Les
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17ème
Saison
Chroniques 17.011
à
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LE PERE
de
Florian Zeller
mise en scène
Ladislas Chollat
|
****
Théâtre Hébertot
Tel: 01 43 87 23 23
|
Que lépoustouflant Robert Hirsch soit en pyjama rayé
façon bagnard ou en costume de ville, façon retraité
actif, le fabuleux rôle dAndré, taillé sur mesure
par Florian Zeller, est pris dans la tourmente dun quatrième
âge complètement marginalisé par la société
moderne.
Comme dans une descente aux enfers, lenjeu de la vieillerie serait
dêtre dépouillé peu à peu de tous ses
repères, de façon à ce que toute volonté
dautonomie se trouve engloutie dans un statu quo favorable à
labdication dune existence à part entière.
Cest ainsi que, profondément, le doute sinstalle dans
les esprits, le sien, celui de sa fille Anne (Isabelle Gélinas), de
ses proches alors quà chaque instant la mémoire
communautaire, même récente, pourrait être pris en
défaut, voire en flagrant délit de contradiction.
Est-ce que oui ou non, Anne lui aurait dit quelle envisageait de
sexpatrier à Londres ?
Comment se fait-il quil ne reconnaisse pas laide
ménagère avec qui il avait sympathisé
précédemment ?
A-t-il assurément des raisons tangibles de penser quon pourrait,
délibérément, lui soustraire sa montre ?
Puisque lauteur na pas lintention de résoudre
ces tourments qui, par effet de boomerang, simposent en objet de
questionnement au spectateur, ce dernier se trouve en situation de reconstituer
le puzzle problématique, selon limage virtuelle quil se
fait de normes sociables acceptables.
André, cet homme âgé et veuf, devrait-il donc être
pris en charge par sa fille ?
Celle-ci vit-elle encore mariée, divorcée ou en concubinage
? Bien entendu, son statut relationnel ne regarde quelle, à
ceci près que cette situation équivoque cache elle-même
tellement dautres ambiguïtés dans la vie quotidienne qui
se désorganise tout autour dAndré quon est en droit
de se demander si le vieil homme nest pas la proie de forces occultes
destinées à le dompter, voire plus si opportunités !
Pourquoi son appartement aurait-il pris les apparences de celui de sa
fille ?
Mais qui est, donc, ce beau fils qui paraît sêtre
installé dans la vie de celle-ci pourtant séparée de
son mari ?
Et puis, comment se fait-il que Louise, sa seconde fille tant aimée
ait disparu de leur environnement à tous ?
Ladislas Chollat, le metteur en scène suit lauteur, avec
respect intuitif, dans ce jeu de vraies-fausses pistes où chacun se
doit de remettre les pendules à lheure.
Mais au fait quelle heure est-il réellement ?
Serait-ce lheure des médicaments prêts à
anéantir tout réflexe de survie ou celle de renvoyer, cul
par-dessus tête, toute autorité malveillante à
légard dune subjectivité en souffrance ?
Non seulement Florian Zeller laissera chaque spectateur penser ce quil
veut de ce désarroi générationnel mais de surcroît,
il laissera lautorité médicale prendre le relais, à
la suite de la famille
. en une alliance objective et
complémentaire.
Alors, tout est bien qui finira bien, se dit-on !
Pas nécessairement car le tandem Zeller-Chollat, tout au long de
la pièce, a décidé, à juste titre,
dépouser implicitement le point de vue dAndré,
de telle façon que lempathie rejoigne le malaise ambiant
persistant
ce qui, en dautres termes, pourrait sintituler
« La mauvaise conscience collective » !
Theothea le 06/10/12
|
LE JOURNAL D'ANNE
FRANK
de
Eric-Emmanuel Schmitt
mise en scène Steve Suissa
|
****
Théâtre Rive Gauche
Tel: 01 43 35 32 31
|
Quand la passion sempare dun projet artistique, cela force
le respect et, si daventure ce projet concerne lun des récits
les plus lus au monde, cest forcément avec admiration sans
réserve que sapprécie le spectacle vivant qui sen
émane.
Lassociation du prénom Anne avec le nom Frank est à
jamais signifiant dune écrivaine de quatorze années ayant
témoigné de lindicible avec la considération
universelle davoir contribué à éclairer, au plus
haut point, la conscience humaine.
Cest donc pourquoi Eric-Emmanuel Schmitt souhaitait apporter sa
pierre à cet édifice patrimonial. Lopportunité
dun appel doffres lancé par les ayant droits permit à
lauteur de remporter leurs suffrages et de pouvoir satteler à
la tâche ambitieuse den moderniser la représentation
théâtrale.
Décidant alors den construire le scénario autour de
la figure du père dAnne qui, en remontant le temps, découvre
page après page, le journal de sa fille alors même que celui-ci
a fini par se résoudre à la perspective inéluctable
du non retour, le dramaturge va confier le rôle paternel à un
comédien ô combien emblématique à légard
de cette incarnation:
Francis Huster, puisquil sagit de lui, va en prendre la mesure
comme si sa propre destinée était en jeu, alors que bien des
accointances personnelles vont lui apparaître
dévidences.
Par ailleurs, en accord avec le metteur en scène Steve Suissa choisi
pour cette cause, lauteur devenu lui-même, entre temps, co-directeur
du Théâtre Rive-Gauche allait confier le rôle de la jeune
adolescente quétait Anne, à Roxane Duran,
révélation du film dHanneke, « Le ruban
blanc ».
Tout était ainsi en place pour quavec le décor de
Stéphanie Jarre, représentant lannexe de lAtelier
où étaient confinées trois familles juives
jusquà leur découverte et déportation en 44 par
les Nazis, lintensité théâtrale soit au cur
de lépreuve et de lémotion.
A chaque spectateur dapprécier, à laune de
lidée quil se fait du Journal dAnne Frank, la force
et la vérité du témoignage reproduit ainsi grandeur
nature, subjective et fictionnelle.
Néanmoins, le choix de montrer la promiscuité à travers
ses vicissitudes, ses ressentiments et autres exaspérations nest
pas forcément le meilleur moyen de transmettre le sentiment partagé
de lexclusion du reste du monde et celui dêtre au ban de
la société des hommes.
Alors que Francis Huster nous est apparu en retrait paradoxal du fil
conducteur thématique, en revanche Roxane Duran se place
demblée à la hauteur du mythe avec lensemble des
fragilités qui lui incombent.
En définitive, le spectacle, construit de manière très
cinématographique, est de bonne facture mais laisse une impression
dabstraction inachevée.
Theothea le 05/10/12
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QUE FAIRE DE MR.
SLOANE
de
Joe Orton
mise en scène Michel Fau
|
****
Comédie des Champs-Elysées
Tel: 01 53 23 99 19
|
Que faire de Mr Sloane ? La question reste ouverte mais ce quen
fait Michel Fau nous convient particulièrement; Certes le choix de
Charlotte de Turckheim pour interpréter le rôle de Kath était
osé mais savère très judicieux tant la
comédienne, encline à beaucoup dabnégation
vis-à-vis des apparences de son ego, va tirer son épingle
dun jeu en carré où la famille tuyau de poêle y
convoque le père, le frère et la sur.
Cest alors que va survenir une espèce de Théorème
Pasolinien quil va leur falloir résoudre chacun à sa
manière.
Pour le père (Jean-Claude Jay) bougon et empêcheur de tourner
en rond, cest clair: Cet étranger, venu de nulle part pour vivre
chez eux, est forcément un meurtrier en cavale.
Pour la sur, au-delà du locataire fournissant loccasion
de subsides à la famille, Sloane (Gaspard Ulliel), jeune beau gosse
est une opportunité à saisir sur le plan de la libido. Et comme
la denrée est rare pour Kath, cest peu de dire que celle-ci
va se jeter sur le jeune homme comme une furie, prête à toutes
les compromissions.
Pour son frère (Michel Fau), loccasion serait belle
également de lui mettre le grappin dessus, histoire dassouvir
lextravagance de son style de vie.
Cette situation tripartite ne va cesser de se dégrader, au vu des
tiraillements intéressés pour confisquer la proie, en exacerbant
toujours davantage les reproches, la médisance, la calomnie dans une
atmosphère de perfidie et de traîtrise hilarante.
Chacun des rôles en prendra pour son grade alors même quau
fur et à mesure, les détritus de la décharge voisine
envahiront peu à peu la perspective, ô combien
théâtrale, de cette famille.
Métaphore au sein de la parabole, le ton de la pièce est
une sorte de patchwork où les bons sentiments côtoient les pires
noirceurs que lhumanité ne peut assumer.
A ce stade de la transgression du vocabulaire et du bon goût,
lauteur apparaît comme un poisson dans leau; ce qui donne
à Michel Fau, toute latitude en tant que metteur en scène mais
surtout comme interprète pour savoir aller jusquoù,
normalement, il ne faudrait pas aller.
Cela touche tout simplement au génie, mais çà on
le savait déjà et cest donc cartes sur table que Michel
Fau abat son jeu fantasque sur les planches de la Comédie des
Champs-Elysées.
Theothea le 11/10/12
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LA DERNIERE BANDE
de
Samuel Beckett
mise en scène Alain Françon
|
****
Théâtre de l'Oeuvre
Tel: 01 44 53 88 88
|
Sil suffisait, au théâtre, davoir une voisine
de devant qui ne tienne pas en place, pour se sentir en porte à faux
avec une représentation exigeante, il pourrait être aisé
de justifier un sentiment de malaise à lécoute de la
dernière bande de Beckett, dupliquée par Alain Françon
selon les didascalies très strictes de lauteur.
En effet, écouter la voix de Serge Merlin, durant la majorité
du temps de représentation, au travers de lenregistrement dun
magnétophone trônant en véritable partenaire sur les
planches du Théâtre de lOeuvre, en présence du
fameux comédien fulminant contre le jeune Krapp, prétentieux
et imbécile quil juge avoir été au diapason des
propos restitués par la machine, pourrait se transformer en
véritable souffrance du spectateur lui-même, tant
linsatisfaction semble prendre le pouvoir, pendant ces instants de
spectacle vivant, suspendus en abîme.
Bien entendu, face à un tel dilemme critique, il est nécessaire
de faire la part des choses :
Le metteur en scène, tellement subtil par ailleurs, ne peut être
tenu responsable du respect absolu des directives imposées à
sa direction dacteur.
Ce dernier ne peut, lui-même, être fautif de pousser dans
leurs retranchements, toutes les zones dombre autodestructives que
son rôle dobservateur intransigeant ressent instinctivement face
au jeune présomptueux quil prend en flagrant délit
davoir été.
Alors, question dintonations insupportables, question de propos
mythomanes, question dimbécillité de la jeunesse seraient
partie prenante dune interprétation, forcément
ambivalente.
Oui mais, dans cette perspective, quel être censé ne se
reconnaîtrait-il pas dans ce retour sur les origines improbables du
talent, quel quil soit ?
Aussi, dans le mal-être présent, il doit y avoir dautres
facteurs de gêne et daccablements venant interférer avec
la thématique du « On ne peut pas être et avoir
été » prise à contre-pied.
Serait-ce, donc, cette voisine incapable de maintenir son corps en état
dattention soutenue qui parasiterait le champ visuel nécessaire
à lempathie scénographique ?
Peut-être, en tout cas: « Yes, I cant get no
satisfaction ».
Serait-ce, ainsi, que le point de vue du spectateur rejoindrait celui
de lacteur
. de toutes évidences, pour de mauvaises raisons
?
Theothea le 08/10/12
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LA FAUTE D'ORTHOGRAPHE
EST MA LANGUE MATERNELLE
de
Daniel Picouly
mise en scène
Marie Pascale Osterrieth
|
****
Théâtre Tristan Bernard
Tel: 01 45 22 08 40
|
Quel beau présage de sêtre produit cet été
à « la Chapelle du Verbe incarné » à
Avignon pour un homme amoureux des mots et de la langue française,
lancien enseignant devenu écrivain reconnu est donc
aujourdhui au théâtre, cette fois sur la scène
du Tristan Bernard à Paris.
Tel un griot, Daniel Picouly est certes plus un raconteur dhistoires
quun comédien à part entière, et, devant un tableau
noir, il égrène ses souvenirs tirés dun texte
autobiographique « la faute dorthographe est ma langue maternelle
» mis sobrement en scène par Marie-Pascale Osterrieth.
Comme la chanté Alain Souchon « J'ai dix ans-
Je sais que c'est pas vrai mais j'ai dix ans - J'ai dix ans - Je vais a
l'école et j'entends
», lenfant Picouly se projette
dans son école primaire de la fin des années 50
« debout sur le bureau, les mains sur la tête, un cahier
accroché autour du cou » et il entend linstituteur
remplaçant qui, outré par le nombre de fautes dorthographe
jusquà 26 fautes ¾ dans une même dictée lui
jettera un dédaigneux « il faut être bête
à manger du foin ».
Ce qu'il ignore ce maître d'école, c'est que la mère
du petit Daniel fait aussi beaucoup de fautes. Dans l'esprit de l'enfant,
le professeur vient d'insulter sa mère. De cette humiliation, Daniel
Picouly tire son envie de revanche, sa rage décrire pour laver
les affronts faits à sa famille déjà exposés
dans « Le Champ de personne (1995) » dans lequel
lauteur décrit son enfance à Villemomble, avec beaucoup
de tendresse et de truculence, son père ouvrier dorigine
martiniquaise, sa mère et les treize enfants.
Donc pour son one man show, dans une décor en image projetée
de salle de classe avec pupitres, planisphère, planche anatomique,
quelques mots danglais au mur, (Décors de Pierre-François
Limbosch - Lumières de Laurent Castaingt), Daniel Picouly va donner
une conférence et répondre aux questions des élèves
qui tardent à arriver.
Et voilà ladulte, devant une chaise géante, symbole
du pouvoir du maître, qui se rappelle comment une humiliation subite
peut insuffler lenvie de tuer son instituteur, comment on attend la
cloche de la récré salvatrice.
Son esprit vagabonde au gré des souvenirs, telles des madeleines
de Proust, auteur quil sest mis à lire pour impressionner
une fille, laquelle restera insensible, mais pour lui ce fut une belle
avancée dans le monde merveilleux de la littérature.
Daniel Picouly que lon appelle parfois Daniel Piccoli ou même
carrément Michel, linverse nétant jamais le cas
car on ne peut pas confondre le grand comédien avec lui, occupe bien
la scène, sait donner de la vie à son enfance avec ses soldats
Mokarex ou ses Dinky toys.
Son langage clair, précis est imagé. Il a en outre lart
de la formule « On doit écrire en amant et se relire en
mari ! » et, avec sa voix douce et chantante, il distille
humour, sincérité et émotion.
Comme le professeur quil fut pendant de nombreuses années
se tenant sur une estrade face à des écoliers, Daniel Picouly
se retrouve aujourdhui sur lestrade théâtrale face
à un public qui apprend pourquoi il dit « la faute
dorthographe est ma langue maternelle ».
Chapeau bas davoir osé le seul en scène pour celui
qui, parce quil était nul en orthographe, et dont la maman faisait
beaucoup de fautes, est devenu écrivain et a été
récompensé par le prix Renaudot pour "L'Enfant léopard"
(2000). Loffense reçue comme une gifle est effacée, les
blessures se sont refermées sur léducation et la
transmission, la rage sest muée en joie de vivre.
Cat.S / Theothea.com, le 06/11/12
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