Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

17ème  Saison     Chroniques   17.016   à   17.020    Page  305

 

                             

        

                 

   

         

            

     

65ème Festival de Cannes 2012

sous ondée crépusculaire

   

Les Molières 2012

Point de vue de Theothea

   

R E V I V A L

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JULIE DES BATIGNOLLES

de Pascal Laurent

mise en scène  Eric Metayer

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Théâtre La Bruyère

Tel:  01 48 74 76 99

 

           photo ©  Lot  

                     

Avec sa Julie, Eric Métayer a concocté une sorte de thriller recomposé à la manière des familles d’aujourd’hui en invitant à sa mise en scène, à la fois son fils Kevin en même temps que la mère de celui-ci Viviane Marcenaro, mais sans s’y attribuer lui-même de rôle.

A l’instar des tontons flingueurs, c’est la tatche qui va en faire le régal; en effet, à la manière de Michel Audiar, Pascal Laurent a ciselé des répliques à l’emporte-pièce qui pourraient faire date.

Bien entendu, cette petite réunion des familles va tourner au vinaigre, car cette bande de pieds nickelés, fussent-ils que trois, réfugiée dans un cabanon de chasse après un rapt improvisé, va trouver son acolyte en un représentant de la maréchaussée peu scrupuleux mais tout aussi rocambolesque.

Le parler parigot des faubourgs en pimente la dégaine ad hoc, style années 50 revisitées vintage alors que

çà fuse dans tous les sens autour de Julie ne s’en laissant pas conter pour autant et qui, pour une kidnappée de pacotille, affiche un sacré répondant.

Les cinq comédiens excellent ainsi à se cantonner dans des portraits parodiques de malfrats à la petite semaine rappelant les polars en noir et blanc de la grande époque et permettant ainsi à Eric Métayer d’effectuer au Théâtre La Bruyère un fondu enchaîné très cinéphile entre « Les 39 marches » et sa « Julie des Batignolles ».

Theothea le 11/10/12

CHER MENTEUR

de  Jean Cocteau 

mise en scène  Régis Santon

****

Théâtre La Bruyère

Tel: 01 48 74 76 99  

 

           photo ©  Lot  

                 

«  Cher menteur » est une charmante déclaration d’amour du célèbre dramaturge irlandais George Bernard Shaw pour une grande comédienne britannique Stella Campbell, adaptée par Jérôme Kilty (décédé à 90 ans le 6 septembre 2012) sous la forme d’une correspondance entretenue par les deux artistes pendant plus de quarante ans, du début du 20ème siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, 1940, date de la mort de Stella Campbell.

Dans un décor scindé en deux, côté jardin, une coiffeuse à miroir ovale et paravent, côté cour, un somptueux écritoire, nos deux monstres sacrés échangent des lettres pleines d’humour et d’esprit. Finement campés, dans cette mise en scène signée Régis Santon, par Francine Bergé et Marcel Maréchal, élégamment vêtus, leur face à face spirituel est souvent doté de réparties malicieuses et parfois pleines de dérision.

L’émotion vient au fur et à mesure du vieillissement de leurs relations. Au commencement, un simple échange de lettres entre un homme et une femme, Bernard Shaw est déjà adulé et écrit pièce sur pièce, Stella Campbell est une comédienne aguerrie, exubérante et exigeante. Le duo se perdra de vue, parfois pendant de longues années, l’amour réciproque des planches les ramèneront sur scène, lui tentera de la convaincre à accepter le rôle principal dans Pygmalion, pièce écrite spécialement pour elle, alors qu’elle a deux fois l’âge de l’héroïne. Elle se fait attendre, refuse, cabotine, il persiste, elle acceptera.

Fascination et séduction réciproques alimentent cette relation qui, au fil des années, se teinte d’amertume pour mieux s’enflammer. Au cours des ans, Stella Campbell perdra de sa superbe et, manquant d’argent, voudra vendre la correspondance du dramaturge. Il refusera pensant que son image en pâtirait.

Dans cette pièce de théâtre, beaucoup d’amour, de tendresse et parfois, la colère, un ton féroce mais toujours jubilatoire, la dérision et la causticité moqueuse de Stella face à l’esprit goguenard du « clown Joey » comme elle le surnommait.

Devant nous, la subtile Francine Bergé, sensible et juste, nous émeut toute en élégance, changeant de costumes au gré des période de sa vie. Elle se joue du bon bougre de Bernard Shaw interprété par un Marcel Maréchal malicieux au possible, trébuchant parfois sur les mots mais son regard espiègle et son humanité l’excusent pour ces imprécisions.

Il faut prendre le temps de glisser dans les interstices d’une telle intimité comme si le spectateur était un voyeur, d’abord en retrait, qui oserait petit à petit s’infiltrer dans leur relation et s’absorberait de leur épanchements verbaux pour fusionner avec eux.

La séduction s’opère au fil de la pièce et nous serons vraiment touchés quand, au final, Stella, au crépuscule de sa vie, dans un magnifique abandon, ôtera sa perruque blonde toute bouclée pour laisser éclater sa chevelure courte argentée. Un superbe geste pour saluer une vie fabuleuse qui s’achève.

Cat.S / Theothea.com, le 23/10/12     

LA ROSE TATOUEE

de  Tennessee Williams 

mise en scène  Benoît Lavigne   

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Théâtre de l'Atelier

Tel: 01 46 06 49 24

 

   photo ©  Emmanuel Robert Espalieu   conception graphique: Kevin Boyer     

                  

En dirigeant 13 comédiens sur la scène du Théâtre de l’Atelier, il fallait avoir le goût du défi et apparemment, Benoît Lavigne n’en est pas dénué.

Deux couples séparés par une génération vont se partager l’empathie du public: Serafina & Alvaro ainsi que Rosa & Jack. L’une est couturière et mère de la seconde, celui-ci marin alors que celui-là est camionneur.

Avec Tennessee Williams comme on le sait, les rencontres passionnelles ne sont jamais très éloignées de la chaleur moite de la Nouvelle-Orléans.

Aussi, avec de surcroît du sang sicilien, la flamme risque d’être volcanique et comme Cristiana Reali est habituée à camper ce genre de passionaria exubérante, c’est avec délectation que sont attendues ces scènes d’anthologie sensuelle dans laquelle la belle apparaît toujours avec la fougue d’une Carmencita.

Et puis, comme l’adage telle mère, telle fille doit forcément être respecté, l’apparition de Léopoldine Serre s’avère aussi cohérente que révélatrice de son jeune talent, plein d’exaltation et de pétulance à ravir son joyeux partenaire, le sympathique Martin Loizillon.

Bref, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes amoureux, si le mari de Serafina et donc père de Rosa n’était pas le réel catalyseur de l’amour familial originel qui régnait entre eux trois et c’est donc, parce que celui-ci va être assassiné, que les cartes de la libido vont être redistribuées après le temps du deuil.

Faisant jouer la drôlerie, la dérision et l’espièglerie en contre-emploi de la colère feinte et autres fulminations décalées, la veuve va mener, tant bien que mal, son monde à sa main, en tentant, notamment, d’imposer à sa fille un comportement vertueux forcément hors d’atteinte.

Les huit autres comédiens assurent, autour des deux duos amoureux, une présence chorale aussi surréaliste que l’histoire elle-même, en incitant les quatre partenaires à composer, au mieux, avec la fantasmagorie.

Fortuitement, une rose tatouée sur le sein de Sefarina lui apparaîtra en des circonstances quasi miraculeuses et c’est sans doute, à ces signes du ciel bien interprétés, que devraient se soumettre la destinée de l’Amour.

Oui; à l’évidence, Cristiana Reali a vraiment quelque chose de Tennessee, il s’appelle Rasha Bukvic.

Theothea le 16/10/12

LE GROS, LA VACHE ET LE MAINATE

de Pierre Guillois

mise en scène  Bernard Menez

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Théâtre Comédia

Tel: 01 42 38 22 22

 

                photo  ©  David Siebert

     

Après avoir résidé au Rond-Point en début 2012, voici que le trio improbable, le fameux gros accompagné d’une vache et d’un mainate s’installe au Comedia jusqu’aux fêtes de fin d’année.

A la surprise près, l’engouement est intact, tant le jeu des comédiens est surréaliste, c’est-à-dire tout à la fois poétique et totalement transgressif.

D’ailleurs, même si le mainate ne s’envole plus devant la salle ébaubie, son absence fait place à une simulation parodique, tellement raccord avec l’hallucination collective, que le délire de Jean-Paul Muel apparait toujours plus vrai que nature.

Avec son comparse Pierre Vial, le duo n’en finit jamais de pousser le bébé encore plus loin au-delà du politiquement correct mais les rails tracés par l’auteur-metteur en scène Pierre Guillois sont tellement bien balisées que toute la troupe évolue sur un nuage inaccessible à la moindre polémique.

Spectacle culte, s’il en fut, emmené par un Monsieur Loyal déguisé en Bernard Menez, cette opérette barge a tout d’une grande fable outrancière bien qu’inénarrable sur la destinée humaine.

Theothea le 14/10/12

Au Théâtre du Rond-Point en février 2012 :

"Le Gros, la Vache et le Mainate " Tout simplement cultissime !

     

LES DERNIERS JOURS DE STEFAN ZWEIG

de  Laurent Seksik 

mise en scène  Gérard Gélas

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Théâtre Antoine

Tel: 01 42 08 77 71

 

           photo ©  Bernard Richebe    

                   

Poursuivis dans leur exil au Brésil par les fantômes des nazis développant toujours davantage leur emprise destructrice sur le monde, Stefan et Lotte ont trouvé refuge à Petropolis, en cette année 1942, dans un appartement en location temporaire.

Lors de ces derniers jours qu’il leur reste à vivre, le roman et la pièce de Laurent Seksik se rejoignent en un tableau de clinique psychiatrique où la non assistance en personnes en danger serait imputable à la fuite épuisante du repliement sur soi… celui de Stefan décourageant tout contact avec autrui.

En effet, quelles que soient les tentatives de Lotte pour lui transmettre son désir de vivre leur passion amoureuse sans laisser prise à l’angoisse existentielle les taraudant jusque dans leurs retranchements, tout va se passer comme si la mauvaise conscience du réfugié politique les harcelait à l’instar de l’œil pourchassant Caïn jusque dans l’obscurité de la tombe où celui-ci s’était retranché.

C’est, bel et bien, la dépression qui travaille le corps et l’esprit de Stefan Zweig qui, au vu des informations internationales, réussissant à parvenir jusqu’à eux, abandonne peu à peu l’idée que le cours des évènements puisse se renverser en son contraire.

L’acuité exigeante de son analyse géopolitique a même fixé, précisément, que lorsque Singapour tomberait sous l’avancée allemande, le signal de la phase finale irréversible serait atteint.

L’écrivain est donc, désormais, déterminé à en finir avec cet ersatz de bonheur à deux, impossible à partager sous les calamités du bannissement mondial.

Lotte qui, tout en étant fragilisée par ses crises d’asthme, respire profondément la joie de vivre, est effondrée par cette perspective ultime et se résoudra, dans un premier temps, à fuir le lieu du drame à venir.

C’est, sous la vigilance bienveillante de Gérard Gélas, qu’Elsa Zylberstein et Patrick Timsit habitent ces deux rôles romantiques à souhait, en incarnant l’impossibilité psychique du bonheur individuel lorsque celui-ci est confronté au concept de désolation universelle.

Lui, taiseux et soucieux, elle, enjouée et volubile, semblent lancés sur une trajectoire perdue d’avance car la lutte menée, en tâche de fond à leur insu, entre les pulsions de vie et les pulsions de mort, est un combat symbolique dont-ils ne possèdent, ni l’un ni l’autre, les clefs de l’éventuelle distanciation.

A apprécier avec l’âme d’une tragédie grecque.

Theothea le 15/10/12

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