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Les    Chroniques    de

  

16ème  Saison     Chroniques   16.066   à   16.070    Page  288

 

 

             

             

     

         

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SALLE D'ATTENTE

d'après Lars Noren  

mise en scène:  Krystian Lupa   

*** *

Théâtre de la Colline

Tel:  01 44 62 52 52 

 

         photos  ©   Elisabeth Carecchio  

   

De Lars Norén à Krystian Lupa, s’établit la continuité de l’exclusion que le second a préféré, de manière symbolique, représenter au sein des jeunes générations.

La fameuse place de Stockholm, refuge de tous les marginaux s’étant transformée, en l’occurrence, en parking souterrain tagué aux couleurs d’une zone intercommunautaire, le metteur en scène polonais y inscrit une tranche de non vie, hors des codes convenus de civilisation.

Trois heures durant qui, au prorata de la déchéance, pourraient en valoir autant en mois ou en années, les destinées s’y entrechoquent au péril du non sens, si toutefois l’humanité persistait à spéculer sur une quelconque notion de progrès de l’espèce.

Selon l’angle adopté par chacun des protagonistes, garçons ou filles se regardent en chiens de faïence, selon des prismes kaléidoscopiques que la drogue, l’alcool ou autres substituts à la conscience, leur dessinent de la déchéance, avec une complaisance assumée dans le vertige de la liberté absolue.

Ni droit, ni morale ne viennent réguler la succession des rencontres quotidiennes avec le défi de survivre à un passé forcément mythomaniaque et qui, paradoxalement, pourrait, à lui seul, assurer la raison de vivre l’instant présent.

Travaillant dans l’improvisation réécrite, en monologue intérieur adapté par chacun des comédiens sélectionnés pour cette expérience théâtrale hors normes, Krystian Lupa donne, pareillement, au spectateur l’opportunité de choisir son camp, celui de l’observateur délibérément distancié ou celui d’être aussi acteur malgré soi.

En effet, si une ligne rouge ceint le volume scénographique séparant délibérément les planches du quatrième mur, l’ensemble des acteurs viendront tour à tour s’asseoir sur cette frontière intangible en bord de scène, invitant ainsi ostensiblement le public à faire, avec eux, le saut dans un monde inconnu mais pas nécessairement contraire à l’authentique quête identitaire.

Au demeurant, selon une hébétude cultivée en force dionysiaque, semble d’élever au-dessus de ce happening d’enfer, une impalpable sérénité de la part de cette quinzaine de jeunes comédiens, s’épargnant, ainsi, autant de galère substitutive.

Theothea le 16/01/12

ZOLTAN

de  Aziz Chouaki   

mise en scène:  Véronique Bellegarde   

****

Théâtre des Amandiers

Tel:  01 46 14 70 50 

 

         photo  ©   Philippe Delacroix  

   

Rien que pour l’interprétation du personnage de « Zoltan » par Patrick Mille, la pièce éponyme d’Aziz Chouaki se donne des allures de commedia dell’arte alors même que le syndrome de mythomanie serait entrain de contaminer la population d’un bar perdu au milieu d’une guerre de nulle part et donc symboliquement de toutes les guerres.

Comment tromper à la fois la peur, l’ennui et le désir de vivre, alors qu’à chaque instant la fatalité peut vous exploser à la tête ?

Comment donner du sens à ce qui, de toutes façons, n’en a plus alors que la méfiance de tout un chacun est devenue le seul viatique qui vaille face à l’infortune en devenir ?

Zoltan, lui, a tout compris de cet imbroglio existentiel ou, en tout cas, feint d’en tirer les marrons du feu.

En s’inventant délibérément une seconde vie avec le Gotha international, l’aventurier fait, à proprement parler, de la télé-réalité, c’est-à-dire qu’il met la réalité à distance de lui-même, tout en cristallisant l’attention générale sur les images virtuelles d’un show-biz fantasmé… avec l’intention louable de divertir ses interlocuteurs de l’insupportable..

A la manière d’un Arsène Lupin qui aurait pigé qu’il pouvait mettre « l’opium du People » au service de l’élégance du geste oratoire, Zoltan se lance dans une croisade contre les forces obscures, en utilisant les « vessies » de la renommée…. en guise de lanternes.

Cependant, à force « de vendre du vent et des voiles »(sic), la parole affabulatrice se sent des ailes, forcément peu enclines aux prudences élémentaires que nécessite la maîtrise du faux-semblant.

Aussi, à ce jeu de bluff avec la crédulité de chacun, le risque serait grand de se prendre les pieds dans le tapis des versions successives d’une mythomanie en expansion débridée.

Comme dans la vraie vie, le piège le plus redoutable pourrait être celui de l’Amour qui rend aisément sourd et aveugle à ses propres contradictions.

La fantasmagorie de la fable n’étant jamais totalement à l’abri d’une balle perdue, serait-ce donc au hasard de décider si les dés en folie feraient de ce Don Quichotte, un Kamikaze ?

Theothea le 15/01/12

LE BOURGEOIS GENTILHOMME

de  Molière   

mise en scène: Marcel Maréchal  

****

Théâtre 14  

Tel:  01 45 45 49 77 

 

         photo  ©   Lot  

       

Marcel Maréchal est devenu une Institution nationale, à lui seul, et rien qu’à ce titre, il est fort légitime qu’il incarne l’antihéros emblématique de Molière, à savoir « Monsieur Jourdain ».

Cependant avec le temps et la pratique, le metteur en scène a acquis une vision particulièrement originale du personnage ambitionnant, par-dessus tout et tous, d’être « Bourgeois gentilhomme ».

Si celui-là ne dénie pas la pertinence du portrait traditionnellement pétri de suffisance acariâtre permettant à celui-ci de s’élever artificiellement dans la hiérarchie sociale de l’époque, l’ex-directeur des Tréteaux de France perçoit son « bonhomme » comme un « clown lunaire » jouant à être « roi-enfant ».

Incontestablement, il est fort intéressant de tirer parti d’un tel angle poétique au regard de la fantasmagorie qui entoure cette pièce ô combien délirante; cependant à analyser l’impact d’une mise en scène conçue dans cette perspective, sa force comique se révèle, a posteriori, moins efficace.

Certes, il n’ y pas de contresens psychologique ou artistique à considérer Monsieur Jourdain comme un adulte immature, ayant conservé son âme d’enfant, s’étonnant de découvrir tous les ressorts cachés de la connaissance, à travers les caprices de celui qui voudrait tout, tout de suite pour lui et sa famille.

Toutefois, cet aspect fantasque assumé par une joyeuse complaisance à l’égard de soi-même possède, de manière inhérente, l’inconvénient d’édulcorer l’idéologie monomaniaque de Jourdain ainsi que son obsession bornée à vouloir s’élever au-dessus de lui-même et,  par conséquence diminue d’autant, la dimension totalement ridicule du personnage…. fort comique pour le public.

Vouloir faire de Jourdain, un doux rêveur adepte de toutes les fantaisies pour échapper au réalisme de sa condition, s’avère beaucoup moins drôle que l’interprétation classique du texte de Molière.

Mais pourquoi pas, en définitive ?

En effet, cette vision créative de Marcel Maréchal fait salle pleine au Théâtre 14 et donne, en quelque sorte, le beau rôle à toute l’équipe qui l’entoure, en offrant à chacun, par exemple Agnès Host (Madame Jourdain) ou Liana Fulga (Dorimène), l’opportunité de tirer les marrons du feu au sein d’un spectacle délibérément « grand guignol »… fort réjouissant.

Theothea le 18/01/12

GRATIN DE FAMILLE

de  Marie Montoya

mise en scène:  Lucie Muratet

****

Théâtre du Petit Saint-Martin

Tel:  01 42 02 32 82   

 

         photo  DR.  

     

Si les générations du « Baby Boom » portent l’esprit de révolte de 68, en étendard de leur jeunesse, celles de la fin du siècle dernier, qui leur ont succédé, se sont plus volontiers réfugiées, a posteriori et par réaction autant affective qu’existentielle, dans le macrocosme revendiqué de « l’adulescence » dont elles arborent les stigmates avec une fierté inégalée.

Tout y passe à la moulinette de la nostalgie actualisée en temps réel: Que ce soit l’univers pratique du quotidien, celui des amours, celui des perspectives culturelles et, en général, celui de la communication en ligne avec la contemporanéité !…

C’est ainsi que pour « les enfants des enfants de mai 68 », le cocooning familial a pris le pas sur tout autre considération idéologique sans que le filtre du soi-disant bon goût ait eu droit de préemption.

Bien au contraire, le royaume du kitsch y a pris ses quartiers résidentiels avec une délectation à nulle autre satisfaction similaire.

Par exemple, les programmes de télévision des décennies 70 à 90 ayant pour cible la jeunesse sont placés au pinacle des références clefs pour se plonger dans le phénomène de l’addiction ressassée jusqu’à la transe collective.

« Le gratin » de Marie Montoya s’engouffre totalement dans cette fantasmagorie de prédilection générationnelle avec, il faut le dire, d’emblée, une propension à la contagion spontanée, tellement le phénomène prend des tournures irrésistibles, y compris dans l’humour et l’autodérision au énième degré.

Bien entendu, on ne repeint pas ses propres « 20 ans » aux couleurs d’autres modes que les siennes mais le concept de famille étant doué de tant de contradictions internes que celui-ci semble prêt à s’adapter à toutes les sauces abracadabrantes de la chaîne généalogique, ingurgitant chaque époque, au profit d’un rire, ô combien fédérateur.

Alors, au Petit Saint-Martin, Marie a pris le réfrigérateur comme fil conducteur de son récit, en le multipliant en autant de clones scénographiques qu’il pourrait y avoir de portes métaphoriques vers le soulagement des tensions intimes pendant que le clown, son alter ego, s'amuse à distiller les secrets de cette chaîne du froid.

Ainsi, au fil d’une hécatombe parentale, Marie va se faire sa propre loi du divertissement, lui, rappelant sans cesse les joyeux moments passés en fratries jusqu’à ce qu’elle ressente la motivation et l’envie de remettre « le couvert »… pour perpétuer, à son tour,  le repas de la vie !

Theothea le 19/01/12

LA PROMESSE DE L'AUBE

de  Romain Gary   

mise en scène:  Bruno Abraham-kremer & Corine Juresco

****

Théâtre du Petit Saint-Martin

Tel:   01 42 02 32 82      

 

         visuel affiche

             

Après « La vie sinon rien » spectacle tiré du roman d’Emile Ajar, alias Romain Gary, Bruno Abraham Kremer adapte, met en scène et surtout interprète cette promesse d’un jour nouveau !

Déjà moliérisé en 2006 avec « L’Amérique », il incarne physiquement ce beau texte écrit en 1960, qui relate le rapport enfant, adolescent puis adulte de Romain Gary avec sa mère, personnage central et omniprésent dans ce récit mi-romancé, mi-autobiographique.

A plus de quarante ans, l’écriture de Romain Gary. s’interroge sur l’être qu’il est devenu et ce qu’il doit à cette mère courageuse, ancienne comédienne sans éclat, qui a fait plusieurs petits boulots à Varsovie pour subvenir aux études de l’enfant unique et, par la suite, pris la gérance, d’un petit hôtel à Nice, alors qu’ il avait 14 ans.

Cette fameuse France qu’elle a fait miroiter à son fils depuis toujours, qu’elle vénère, lieu mythique d’un destin, hors normes, pour un homme exceptionnel, autrement dit son fiston, qu’elle voit ambassadeur, académicien ou pourquoi pas grand écrivain.

Oui, c’est en France qu’il se fera remarquer, deviendra célèbre, connaîtra la gloire et sera heureux.

Elle reporte sur lui ses ambitions frustrées et lui, pour l’honorer, ira à Paris effectuer des études de droit et s’engagera pour sauver ce pays devenu le sien lors de la seconde guerre mondiale.

Ainsi, il cherche à tenir la promesse originelle et donner un sens aux sacrifices de sa mère, en accomplissant tout ce qu’elle aspirait de haut pour lui.

Dans cette perspective, Bruno Abraham Kremer nous entraîne dans une relation duelle, de mère à fils, en interprétant, lui-même, les deux personnages.

A l’instar du nom de sa compagnie « Le Théâtre de l’Invisible » créée par lui-même, l’acteur se glisse imperceptiblement dans la peau de ces deux fortes personnalités pour extraire la moelle intime de leur relation.

Tel un boxeur sur le ring, seul du début à la fin du spectacle, avec parfois en fond sonore la voix trouble de « la mère » sortant d’une enceinte et une musique lancinante, celle d’une clarinette, instrument qu’elle affectionnait particulièrement, le comédien assène des coups pour faire surgir la mémoire.

En interprétant son alter ego maternel avec l’accent slave, l’auteur Romain Gary se dévoile peu à peu, en révélant, ainsi au fur et à mesure, ce qu’il est devenu en raison des projections délirantes de la mère sur le fiston.

Sur la scène du petit Saint-Martin, les fils de la mémoire se dénouent dans cet espace délimité par des enceintes que l’interprète franchit, enjambe, grimpe, traversant l’espace temps, du petit enfant timide à l’adolescent angoissé jusqu’à l’adulte, devenu compagnon de la Libération, puis Consul général de France.

Bruno Abraham Kremer, très physique, se déplace, court, saute pour revenir au centre de ce cirque in situ, où est érigé un tabouret piédestal, endroit sur lequel le personnage doit tenter de se hisser en permanence, conformément au vœu de la mère.

Une fusion émouvante s’installe tout au long de cette traversée des souvenirs du jeune enfant à l’homme courageux.

Et bien sûr, l’humour accompagne la saga cocasse de cette mère despotique, dominatrice à l’imagination débordante, qui donne littéralement à voir ce qui n’existe pas.

Le fantasme par lequel Gary est accaparé, c’est celui initié par sa mère. Sa destinée est liée intrinsèquement à l’amour maternel.

Bruno Abraham Kremer nous rend toute la subtilité, la justesse, de ces deux êtres hauts en couleur. Il est tout simplement bouleversant.

Cat.S / Theothea.com, le 26/01/12

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