Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

16ème  Saison     Chroniques   16.091   à   16.095    Page  293

 

       

                               

             

     

         

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BRONX

de  Chazz  Palminteri  

mise en scène:  Steve Suissa   

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Théâtre des Bouffes Parisiens   

Tel:  01 42 96 92 42    

 

                    visuel affiche  conception / photo  ©   Ingrid Mareski 

                

De l’Emile de Jean-Jacques Rousseau au Cologio de Chazz Palminteri, c’est bien de l’éducation de l’enfant et de l’adolescent dont il s’agit… celle qui se fait sur le terrain, hors du carcan scolaire pour construire l’homme de demain.

A ceci près, que si le philosophe du XVIIIème siècle situait son champ d’investigation auprès de la Nature et de tout ce qui pouvait en résulter, la mise en scène de Steve Suissa est, ici, ramenée en zone urbaine contemporaine et même dans ses bas-fonds les plus emblématiques puisque son script autobiographique narre effectivement la jeunesse de l’auteur dans ce fameux Bronx.

Le très beau décor de Stéphanie Jarre pose d’emblée l’unité de lieu en impasse ou plus exactement suggère que ce terrain de jeu New-Yorkais n’est pas initialement dédié à la marelle mais, bel et bien, à une vie de quartier glauque et inquiétante pour adultes avertis.

Ainsi, grandissant entre deux figures masculines d’autorité paternelle charismatique, celle légitime et très moraliste du papa, chauffeur de bus mais aussi, par ailleurs, celle d’un véritable modèle identificatoire, Sunny, le caïd mafioso envié et admiré par le voisinage, la croissance de Cologio sera, donc, confrontée à bien des difficultés pour élaborer ses propres repères.

Francis Huster boit du petit lait en campant, dans une foulée ininterrompue, dix-huit personnages se relayant en permanence auprès de son interprétation, volant en rase motte au-dessus de ce monde interlope comme autant de gratte-ciel, dans la proximité.

Habillé très élégamment en « parrain » par Dior Homme, le comédien semble recouvrer un plaisir de jeunesse s’aventurant, à sa guise, dans les endroits malfamés sans encourir d’autres sanctions que les applaudissements du public, toujours prêt à répondre présent pour célébrer son culte.

Theothea le 10/03/12

ROSE

de   Martin Sherman  

mise en scène:  Thierry Harcourt   

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La Pépinière Théâtre   

Tel:  01 42 61 44 16   

 

                    photo  ©  Olivier Borde /  BestImage 

                  

Judith Magre est vraiment une bonne camarade de jeu qui, pour faire plaisir à son metteur en scène Thierry Harcourt, est en mesure de vaincre son trac rédhibitoire afin d’affronter crânement une troisième fois, un « seule en scène », qui, cette fois-ci, excusez du peu, a l’ambition d’évoquer toute l’épopée contemporaine du peuple juif, à travers sa diaspora, synthétisée en un unique personnage.

Ainsi, à l’âge octogénaire de Rose, la comédienne qui, à l’inverse, n’aurait d’autre ambition de carrière et surtout de plaisir personnel que de faire rire les gens, à la scène comme à la ville, se trouve contrainte, par l’impossibilité de refuser l’honneur de défendre une cause universelle, à se faire violence tragique chaque soir en ne conservant le pathos que pour elle-même.

Judith Magre est une véritable « martyre du spectacle vivant » qui, par passion, accepterait de monologuer une heure et demie sur un banc public à chaque représentation, avec trois pauses autorisées pour en faire le tour afin de se dégourdir l’esprit et les jambes.

Si donc, le bagne du statu quo est, de fait, avéré pour Judith, c’est alors que, paradoxalement, Rose parcourt la planète d’Ukraine aux USA, en passant par la terre promise à bord de l’Exodus délibérément refoulé !… Redoutable destinée !….

Bien entendu, l’écriture de Martin Sherman, déjà célébrée en maintes créations mondiales, porte magiquement l’actrice en la rendant forte d’un humour latent entre les lignes qui permet de transgresser l’adversité.

C’est, donc, dans cette résistance récurrente à l’indicible que va s’effectuer la solidarité admirative avec le public faisant salle comble à la Pépinière Théâtre.

Loin de forcer son talent en un expressionisme de la douleur, la comédienne paraît flotter, sereinement, dans l’association successive des souvenirs remontant à la conscience historique, à l’instar d’une séance symbolique de psychanalyse, où l’ensemble des refoulés remonteraient l’un après l’autre, en débloquant à chaque instant un pan entier d’une réalité d’autant plus sordide que masquée jusque-là par la mémoire collective.

Ainsi, en accomplissant le rite de Shiv’ah sur la scène théâtrale, Rose et Judith, heureusement réunies, effectuent peu à peu le deuil collectif de l’inhumanité qui devrait permettre d’en neutraliser les forces négatives, tout en suscitant l’espoir infini d’un monde meilleur.

Theothea le 05/03/12

NUREMBERG

LA FIN DE GOERING

de & mise en scène:  Arnaud Denis   

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Vingtième Théâtre   

Tel:  01 48 65 97 90    

 

                    photo  ©   Lot   

                    

En faisant de Hermann Goering l’antihéros d’un Théâtre destiné à éveiller les consciences des générations contemporaines, Arnaud Denis prenait le risque artistique de surfer sur une crête géopolitique entre manichéisme et angélisme.

En effet, souhaitant préserver la part d’humanité de l’accusé emblématique du système Nazi ayant organisé la monstruosité criminelle à l’échelle universelle, il fallait que l’auteur ait sans cesse à l’esprit la crédibilité pédagogique d’un procès historique qui eût pour objectif de légitimiser en droit international la notion de « Crime contre l’humanité ».

En outre, comme le Théâtre se constitue aisément en fiction d’une réalité renvoyée, à elle-même, selon une image miroir plus ou moins déformée, le dramaturge avait l’ambition professionnelle de faire spectacle et non œuvre documentaire, en s’appuyant à la fois sur les témoignages d’archives mais aussi en laissant la psychologie jouer sa gamme de contradictions dans un rapport de forces exacerbées entre les protagonistes.

C’est ainsi que, par exemple, intelligence, cynisme, rouerie, lâcheté peuvent librement s’interposer frontalement, à charge du spectateur de sans cesse faire fonctionner l’esprit critique pour remettre en perspective les enjeux des millions de morts à la clef de la moindre argutie dialectique.

C’est ainsi qu’en Platon du devoir de mémoire, Arnaud Denis s’est donné les moyens artisanaux de faire ressurgir, parole contre parole, celle du successeur désigné d’ Adolf Hitler à l’épreuve d’une éthique universelle symbolisée par le tribunal international de Nuremberg.

Selon la chronologie historique, Goering eut effectivement le dernier mot, puisqu’il réussit à se suicider dans sa cellulle de condamné à la pendaison.

Selon la fiction théâtrale, c’est, ici, Arnaud Denis qui reprend la main au final, en esquissant le progrès inéluctable de la conscience humaine.

Au demeurant, très intéressant spectacle sachant initier un débat profitable.

Theothea le 06/03/12

SE TROUVER

de  Luigi Pirandello  

mise en scène:  Stanislas Nordey   

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Théâtre  de la Colline   

Tel:  01 44 62 52 52    

 

                    photo  ©  Elisabeth Carecchio   

                  

« Vivre ou jouer » tel serait le dilemme du comédien, pour ne pas dire son paradoxe. D’ailleurs Luigi Pirandello confessera pour lui-même: « J’ai oublié de vivre ».

Ainsi, en se laissant absorber par l’écriture donnant vie à ses personnages, c’est précisément la sienne qui se sera dissoute à son propre regard.

Cependant l’amour que l’auteur porta, en fin de carrière, à l’actrice Marta Abba devenue son égérie emblématique, prit le pas sur son inventivité dramaturgique, au point de faire œuvre d’introspection généralisée, en créant « Se trouver ».

Par un jeu de miroirs convergents, c’est donc Donata qui sera en charge de la sublimation de l’art théâtral impliquant l’abandon total de l’artiste au cœur des sentiments liés aux rôles qu’elle a l’opportunité d’interpréter.

Et Donata à la Colline, c’est, bien entendu, Emmanuelle Béart qui se projette dans les affres de l’actrice absolue passant alternativement de la transe théâtrale à la frustration décevante de la réalité.

Rôle de composition à part entière, peut-être, mais surtout rôle de décomposition d’une star qui voudrait atteindre, sur « le plan du vécu », la plénitude des rôles qu’elle sait si bien jouer sur scène.

La pièce se déroule comme une longue psalmodie s’égrenant sur cet approfondissement thématique où l’envie d’avoir envie ne saurait combler la souffrance du vide intérieur chronique.

Cependant la direction de Stanislas Nordey ne se laisse pas instrumentalisée par la dépression latente que les faux-fuyants universels de l’amour objectivent dès qu’ils échappent à la vie virtuelle des planches.

C’est donc une Emmanuelle Béart, combative sur tous les fronts qui, crânement, inverse l’ordre établi par la mauvaise conscience de soi.

Ainsi, délaissée par l’amant effrayé, à son tour, par l’univers contre nature du Théâtre, l’actrice découvrira une force intérieure lui permettant de vaincre les démons qui l’empêchaient, jusque-là, d’assumer pleinement la contradiction des « sentiments joués » … pour parvenir enfin à les transcender dans une expression authentique de sincérité avec elle-même.

Theothea le 14/03/12

JE NE SERAI PAS AU RENDEZ-VOUS

de  Patricia Haute-Pottier  

mise en scène:  Ladislas Chollat

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Théâtre des Mathurins   

Tel:  01 42 65 90 00    

 

          visuel  affiche  -  photo ©  Pascalito 

                  

«  Procrastination ». Voilà, le mot savant est lâché pour stigmatiser l’addiction à différer ce qu’il faudrait effectuer, à l’instant judicieux.

Cela correspondrait-il au mal évoqué par le titre de la pièce, mettant en exergue l’aboutissement du couple sur le point de marier Lucas à Nora ?

En effet, ce jeune homme modèle à qui tout réussissait jusqu’à ce jour, grâce à une réponse pragmatique et positive à tout ce que la société attendait de lui, serait, néanmoins, sur le point de faire un pas de côté.

Mais, voilà qu’à l’instar de « l’effet papillon », son rendez-vous délibérément manqué pourrait en cacher un autre à rebours et même, en déclencher un troisième substitutif.

C’est ainsi que sera lancée la machine infernale à déjouer la destinée de quatre êtres proches, affectivement, mais dont les compteurs existentiels vont se désynchroniser mutuellement.

En effet, donner du sens à un parcours de vie, à une ambition professionnelle, à une maîtrise des aptitudes et du talent n’est pas nécessairement conforme au schéma envisagé par les mieux intentionnés à l’égard de celui ou celle qui cherche sa vocation.

C’est pourquoi Monsieur Poisson (Roger Dumas), appelé à la rescousse, en référence scientifique et intellectuelle estampillée, sera pris, à son insu, dans le feu croisé des jeunes pousses en pleine quête d’elles-mêmes.

Même Blanche (Aurore Auteuil ou Agnès Soral), l’amie du couple sera prise au piège du conflit d’intérêts, en pensant sincèrement agir pour la réconciliation conjugale de Lucas ( Nicolas Giraud) et Nora (Clémentine Poidatz).

Si, à terme, l’objectif poursuivi est bien que tous y trouvent leur compte de réussite sociale et personnelle, il y a fort à parier que la reconstruction relationnelle se fasse au détriment de l’un des quatre, dont la vie pourrait être sacrifiée à la noble cause de l’émancipation victorieuse pour chacun des trois autres.

Subtile par son écriture subliminale, cinématographique par sa mise en scène séquencée en tableaux, fantasque dans son interprétation scénographique, la créativité de Ladislas Chollat épouse une perspective décalée et pleine d’humour, à l’égard du rapport des forces entre les êtres humains afin de parvenir et assumer leur accomplissement.

Theothea le 15/03/12

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