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16ème  Saison     Chroniques   16.051   à   16.055    Page  285

 

    

           

     

         

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L'ECOLE DES FEMMES

de  Molière 

mise en scène:  Jacques Lassalle   

****

Comédie Française

Tel:  08 25 10 16 80 (0,15e/mn)  

 

         photo  ©    Cosimo Mirco Magliocca

     

Jacques Lassalle est de retour à la Comédie Française alors que celle-ci est sur le point d’émigrer, durant la saison en cours, de la salle Richelieu vers une diaspora parisienne dont le centre restera la salle éphémère installée dans les jardins du Palais Royal.

Ainsi, l’ex-administrateur, remercié de manière cavalière au cours de la dernière décennie du XXème siècle, a-t-il pu savourer cette opportunité de mise en scène pour une ultime création, avant travaux de mise aux normes techniques de la Maison de Molière, en acceptant d’être l’hôte privilégié de Murie Mayette, elle-même à l’aube d’un second mandat prometteur.

Si jadis, au Conservatoire, Isabelle Adjani avait su gagner sa notoriété et dans la foulée, son entrée prestigieuse à la Comédie Française, en une seule réplique de « L’école des femmes », Julie-Marie Parmentier, aujourd’hui, ne pourrait guère faire de « Le petit chat est mort », la pierre angulaire de sa propre interprétation du rôle d’Agnès.

En effet, sous la direction de Jacques Lassalle, la liberté d’aimer au féminin allait être l’occasion d’un apprentissage plein d’embûches et de chausse trappe qu’il faudrait contourner et dépasser, sans pouvoir, à terme, maintenir les délices de la candeur originelle.

Cependant si, en fin d’école, le grand amour ne triomphait pas avec splendeur, un véritable aboutissement d’autonomie des sentiments permettrait, tout au moins, à chacun des trois protagonistes concernés de prendre conscience de leur aveuglement respectif.

Pour effectuer, cette démarche initiatique, Jacques Lassalle a imaginé la possibilité d’une île, et en a jeté le pont, ou plus précisément la navette, entre ce lieu d’exclusion et le reste du monde.

Ainsi, Arnolphe (Thierry Hancisse), en maître du logis hors d’atteinte des rivaux potentiels, pourrait-il surprotéger la jeune enfant qu’il avait recueilli, en bas âge, avec l’intention chevillée d’en faire son épouse, à sa majorité.

Toutefois, en empêcheur de tourner en rond avec les émois amoureux, Horace (Jérémy Lopez) viendrait perturber ce bel ordonnancement, en franchissant ce système défensif ingénieux, structuré par Molière et donc renforcé par Lassalle.

Au demeurant, le spectateur assisterait à l’effondrement progressif des niveaux successifs de cette ligne Maginot, version libido contrariée, alors même que la stratégie des confidences provoquées serait battue en brèche par celui qui croyait pouvoir les exploiter.

Si, au jeu du dépit amoureux, chacun ressortirait plus ou moins perdant, le metteur en scène aurait bien servi l’auteur, en permettant à ses antihéros de grandir dans une véritable confrontation entre réalité et illusion… de la passion amoureuse.

Theothea le 29/11/11

IVANOV

de  Anton Tchekhov 

mise en scène:  Jacques Osinski   

****

Théâtre de l'Ouest Parisien

Tel: 01 46 03 60 44  

 

         photo  ©   Theothea.com 

        

En route pour le Théâtre de l’Ouest Parisien où la création de la MC2 de Grenoble est en résidence pour cinq représentations mises en scène par Jacques Osinski d’un Ivanov, première mouture d’ Anton Tchekhov, en 1887.

Comme dans un ballet d’ombres chinoises, les dix comédiens y évoluent à contre-jour du drame de façon à laisser le soin à la comédie de révéler son projet d’y confondre la condition humaine.

En pratiquant systématiquement l’arrêt sur image, par essence cinématographique, la direction d’acteurs force le récit de la quotidienneté à mettre, sans cesse, en suspens ses rouages, le temps d’une pause.

Mettant donc à profit ces temps de pose pour interrompre la parole en action, les protagonistes reprennent le fil de la pensée, comme si de rien n’était, là où elle flottait en apesanteur, juste l’instant d’avant.

Au point de confluence de ces états de déséquilibre momentané, l’imaginaire gémellité d’Ivanov et de Lvov va, ici, partager le monde entre dépression et volontarisme, laisser-aller et maîtrise, en se posant en arbitre improbable de la raison d’agir.

Ainsi, en s’éloignant d’Anna Petrovna (Grétel Delattre), son épouse malade pour rejoindre Sacha (Delphine Hecquet), son amoureuse passionnée, la ligne de conduite existentielle d’Ivanov le mènera au suicide final, en revendiquant une totale déconsidération de soi-même.

Anton Tchekhov sera, lui, contraint de proposer, deux ans plus tard, une seconde mouture, plus explicite, des tenants et aboutissants de sa première grande pièce pour faire accepter, à la critique et au public de l’époque, cette couleuvre désabusée.

A contrario, Jacques Osinski relève, aujourd’hui, le défi de la bienveillance contemporaine à l’égard de l’antihéros.

Theothea le 15/11/11

ANTIGONE

de  Sophocle

mise en scène:  Wadji Mouawad

****

Théâtre des Amandiers

Tel: 01.46.14.70.00    

 

         photo  ©   Jean-Louis Fernandez 

Wajdi Mouawad, homme de théâtre libanais, passant de Beyrouth à Paris, puis s’installant à Montréal, s’exilant de sa terre natale dans la littérature grecque fondatrice et salvatrice, est connu pour avoir porté à la scène une Trilogie avec « Littoral - Incendies- Forêts » au festival d’Avignon.

En 2009, sa tétralogie « Le sang des promesses » enflammait le public.

Il réitèrait son expérience d’Avignon en ayant présenté cet été, à la carrière de Boulbon, sa dernière création, un opus composé de 3 tragédies grecques traitant de grandes héroïnes:« les Trachiniennes, Antigone, Électre » au sein d’un projet monumental de monter, en volets thématiques, sept tragédies de Sophocle, qui devrait s’achever en 2015.

Ce 1er cycle est sous titré « des Femmes » et est traduit par le poète Robert Davreu. Il est repris au Théâtre des Amandiers de Nanterre avec en option, l’intégralité du spectacle durant 6 H 30.

Parmi les trois grandes figures de cet opus, Antigone est « la farouche et douce justicière », la désobéissante, qui veut accomplir les rites funéraires et donner une sépulture à son frère Polynice tombé dans un combat fratricide. Pour cela, elle devra braver les ordres du roi Créon lequel, jugeant celui-ci traître au peuple thébain, a l’intention de le laisser à l’air libre afin d’être dévoré par les charognards.

Antigone (Charlotte Farcet) franchira l’interdit et, presque nue, se recouvrira le corps de la terre destinée au linceul, elle devient désormais, chez Wajdi Mouawad, l’essence même de la guerrière qui se dresse seule contre la tyrannie, qui ira jusqu’au bout dans son habit de terre, telle une Antigone sacrificielle.

WM nous propose une vision très contemporaine de cette Histoire de sang, de famille déchirée.

Un décor nu avec structure métallique et une enceinte cernée par des rails déterminent l’aire de jeu des comédiens, prisonniers de l’espace mental de Créon (Patrick le Mauff) qui, s'imaginant au-dessus des lois divines, a cru pouvoir imposer un ordre humain, celui de l’obéissance absolue à ce qu’il pensait juste pour la gouvernance d’une cité.

Des spots se braquent sur les personnages prisonniers de cette enceinte. Les personnages s’avanceront sur cette scène dans une sobriété vestimentaire, presque somnambuliques dans leur opposition de points de vue, quand éclatera le chœur, chargé de toute la rage des antagonismes, en électrisant tout l’espace.

L’idée fantastique de WM a été de remplacer le choeur antique par un choeur rock, un groupe de trois musiciens, en live, et un chanteur pour ébranler la conscience de Créon.

Oui, WM a osé. Il a confié la rage, l’effroi du chœur grec à la partition de Bertrand Cantat.

Cependant, ce soir-là, le chanteur Igor Quezada, qui a une texture de voix similaire, profonde, grave, puissante et sensuelle remplace Bertrand Cantat qui, lui, ne devrait se produire qu'à la mi-décembre.

La voix de Sophocle résonne; la force envoûtante du chant électrocute les protagonistes, qui, par opposition, semblent jouer avec un certain détachement; les voix sont parfois tremblantes, presque tranquilles dans leur drame absolu; le Coryphée (Raoul Fernandez) qui n’adhère pas complètement au totalitarisme de pensée du maître de Thèbes parle toujours très calmement, presque platement de la menace du divin.

Ce choix est sans doute délibéré car la confrontation avec le chœur est saisissante.

Le théâtre, question de vie ou de mort, est sans doute ici très distancié; pourrait-on parler d’un concert immiscé dans le théâtre ? En tous cas, une force émane de ce mélange, une force saisissante à la hauteur de la tragédie grecque.

Créon, constatant que sa politique intransigeante l’a conduit à sa perte n’aspirera plus qu’à la mort. Sa vérité lui apparaîtra soudainement avec clarté. Il en sera dévasté. Le tragique est une lumière douloureuse qui révèle l’aveuglement. La puissance musicale en est ici le détonateur.

Cat.S / Theothea.com, le 04/12/11

BISTRO !

de Sylvie Audcoeur & Marie Piton

mise en scène:  Anne Bourgeois

****

Théâtre de l'Oeuvre

Tel: 01 44 53 88 88  

 

         photo  DR.

     

Sylvie Audcoeur n’en est pas à sa première coécriture théâtrale puisque notamment « Happy Hanouka » avait été cosignée par l’inénarrable Alex Pandev avec laquelle, pareillement, elle avait joué cette pièce… à l’instar de sa présente collaboration avec Marie Piton pour « Bistro ! ».

Au Théâtre de l’Œuvre présentement, ces deux comédiennes excellent à incarner, en osmose avec leurs deux partenaires, cette fougue intérieure à interpréter des rôles quelque peu Tchekhoviens dans l’âme ainsi que dans le contexte.

La nostalgie de quitter un endroit dans lequel toute une partie de vie a été vécue avec sa ribambelle de souvenirs au quotidien passé, place les deux jeunes femmes, amies d’enfance, à contre-pied de leurs aspirations ou frustrations respectives d’adultes.

Le grand Amour tant attendu pour l’une et l’incapacité à se fixer affectivement pour l’autre viennent se confronter au principe de réalité:

Demain le bistrot patrimonial, lieu de leur construction affective, aura disparu de l’échiquier relationnel.

En perspective de ce grand déménagement, Anne-Rose (Michèle Simonnet), l’ex-serveuse, et Fred (Alexis Desseaux), le client transi amoureux, sont venus donner le coup de main mutuel qui permettrait de passer le cap redoutable entre « être » et « avoir été ».

Alors, quoi de mieux que des pastiches aux chansons du fameux tandem « Michel Legrand - Jacques Demy » pour inspirer à Anne Bourgeois une direction métaphorique où ici, - Les parasols du cher bar - dédoubleraient l’ombre emblématique d’un cerisier en fleurs.

Mais point besoin, ici, de chorégraphie élaborée pour que le cœur et l’inconscient soient les invités privilégiés d’une partie de cache-cache avec le point G de l’amitié ou de l’amour, laissés, en l’occurrence, au libre choix de chacun.

Au piano et à l’accordéon final, le compositeur Patrice Peyriéras est relayé alternativement par Benoît Urbain et Sébastien Debard, tous en quelque sorte les garants que chaque représentation du « Bistro ! » sera exceptionnelle, comme le serait la musique des sentiments perdus, mais finalement, retrouvés.

Theothea le 01/12/11

LE VICAIRE

de  Rol Hochhuth 

mise en scène:  Jean-Paul Tribout   

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Théâtre 14

Tel:  01 45 45 49 77   

 

         photo  ©   Lot 

   

Près de cinquante ans après sa création francophone par Peter Brook à l’Athénée, ayant suscité, à l’époque, nombre manifestations et protestations, il est étonnant d’observer que cette confrontation à la tête du Saint-Siège qui problématise l’attitude de Pie XII durant la guerre mondiale, continue, lors de sa reprise, fin 2011, au théâtre 14, de soulever, sinon des polémiques, tout au moins des prises de position virulentes parmi ses commentateurs et intervenants extérieurs.

En effet, sachant qu’il demeure impossible de plaider la méconnaissance par celui-ci de l’holocauste en cours, il reste toujours à déterminer les composantes du dilemme que dut résoudre, selon sa conscience, le vicaire du Christ, confronté à la Shoah.

C’est d’ailleurs bien dans cette intention d’éclairer les spectateurs d’aujourd’hui que résidaient les motivations de Jean-Paul Ribout, pour monter, de nouveau, à Paris la pièce de Rolf Hochhut.

Ainsi, sept comédiens interprètent autant de rôles dialectiques répartis selon la bravoure des tenants d’un interventionnisme dénonciateur s’opposant à la stratégie diplomatique des partisans du statu quo.

Quelle que soit la pertinence des arguments échangés de part et d’autre, il est indéniable que la conduite du pape Pie XII constitue un sujet de controverses radicales toujours vivaces et, en conséquence, une passionnante thématique à mettre en scène.

En confiant la fonction charismatique à Emmanuel Dechartre, celle du nazi repenti à Eric Hersen-Macarel, ainsi que celle du cardinal à Claude Aufaure, la distribution se poursuivait dans l’excellence avec Mathieu Bisson, Laurent Richard & Xavier Simonin.

Endossant, de surcroît, un rôle paternel de circonstance, Jean-Paul Tribout conserve en permanence un œil vigilant sur la maîtrise artistique de cet enjeu géopolitique qui, a posteriori, persiste à se poser, en clef déterminante, pour tout analyste souhaitant évaluer l’issue de ce conflit mondial.

Aucune fioriture contextuelle dans la scénographie qui, de manière judicieuse, prend, à son apogée, les lumières de la théâtralisation, afin de laisser son épilogue moral et religieux, en total suspens!…

Theothea le 06/12/11

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