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Les    Chroniques    de

       

  

16ème  Saison     Chroniques   16.116   à   16.120    Page  298

 

            

       

              

            

     

            

     

         

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UNE PUCE, EPARGNEZ-LA

de  Naomi Wallace

mise en scène: Anne-Laure Liégeois  

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Comédie Francaise  

Tel: 08 25 10 16 80  (.15e/m) 

 

          photo ©   Christophe Raynaud de Lage

         

A la suite de Marguerite Duras avec « Savannah Bay » en 2002, puis de Marie Ndiaye avec « Papa doit manger » une année plus tard, voici la troisième entrée féminine au répertoire de la Comédie Française en ce début de XXIème siècle, celle de Naomi Wallace, premier auteur américain à y entrer de son vivant.

Dans la genèse fantasmatique de « Une puce… », l’image d’un doigt qui s’introduirait dans une blessure a été l’un des deux éléments déclencheurs de cette création théâtrale relatant la grande peste de 1665 à Londres, en constituant de surcroît l’état de crise nécessaire au psychodrame.

D’un dramaturge l’autre, de Naomi Wallace à Luchino Visconti, l’enfermement contraint par l’épidémie mortelle qui règne en ville pourrait faire continuum artistique de Londres au XVIIème jusqu’à (Mort à) Venise en début XXème siècle.

En effet, dans un contexte similaire où, planant sur les résidents ou hôtes de passage en quarantaine, la grande faucheuse sert de catalyseur à une mise en perspective des libidos en situation de tourments érotiques avivés par une menace globale, celles-ci passent d’un état de frustration sociale à celui d’une gangrène inéluctable.

Si l’espace scénographique s’agrandit progressivement autour des protagonistes, c’est pour mieux contraster avec le confinement de leur perception subjective en butte aux préceptes moraux qui n’en finissent jamais avec leur travail de sape.

Que ce soit les murs qui ne cessent de reculer dans la mise en scène d’Anne-Laure Liégeois ou que ce soit la plage ultime s’ouvrant sur l’infini chez Visconti, c’est l’exaspération des pulsions sexuelles qui fait sens métaphorique contrastant avec l’autre peste, celle qui cerne l’esprit humain au point de le rendre vulnérable à toutes les nuisances idéologiques le désignant comme cible privilégiée.

Si l’interpénétration d’un corps social dans l’autre est flagrante chez Wallace, en poussant la logique du viol jusqu’en ses conséquences extrêmes, chez Thomas Mann/Visconti, cet accaparement sensuel, tout aussi interactif, épouse les subtilités de classes sociales proches mais bel et bien différenciées.

Ce jeu du pouvoir qui, déplaçant ses lignes de force entre des individus pris dans les mailles d’une condition sociale déterminée, formate jusqu’au moindre de leur geste, de leur parole ou même de leur intonation, renvoie pareillement dos à dos l’aristocratie et la plèbe, en des catégories intransgressibles faute de dissoudre l’identité de l’une dans l’hégémonie de l’autre et vice versa.

Dans la salle éphémère de la Comédie Française, voici donc de fait, quatre « puces » constituées en deux duos devenant lubriques à l’insu de leur plein gré, épargnez-les, s’il vous plaît, Monsieur l’arbitre des bonnes mœurs, alors que celles-ci sont ainsi livrées en proie libidinale aux ravages pestiférés de cette contagion chronique !

Theothea le 04/05/12

RECITAL EMPHATIQUE

     

mise en scène & interprétation: Michel Fau 

****

Théâtre Marigny  

Tel: 01 53 96 70 00

 

          photo ©  Marcel Hartmann 

       

Est-ce que les quatre minutes et cinquante secondes de la prestation de Michel Fau aux Molières de la saison précédente auraient pu être fatales à la survie de la cérémonie en 2012 ?

Faisant un véritable tabac avec une parodie transformiste de « Y a quelqu’un qui m’a dit », le comédien avait fait croulé l’assistance de Créteil jusqu’aux confins de l’hexagone branché alors en direct TV.

Réputation confortée, le comédien pouvait ensuite faire salle comble aux Bouffes du Nord avec son « récital emphatique », repris fort opportunément en ce printemps au Petit Marigny.

Fellinien dans l’embonpoint fardé, l’artiste se projette dans une Castafiore fantasmée, exprimant avec des états d’âme à fleur de peau maquillée à outrances, la pudeur toute féminine de l’exhibitionnisme monstrueux que l'acteur habite sur scène.

De Samson et Dalida jusqu’à Carmen, en passant par Castor & Pollux suivi de Porgy & Bess, Jean Racine se taille, néanmoins, la part du lion extra musicale, en bénéficiant d’une quadruple interprétation de sa Phèdre : « Mon mal vient de plus loin ». Ca ne s’invente pas, n’est ce pas ?

Michel Fau, enrobé couleur chair de paillettes d’or, se ravît dans les postures désuètes des divas alanguies d’une autre époque, en singeant leurs gestuelles et mimiques expressionnistes à nulle autre pareille de nos jours.

Mathieu El Fassi, imperturbable autant que pianiste, accompagne la maîtresse cantatrice, dans ses moindres soubresauts qu’il se contente de suivre du regard et, surtout, du bout des doigts dansant sur le clavier, en l’effleurant de cadences subtiles.

Par vagues successives, la salle se gondole sans que jamais les spectateurs soient véritablement rassasiés du goût ambivalent que suscite l’emphase incarnée grandeur travestie.

Theothea le 25/04/12

L'ARCHE PART A 8 HEURES

de  Ulrich Hub

mise en scène:  Micha Herzog   

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Théâtre du Petit Saint-Martin  

Tel: 01 42 02 32 82

 

          photo ©  Theothea.com 

   

Attention à l’heure d’embarquement !… Gare aux retardataires qui risquent d’être purement et simplement engloutis par les eaux, s’ils ne se présentent pas au bas de la passerelle de l’Arche de Noé, à l’heure annoncée, en duo représentatif de chaque espèce animale.

En l’occurrence, c’est en compagnie des pingouins que les spectateurs du Petit St Martin sont conviés à interroger la problématique inhérente au Tout-Puissant.

L’existence de Dieu serait-elle réellement avérée et ferait-elle consensus ? Voilà, bel et bien un sujet de discussion pour nos trois pingouins, quelque peu égarés sur la banquise ou, à tout le moins, en déficit de communication avec le reste du monde.

Avant que la colombe n’intervienne pour leur proposer un sauvetage vital imminent en forme d’aller sans retour vers l’autre côté du miroir givré, ceux-ci ne peuvent se résoudre à envisager l’exclusion de l’un d’entre eux trois. Aussi, tels les mousquetaires, ils devront donc ruser pour faire admettre leur solidarité indissociable.

Juste décalés pour que ce spectacle devienne un subtil conte poétique, mais juste en phase avec la conviction d’être unis pour le meilleur de la condition humaine, les quatre comédiens bâtissent un jeu de rôles, à la fois candide et malicieux, les faisant naviguer sur les flots houleux de la tentation à capituler.

La réalisation joue avec les codes de la Comédie musicale, en accompagnant les voix chorales, d’une bande son pleine de ressources aptes à galvaniser les bonnes volontés.

La mise en scène met en exergue les valeurs de complémentarité, d’enthousiasme et de pugnacité qui, à terme, devraient permettre à l’espèce des pingouins de survivre aux adeptes du catastrophisme ainsi qu’à toutes les prophéties annonciatrices de cataclysmes.

Ainsi façonné, le talent des interprètes peut rencontrer un véritable état de grâce, les rendant accessibles autant à l’enfance qu’à la maturité du public, forcément conquis.

Theothea le 21/04/12

MONSIEUR IBRAHIM et les fleurs du Coran

de Eric-Emmanuel Schmitt

mise en scène: Anne Bourgeois  

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Théâtre  Rive Gauche  

Tel: 08 99 15 20 00 ( 1,35 + 0,34/mn)

 

          photo ©  Theothea.com 

      

L’affiche signée AnnSophie Lombrail est accrocheuse: Tel un saint en extase, Francis Lalanne, bras croisés, derrière des caisses d’agrumes, tenant dans chaque main une orange et un pamplemousse, visage au regard lumineux, emprunt de gravité, revient sur scène après Don Quichotte en 2000, Lorenzaccio en 2008 et Le visiteur en 2011, pour un nouveau rendez-vous avec le public au Théâtre Rive Gauche.

Or, cette salle de Montparnasse a trouvé un nouvel acquéreur en la personne de l'écrivain et dramaturge Eric-Emmanuel Schmitt qui souhaite en faire un haut lieu du spectacle vivant à Paris.

L’heureux directeur inaugure donc son nouveau Théâtre en convoquant Francis Lalanne pour interpréter « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran », texte écrit et créé en 1999 afin d’être joué spécifiquement par Bruno Abraham-Kremer.

Ce récit fait partie de ce que l’auteur a appelé « Le cycle de l’invisible », un ensemble de nouvelles après Milarepa, publié en 1997, avant Oscar et la Dame Rose, publié en 2002, et enfin L’enfant de Noé, publié en 2004.

Momo, diminutif d’abord de Moïse, puis de Mohammed, enfant juif de 13 ans, abandonné par sa mère, puis délaissé par son père qui se suicidera, reportera son affection sur l’épicier arabe du coin - arabe parce qu’ouvert de 8 H à minuit même le dimanche - lequel est perse (Ah ! La beauté du fameux croissant d’or !) et musulman soufie qui prêche et prône le parcours mystique, en l'occurrence une voie intérieure plutôt contemplative.

Celui-ci n’a de cesse de répéter qu’il sait ce qu’il y a dans son Coran et inculquera au jeune adolescent des principes de vie, en premier savoir sourire pour affronter les évènements et les gens.

Ce récit à la première personne, Francis Lalanne s’en empare avec un mélange de rouerie et de naïveté qui subjugue.

Dans le costume imaginé par Pascale Bordet, blouse grise sur pantalons velours trop courts et gros godillots, un bonnet en plus, petite astuce rajoutée pour incarner l’enfant, Francis Lalanne s’accapare des personnages; il est à la fois Momo et l’épicier, le père, la mère et les personnages secondaires avec lesquels il ressent leurs émotions, pleure ou rit, en totale empathie.

Tel un boxeur, très mobile, il passe d’un lieu à l’autre en fonction des différentes situations qu’il vit, dans le décor très subtil de Nicolas Sire divisé en trois partie, côté jardin, un fauteuil et un guéridon pour suggérer le salon paternel, côté cour, un paravent, sur lequel pendent quelques sous-vêtements féminins, symbolise la chambre de la prostituée chez qui Momo va faire ses premières expériences et enfin, au beau milieu, trône l’épicerie de Monsieur Ibrahim, matérialisée par trois caisses pleines de fruits.

Charismatique, avec la sensibilité à fleur de peau, Francis Lalanne jubile en parfaite complicité avec la mise en scène d’Anne Bourgeois. Sa voix très harmonieuse maîtrise ce texte qui s’apparente à une partition musicale.

Ce récit initiatique devient léger, et les propos, parfois un peu simplistes, tendant vers une caricature manichéenne des personnages et de leurs sentiments, s’envolent, nous touchent et nous emportent finalement comme Momo dans son envie de vie, d’amour et de lumière.

Pendant deux heures, Francis Lalanne occupe l’espace et ainsi, toujours en mouvement, sans aucun temps mort qui permettrait de respirer un peu, les rounds se succèdent, en époustouflant les spectateurs qui en sortiront conquis et ravis.

Cat.S / Theothea.com, le 03/05/12     

LE FILS

de  Jon Fosse

mise en scène: Jacques Lassalle  

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Théâtre de la Madeleine  

Tel: 01 42 65 07 09

 

          photo ©   Dunnara Meas 

   

Au bénéfice du doute, Jacques Lassalle s’empare du retour du fils prodigue sur le lieu du crime originel pour faire un tableau hyper réaliste du statu quo familial que l’écriture universelle de Jon Fosse ressasse à l’infini.

S’il fallait donner du sens à cette histoire de l’autobus qui, chaque jour à heure fixe, dessert ce hameau perdu au pied d’un fjord isolé de la côte Ouest Norvégienne, le père et la mère seraient les premiers à souhaiter qu’en redescende soudain, l’enfant de l’amour conjugal.

Dans la pénombre des nuits éternelles, en ces latitudes de l’extrême nord, la seule lumière qui vacille sans cesse au regard scrutateur, c’est celle de la maison du voisin qui, pour la journée en cours, est parti en ville.

Penser qu’en cet après-midi de clair-obscur, ce dernier pourrait ressortir du bus, en compagnie de leur fils, tiendrait du miracle indicible, après tant de mois de silence sans aucune nouvelle du rejeton.

L’attente permanente aurait des allures quotidiennes annonciatrices des jours heureux d’antan passés si vite, si celle-ci n’était subitement troublée par le chaos d’une annonce colportée dans le voisinage: « Leur fils aurait séjourné en prison ».

Tout est dit que déjà tu, alors que débarque le jeune homme suivi, de peu, du voisin dépositaire du terrible secret divulgué, à tort ou à raison.

Ainsi, tout est en place pour que la mise en scène Hitchcockienne de Jacques Lassalle se mette au service d’une direction d’acteurs en retrait de tout exhibitionnisme, puisque s’il fallait chasser le naturel, celui-ci reviendrait au galop dans le non-dit.

Catherine Hiegel, impériale dans l’indifférence aiguisée au coin d’un sixième sens, Michel Aumont, bonhomme dans l’affection retenue au risque de tout perdre, accueillent de concert, la petite musique lancinante de l’impossibilité à communiquer face à toute génération perdue.

Taiseux, le fils (Stanislas Roquette) revenu à l’instar d’un Théorème irrésolvable; trop bavard le voisin (Jean-Marc Stehlé) esquivant un règlement de comptes improbable; malheureux, enfin, les parents en attente d’une lumière du jour qui ne pourrait revenir qu’avec l’autobus de nulle part !

Pour un « non », pour un « oui », tout serait sur le point de basculer au fin fond du fjord mais voici, anticipé par l’intuition de l’inertie, que le cours du temps aurait déjà repris ses prérogatives occultes.

Theothea le 29/04/12

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