

          photo © Chantal Depagne / Palazon  

                  

Dès le prologue, une saisissante course poursuite à la Hitchcock se découpe sur une piste de cirque circulaire et tournante (deux plateaux mobiles en sens contraire de Jean Haas,) dans un clair-obscur cinématographique (lumières de Pascal Sautelet) tel un film muet fantastique, avec arrêts sur images, accélérations, esquives, dérobades derrière des portes qui s'ouvrent ou se ferment.

A-t-on affaire à un potentiel agresseur ou un assassin à la « M le Maudit » ? Une tension cauchemardesque nous saisit car la dame semble inquiète, marche de plus en plus vite, court à contre-courant et soudain le pisteur tente de bloquer la porte de l’appartement avec sa canne et parvient à rentrer chez la dame.

Puis la lumière jaillit, on respire; celui-ci est un coureur de jupons, le vaudeville va commencer au diapason de cette course fulgurante, réglée comme du papier à musique.

Une mécanique précise vient d’être enclenchée. Dès lors, le burlesque des situations ne va cesser de s’amplifier au fur et à mesure des chassés-croisés, des quiproquos, des malentendus.

Coup de théâtre, l’homme qui suivait Lucienne se retrouve chez le notaire Vatelin, (excellent Pierre-Alain Chapuis avec ses fausses mines déconfites), un ami du pisteur dont il ne connaissait pas la femme.

L’homme nommé Pontagnac (prodigieux Eddie Chignara) déclare sa flamme à Lucienne, auréolée d’une séduisante robe à volants très près du corps de danseuse de flamenco (brillante et malicieuse Alix Poisson); laquelle, plus tard, revêtira une robe à volants rouges de gitane espagnole (costumes de Hanna Sjödin) pour le défier et, telle une Carmen enflammée, deviendra, à son tour, la torera qui brave le mâle en rut dont la parade amoureuse atteint son apothéose dans un « haka » provocant mais qui ne l’impressionnera pas.

Empêtré dans ses désirs, Pontagnac va s’emmêler les pinceaux et mentira au sujet de sa propre femme Clothilde qu'il déclare invalide et momentanément à Pau quand le notaire, serviable et désireux de montrer qu’il excuse les avances faites à Madame Vatelin, veut inviter Madame Pontagnac.

La machine infernale s’emballera quand celle-ci surgira (volcanique Florence Müller) avec toute sa fougue suspecte chez le notaire.

De plus, pour en rajouter à la jalousie de Pontagnac, Lucienne est également courtisée par Rédillon, vrai noceur libertin, à la fois insolent et couard, interprété par l'hilarant Guillaume Marquet qui a obtenu le Molière du meilleur jeune talent masculin à la suite des 4 nominations 2011 ayant récompensé cette création.

Celui-ci est ébouriffant de drôlerie quand, après ses turpitudes avec une cocotte (pétillante Julie Poissonnier), il sera saisi par une panne d’impuissance avec Lucienne, bourgeoise vertueuse et fidèle certes mais qui, à la première occasion, n’acceptant pas l’idée d’être trompée, voudra se venger de son mari pour son imprévue incartade avec une anglaise délurée Maggy (Mila Savic), qui fait du chantage en menaçant de se suicider.

La course surréaliste sur cette piste tournante, restée imprimée dans notre rétine, symbolisait, dès le départ, tout le manège des pulsions humaines, des tromperies, des frustrations, des faiblesses au gré des intervenants.

Ceux-ci se trouvent encore mêlés à un couple de retraités (épatants Patrick Paroux et Bernadette Le Saché), à un jeune groom en proie aux vertiges de l’attrait féminin (Pierre Lefebvre), à un anglais à l’accent marseillais, à un commissaire devant constater ces adultères de passage, bref une véritable spirale kafkaïenne de la comédie des sentiments.

Brillamment dirigés par le metteur en scène Philippe Adrien, les comédiens sont tous excellents de justesse et nous offrent des petits chefs d’oeuvre de prouesses techniques.

Un rire salutaire fuse dans la salle pendant les deux heures de spectacle. On reste ébahis par tant d’ingéniosité, d’originalité, d’inventivité devant ce délire burlesque où les femmes finissent par utiliser les hommes si hardis mais si lâches comme moyens de vengeance.

Mais, qui sera donc le véritable dindon de cette farce jubilatoire ?

Cat.S - Theothea.com le 25/09/11

J'AURAI VOULU ETRE EGYPTIEN

d'après Alaa El Aswany  

mise en scène:  Jean-louis Martinelli  

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Théâtre Nanterre-Amandiers

Tel: 01 46 14 70 00

 

          photo ©  Pascal Victor 

   

Etudiant, femme, couple.... toutes les entités où l'humain est en situation de vulnérabilité sont l’apanage du roman « Chicago » de Alaa El Aswany que Jean-Louis Martinelli avait prévu d'adapter dans son Théâtre des Amandiers en 2013.

Face à l'actualité du Printemps arabe, le directeur décida d'en précipiter la programmation à l'automne 2011.

Après une rencontre de travail avec l'auteur au Caire à la suite de cette révolution populaire, il fut décidé d'intituler la pièce « J'aurais voulu être égyptien », du nom d'une nouvelle précédente d' El Aswany, de façon à rendre plus explicite la thématique théâtrale.

Afin de mettre en espace dialectique, sur un campus américain, le microcosme d'une société éduquée mais oppressée par des forces occultes, une dizaine de comédiens, en quête de réalisme vécu, le le représente sur scène sous son asservissement idéologique et politique.

A l'instar de son précédent best seller, « L'Immeuble Yacoubian », c'est ici, à l'échelle d'une société toute entière, qu'est projetée en coupe transversale ce qui était alors la description, par l'intérieur, d'une vie sociale et relationnelle au sein d'un lieu résidentiel témoin et représentatif.

Expatriés aux States par des circonstances diverses ou par la force des choses, voilà une petite communauté égyptienne se développant autour d'un pôle universitaire qui, à l'occasion d'une prochaine visite annoncée de leur président national dans la diaspora, se trouve confrontée à l'opportunité de faire éclater au grand jour médiatique, la réalité d'une dictature réprimant quotidiennement le peuple dont ils sont issus.

Cependant, même à l'étranger et même au cœur de la nation occidentale la plus avancée, se sont reconstitués les mêmes organes défensifs du pouvoir autocratique faisant de ce microcosme égyptien, le clone à l'identique de sa nation phagocytée.

En parabole significative et à peine caricaturale de cet assujettissement, la métaphore sexuelle occupant toutes les composantes de la vie individuelle et collective, vient sans cesse se heurter aux inhibitions, frustrations, soumissions, répulsions et autres menaces vitales sur les proches ou sur soi-même alors que les ressources de l'imaginaire ne cessent de fomenter en toute impunité, de multiples menaces si peu déguisées.

De la torture des esprits aux viols des consciences, tout l'arsenal des pressions s'agencent de façon à ce que les réseaux de normalisation parviennent à rendre raison aux récalcitrants de tous poils.

Vieille comme le monde, la possession et l'agression sexuelle prennent ainsi le relais à chaque moment clef où la domination omnipotente devrait céder sur ces prérogatives.

C'est ainsi toute la chaîne du pouvoir, depuis le collectif jusqu'à l'intime, qui se trouve gangrenée, malgré les rébellions et autres résistances individuelles.

Jean-louis Martinelli installe ses comédiens en situation de répétition d'une pièce qui se jouerait à l'échelle de la mondialisation, sans jamais perdre de vue qu'au plaisir de la lecture d'un bon roman doit correspondre celui ludique d'une bonne intrigue théâtrale.

Ainsi, les trois heures de représentation sont ponctuées de mélodie internationale qui ont marqué les esprits et les cœurs.

A chacun d'en faire son miel, à sa façon !...

Theothea le 23/09/11

L'OUEST SOLITAIRE

de  Martin MC Donagh

mise en scène:  Ladislas Chollat

****

Théâtre  Marigny 

Tel: 01 53 96 70 00

 

          photo ©  Emmanuel Robert-Espalleu 

   

De la tragi-comédie au Western chips, Dominique Pinon et Bruno Solo s'affrontent comme des chiffonniers, autant en frères de lait qu'en revanchards des causes perdues.

En effet, dans ce petit village reculé des fins fonds irlandais, Coleman et Valene Connor n'ont d'autre hobby dans leur vie, dépourvue d'ouverture vers le grand large, que de se chercher des poux dans la réciprocité peu reluisante qu'ils se renvoient mutuellement, en passe-temps.

Encadrés au quotidien par une factrice (Elsa Rozenknop) désorientée et un curé ( Pierre Berriau) totalement dépassé par leurs acharnements respectifs à se faire du tort, ceux-là se réjouissent fort de jouer avec le feu en flirtant sans cesse avec le point de non retour.

Cependant, après avoir épuisé tout le stock des bons sentiments à sa disposition, le Père Welsh finira par outrepasser son propre engagement de vie, en effectuant sur lui-même le geste fatal à l'issue d'un combat qu'il estimait avoir perdu à tout jamais.

Si les recommandations d'amour qu'il prodiguait, post mortem, de manière épistolaire aux deux frères ne pouvaient avoir raison de leur haine fratricide, c'est pourtant la foi du charbonnier qui pourrait les transcender, à leur insu.

En effet, ne pouvant supporter l'idée élémentaire qu'à cause d'eux, le Père Welsh serait condamné aux foudres éternels de l'enfer, la décision de « faire un pas en arrière », à chaque fois que le désir de se faire du mal s'emparerait de leurs motivations, allait, dorénavant, s'interposer entre leurs aspirations destructrices et leurs consciences respectives.

Si dès lors, l'application de cette discipline tiendrait davantage de l'esprit que de la lettre, néanmoins la vertu d'un objectif idéaliste ferait son chemin de civilité...

L'aisance expressionniste de Dominique Pinon entraîne Bruno Solo à se surpasser  dans l'exercice du compagnonnage adverse.

Ensemble, ils escamotent la pâle figuration de leurs deux partenaires alors que Ladislas Chollat les rend solidaires dans le cynisme jusqu’au-boutiste. A deux, ils passent par-delà le miroir ambivalent du parler sans retenue.

Theothea le 24/09/11

SUNDERLAND

de  Clément Koch

mise en scène:   Stéphane Hillel

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Petit Théâtre de Paris

Tel:  01 42 80 01 81 

 

          visuel affiche

   

Sunderland n’est pas qu’une équipe de foot censée donner du lustre à un village du nord de l’Angleterre, ce pourrait être aussi une histoire déjantée de femmes en butte aux problèmes économiques tels que Ken Loach a si bien su les relater dans ses fictions en prises sur l’actualité.

Aussi, Clément Koch prenant le partie de la comédie sociale force le trait des mœurs intéressant actuellement le collimateur médiatique.

Ainsi la problématique des mères porteuses vient-elle s’immiscer au sein d’une vie partagée en compagnie de Ruby (Constance Dollé), une amie au chômage et de Jill (Léopoldine Serre), une jeune fille psychologiquement handicapée voire surdouée.

Trouver de l’argent en acceptant des services lucratifs à domicile afin de pouvoir conserver la garde de l’adolescente, voilà l’enjeu d’un tourbillon où les états d’âme ne peuvent être pris en compte, même si le voisinage de Sally (Elodie Navarre) contribue à déstabiliser toutes ses tentatives pour maintenir le cap.

Attitude speed, parler branché, réponses du tac au tac, voilà les signes avant-coureurs d’un déterminisme à l’emporte-pièce et aux couleurs d’un humour britannique feuilletonesque, fort prisé par Stéphane Hillel que le metteur en scène et plus que jamais directeur du Théâtre de Paris nous livre sur le plateau de la petite salle.

Trois comédiennes en totale immersion, dans ce genre télévisuel, avec une fougue qui porte à l’admiration et même à l’empathie, si toutefois des réserves pouvaient être exprimées sur la dimension racoleuse et caricaturale du sujet ainsi que la propension à le traiter en surfant sur une multiplicité de postures décalées, destinées exclusivement aux rires…. si affinités.

Au bilan, une équipe de 8 comédiens, menée tambour battant pour le meilleur concernant la direction d’acteurs mais pas nécessairement au service d’une dramaturgie douée d'une pertinence comique exaltante. Question de goût ?

Theothea le 26/09/11

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