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SOLNESS LE
CONSTRUCTEUR
de
Henrik
Ibsen
mise
en scène
Alain
Françon
|
****
Théâtre de la Colline
Tel
01 44 62 52 52
|
|
photo © Elisabeth
Carecchio
|
Si une pièce de Théâtre devait être un jeu de
rôles dont le titre éponyme serait celui de son personnage
catalyseur, le « Solness » dHenrik Ibsen pourrait
aisément être rebaptisé
« Hilde »
sous la mise en scène dAlain
Françon, de retour à la Colline
en invité
exceptionnel.
Ainsi, revenant, comme un boomerang, dans la vie du grand constructeur,
dix ans après que celui-ci ait fait à la petite princesse cette
promesse hasardeuse de lui offrir un château, alors nayant eu
cesse depuis de penser à son dû, la jeune femme sest
désormais mise en quête dobtenir son cadeau !
Sattachant davantage à lutopie de construire un
château dans les airs, à lintention de cette fée
sortie de nulle part, Alain Françon, de toutes évidences, est
enclin à privilégier cette perspective mégalomaniaque
plutôt quà ressasser le profond sentiment de culpabilité
familiale intégrée par larchitecte.
En effet, puisque de toutes façons, on ne peut bâtir que
sur des cendres, quimporte les dégâts collatéraux
de lincendie domestique ainsi que les jumeaux morts dans la fournaise,
cest le talent de créativité qui doit être exalté
et même se surpasser devant le charme, la séduction et
lensorcellement du lutin, devenue femme (Adeline DHermy) !
Quimporte la neurasthénie chronique et castratrice de son
épouse (Dominique Valadié) tentant de ramener à leur
logique rationnelle les objectifs professionnels de son mari (Wladimir
Yordanoff), celle-ci lincite à se méfier, en priorité,
de sa propension au vertige.
Quirait-il donc escalader cette tour immense pour y déposer
une couronne, sil devait effectuer ce défi glorieux au prix
de sa vie ?
Pourquoi se méfier dune supputée concurrence de la
jeunesse associée à ses travaux constructifs si cest
pour tomber dans le panneau destructif de celle qui vous préfèrerait
suicidaire plutôt que vigilant ?
De cette fable métaphorique sur la toute puissance du rêve
indispensable à la nature humaine ou de sa réciproque le
cauchemard, Alain Françon ajoute à la fine analyse comportementale
dIbsen, la subtilité des sentiments et ressentiments à
fleur de peau dont ses acteurs exacerbent la plaie grande ouverte
à
lamour autant quaux vents mauvais !
Theothea le 07/04/13
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MEDEE
de
Pierre Corneille
mise en scène
Paulo Correia
|
****
Théâtre de la Tempête
Tel
01 43 28 36 36
|
Le moins que lon puisse dire est que la Médée de Pierre
Corneille, revue et adaptée aux technologies contemporaines par Paulo
Correia, ne laisse pas indifférent et aurait même tendance à
radicaliser les points de vue critiques.
Sans vouloir renvoyer, a parité, les uns et les autres à
leurs subjectivités partisanes, une étrange impression nous
donnerait aisément lillusion de pouvoir défendre, tour
à tour, chacune de ces thèses antagonistes.
En effet, opposer la force et lauthenticité du texte dans
sa perspective traditionnellement théâtrale davec une
scénographie numérique sinspirant de
lhéroïc fantasy est quasiment impossible à
résoudre.
En contrepartie, il nous semblerait nécessaire de considérer
ce spectacle comme une création originale trouvant son identité
artistique dans une dimension inexplorée jusque-là.
Dun côté, le mythe de Médée a
été, maintes fois, modélisé de manière
multiple et complexe mais, par ailleurs, lart cinématographique
a développé le goût et la fascination à
légard des contes fantasmagoriques, cest pourquoi la
Médée interprétée par Gaële Boghossian aurait
pu constituer un essai de synthèse surnaturelle au royaume du virtuel
mais elle pourrait, également, être bien davantage quune
des reines tragiques de la destinée en se hissant jusquà
lincarnation universelle dune humanité en plein désarroi
existentiel !
Seule alors, lintuition du spectateur serait en mesure de rivaliser
avec les intentions visionnaires du metteur en scène, tout en rendant
à Corneille ce quil a de commun avec Sénèque,
à savoir le fil conducteur de la Tragédie, symbolisé
par le verbe.
Le Théâtre de la Tempête a osé affronter ce
défi métaphorique; que celui-ci soit apprécié
selon sa haute valeur transgressive !
Theothea le 02/04/13
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DIS-MOI OUI
de
Louis-Michel
Colla
mise
en scène
Eric
Laugerias
|
****
Théâtre des Mathurins
Tel 01 42 65 90
00
|
Entre la Gaîté-Montparnasse et les Mathurins, la valse des
comédiens autour dEric Laugérias se sera accomplie au
gré dune mise en scène reprise en mains par lui-même,
faisant passer le spectacle initialement de 80 minutes à quasiment
deux heures, lors des dernières.
Dans cette version finale, cest sur mesure que le plébiscite
public se sera élaboré, grâce à
létablissement dun véritable jeu de rôles,
apparemment stéréotypés mais relevant en fait dune
pérégrination de Pieds nickelés se prenant tour à
tour dans le tapis de fausses bonnes solutions, face à la
spontanéité des prises de tête, en boucle
récurrente.
Eric Laugérias a le don pour faire ressortir les intuitions
contradictoires de chacun des membres du quatuor imaginé par Louis-Michel
Colla, au point de se transmettre le mistigri de lun à
lautre, sans jamais faillir à la fallacieuse vraisemblance de
situations rocambolesques se déroulant en vase clos dans une improbable
chambre de sixième étage.
Au sein dun sac de nuds relationnels engendrés par
beaucoup de mauvaise foi sincère, chacun en prendra pour son grade,
fût-il comme Dédé fonctionnaire de police
expérimenté mais bel et bien tout aussi maladroit que ses trois
autres partenaires de jeu, Vincent, Marie & Liliane.
Du début à la fin du show, les spectateurs pouffent de rire,
sans jamais pouvoir appuyer sur « pause », car ce diable
de Laugérias en connaît tellement la mécanique quil
ne laisse à personne, que ce soit sur scène ou dans la salle,
le soin de choisir celui de la bande des quatre qui pourrait être
amnistié
pour circonstances atténuantes.
Le grand ordonnateur affole le tournis de la mauvaise conscience, celle
qui précisément a tout faux, dans une justesse tellement
remarquable que les saccades de rires pourraient ne jamais se conclure,
même au-delà de la représentation
tout en laissant
des traces de fous rires indélébiles dans limaginaire!
Theothea le 29/03/13
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LA MAISON D'OS
de
Roland Dubillard
mise en scène
Anne-Laure Liégeois
|
****
Théâtre du Rond-Point
Tel
01 44 95 98 21
|
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photo © Christophe Raynaud de
Lage
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Cest bien entendu pour Pierre Richard que le spectateur se décide
dassister à une représentation de « La Maison
dos » et cest, en définitive, Roland Dubillard
quil découvre ou, mieux, redécouvre mais cest surtout
la réalisation dAnne-Laure Liégeois qui fera lien avec
cet auteur, dit vivant, car cest effectivement quelque temps avant
sa disparition que la metteuse en scène décidait de porter
sur les planches du Rond-Point ce texte écrit et interprété
par Dubillard lui-même, en 1962.
Ainsi, comme si la boucle devait se refermer sur le corps de lartiste,
un demi-siècle plus tard, les os craquent de partout chez ce clone
du Maître faisant écho à lautre clown, maître
du destin !
Ni lun ni lautre nauront de réponse
métaphysique à émettre par-delà les contingences
du langage mais lun et lautre semploieront à
disséquer celui-ci au plus près de toutes les associations
libres et autres contradictions rhétoriques.
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photo © Christophe Raynaud de Lage
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Forte de ses trois pôles décriture privilégiés,
« Amour, « Pouvoir » et
« Mort », Anne-Laure imagine leur centre de gravité
scénographique, à linstar du Grand escalier dune
revue de Music Hall, de telle façon que lantihéros puisse
se poser la seule question qui vaille en ce bas monde :
« Lai-je bien descendu ? ».
Cest, dailleurs, avec une véritable armée de
domestiques laidant à passer de vie à trépas,
que lauteur va tenter de noyer le poison instillé par la
société, celui qui consiste à passer sans cesse de la
plus détestable servitude à celle du cynisme absolu rendant
compte, à eux seuls, des vicissitudes de la nature humaine, de toutes
évidences, en plein désarroi avec elle-même !
En jouant le jeu du pur Esprit, Pierre Richard donne la réplique
dialectique à ses quatre partenaires se décomptant en autant
de valets de tragi-comédie quil pourrait y avoir
dinterrogation problématique sur la survivance de soi.
Theothea le 14/04/13
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TORQUATO TASSO
de
Johann
wolfgang von Goethe
mise
en scène
Guillaume
Delaveau
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****
Théâtre des Amandiers
Tel 01 46 1470 00
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visuel affiche (haut) & photo (bas) ©
Pascal Gély
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Ce texte de Goethe, adapté en français par Bruno Bayen,
est avant tout un plaidoyer pour lartiste à exercer son droit
à susceptibilité dans son domaine de prédilection, de
façon à pouvoir gagner en indépendance ce qui, pour
un Oui ou pour un Non, pourrait lui être soustrait par lInstitution
ombrageuse.
Ainsi, la réalisation de Guillaume Delaveau, cherche à illustrer
que, ce qui peut permettre au talent de sépanouir, pourrait
en même temps se révéler être le nud gordien
qui en étouffe la créativité, dès
lorigine.
Dans la salle modulable des Amandiers, les six comédiens
sexercent donc à dualiser lémergence de
luvre dArt en rendant compte de la civilisation dont elle
est porteuse, tout en subissant de plein fouet les contradictions
schizophrènes de son élite, fort partagée sur le
bien-fondé de sa participation et, a fortiori, de ses éventuelles
subventions !
Ceci dit, le reproche qui pourrait être adressé à
la mise en scène serait celui dinstrumentaliser le texte, en
ayant recours à des pléonasmes scénographiques, certes
symboliques, mais qui ont une fâcheuse tendance à souligner
ce qui pourrait être entendu sans fioritures et dans une bien plus
grande abstraction.
Toutefois, la japonisation du décor renforce, à juste titre,
lhypersensibilité règnant en maîtresse sur le plateau
et cest donc, dans lexacerbation des détails qui interpellent,
des nuances qui frappent limaginaire et des lumières qui frisent
les jeux dombres que le spectateur se trouve en proie au doute
réconfortant son appréciation vigilante - Surtout ne pas prendre
des vessies pour des lanternes !
Theothea le 15/04/13
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