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Les    Chroniques   de

  

24ème  Saison     Chroniques   24.11   à   24.15    Page  452

 

     

     

       

                   

                 

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FUNNY GIRL The Broadway Musical

« Funny Girl »  La prodigieuse Fête du Théâtre Marigny

   

livret Isobel Lennart  /  direction musicale James McKeon      

mise en scène  Stephen Mear 

avec Christina Bianco, Ashley Day, Rachel Stanley, Matthew Jeans, Mark Inscoe, Ashley Knight, Shirley Jameson, Jessica Buckby, Isabel Canning, Joanna Goodwin, Jinny Gould, Jennifer Louise Jones, Jessica Keable, Billie Kay, Gabby Antrobus, Emily Ormiston, Matthew John Gregory, Ben Oliver, Oliver Tester, Emma Johnson & Josh Andrews

****

     

Théâtre  Marigny 

   

©  Julien Benhamou

Cette « drôle de fille » se présente 55 années après sa création au Winter Garden de New York telle une sorte de quintessence de La Comédie musicale façon Broadway ayant comme thématique la vie romancée de Fanny Brice, une des artistes fleurons des « Ziegfeld Follies », revues où celle-ci parada de 1920 à 1935 sous la baguette de l’imprésario éponyme ayant pignon sur le show-business de l’époque.

Mais de plus cette fabuleuse performeuse, elle-même belle-mère du producteur Ray Stark, aura su, de par sa vie intrépide, sa faconde et son charisme, inspirer à celui-ci la magie créatrice d’une destinée d’artiste générée entre ambition démesurée, vie amoureuse non négociable et imaginaire fantasque ainsi que motiver son gendre à réunir tous les savoir-faire de pointe rivalisant, se contrariant et se neutralisant (tels Isobel Lennart, Jérôme Robbins, Jule Styne, Stephen Sondheim …) pour finir par faire éclore un diamant maintes fois retaillé à l’aune et à l’aura de Barbra Streisand.

Et voici donc qu’un demi-siècle plus tard, débarque au Théâtre Marigny, en provenance directe du cœur nucléaire de Manhattan, la perle attendue impatiemment, cette fois-ci, par le Vieux-monde pourvu qu’elle soit effectivement à hauteur de Légende… celle dont désormais tout Paris va se vanter de la reconnaître Star : « Christina Bianco ».

D’abord la voix, déjà rien que la tessiture est à se pâmer, ensuite l’énergie en rouerie est à se confondre en diablesse sous les multiples ressorts du Musical et surtout le volontarisme effréné se mue à vue en don de faire coïncider et superposer le vécu d’avec le ressenti.

Enfin sa taille moyenne est comme un « drôle » de pied de nez métaphorique à tous les « grandes » qui l’entourent sur scène au prorata de leur admiration chorale.

Voici donc au Marigny que s’incarne en live La "Classe" à envergure de bonne humeur, de burlesque et de savoir d’instinct où les ondes positives doivent la diriger.

Si dans le film qui couronna quatre ans plus tard l’avènement du Musical alors que Barbra Streisand y obtenait son premier Oscar en faisant couple fort prisé avec Omar Sharif, c’est aujourd’hui un euphémisme que d’annoncer Ashley Day en formidable faire-valoir de sa prestigieuse partenaire mais surtout en Nick Arnstein, magnifique gentleman escroc poursuivant jusqu’à la prison, ses chimères de réussite sociale et financière, tout en assurant à l’amour passion le rôle que chacun est enclin à lui envier.

Une vingtaine de comédiens, danseurs, chanteurs les accompagnent dans ces tribulations où l’ambition se dispute autant le show que le business alors que sous l’auspice de l’orchestre du Théâtre Marigny superbement dirigé par James McKeon, les chorégraphies du metteur en scène Stephen Mear associé à Joanna Godwin & Stuart Winter enchaînent les tableaux séquencés dans un tourbillon tonique de couleurs et de sourires communicatifs au rythme des « tubes » de Jule Styne, tels que « People », « I’m the greatest Star » ou encore le fameux « Don’t Rain on my Parade » se dupliquant en reprise.

Lyrics comme livret se conjuguent alors selon une interprétation sous version originale sur-titrée en français dont il est préférable de prendre connaissance globale avant la représentation de façon à ne pas être contraint de varier son champ visuel en une alternance focale fastidieuse.

Après « Peau d’Âne » ayant inauguré cette nouvelle ère haut de gamme du Théâtre Marigny sous la direction éclairée de Jean-Luc Choplin, « Guys and Dolls » ayant ensuite affiché son diapason en quête de Musical exigeant, « Funny Girl » agit désormais comme un lâcher-prise magique, frénétique et ô combien festif.

Theothea le 11/11/19           

     

     

©  Julien Benhamou

     

ROUGE

« ROUGE » en Quintessence pigmentée par Niels Arestrup au Montparnasse

   

de John Logan / Jean-Marie Besset   

mise en scène Jérémie Lippmann

avec  Niels Arestrup & Alexis Moncorgé 

****

     

Théâtre Montparnasse

   

Affiche Photos  ©  Martin Colombet / Astrid Jamois

             

ROUGE tel est le titre de la pièce proposée au Théâtre Montparnasse ; Rouge telle est la couleur de son affiche qui n'est ni celle d'un manifeste révolutionnaire, ni la flamme d'un drapeau, emblème de la révolte ouvrière. Ici, on ne verse pas le sang, on ne brandit pas le poing en signe de protestation sociétale.

Non, ici, l'arme levée dans l'échancrure d'une déchirure est celle du pinceau d'un peintre qui a combattu toute son existence pour imposer une conception absolue de l'Art où la couleur devient la substance même du tableau.

D'entrée de jeu, l'éclat éblouissant du Rouge va envahir la scène. Dans l'immense atelier new-yorkais de Mark Rothko où s'amoncellent les pots de peinture et les toiles entreposées (saisissant décor signé Jacques Gabel), un panneau de grand format dégringole du plafond par le truchement de poulies.

Le peintre, élégamment vêtu de noir, se met à arpenter l'espace, s'arrêtant, reculant devant le tableau qu'il ausculte, observe, tout en tirant rageusement sur une cigarette.

Soudain, il se tourne vers le public et le harangue en le fixant droit dans les yeux. Le spectateur, pris à témoin, devra savoir, comme lui, prendre son temps : « On va prendre son temps pendant une heure et demie ».

D’accord ! Car un tableau, c'est effectivement une matière vivante; plus on s'immerge dans sa contemplation quasi mystique et plus le ressenti émotionnel est fort.

C'est le regard qui transcende le tableau lequel, auréolé de lumières, se met à vibrer. D'un champ variant du vermillon vers l'orangé, du carmin vers le pourpre, les rectangles aux contours flous s'animent, brûlent par leur intensité et atteignent une dimension spirituelle. La couleur devient unique objet de vision.

« Peindre, c’est penser », « Peindre, c’est attendre pendant 90 % du temps et travailler pendant 10 % » affirme Marc Rothko devant Ken, son nouvel assistant, étudiant des Beaux-arts qui, après plus de dix minutes de soliloque du misanthrope solitaire, fait son apparition sur les planches pour prêter main forte à la réalisation d'une commande de vastes fresques murales devant orner la salle à manger d'un restaurant de luxe et aider à mélanger les coloris pour chercher le rouge idoine, monter les châssis, étudier l'éclairage et l'accrochage etc...

À partir de cet instant, s'instaure une relation d'abord de Maître à élève impressionné et intimidé qui reçoit, au cours des séances, de vraies leçons de philosophie, car pour Rothko tout artiste se doit d'être cultivé, avoir lu Nietzsche, Shopenhauer, Kierkegaard, Spinoza, Platon... « être cultivé, c'est savoir où tu te situes dans l'évolution continue de ton art et du monde ».

Puis, l'apprenti fera entendre sa voix. A la question formulée « quel est ton peintre préféré », la réponse « Jackson Pollock », figure de proue de '' l'Action Painting '', fera rugir Rothko dont l'ego surdimensionné prend un coup, lui qui abhorre la compétition et la comparaison avec les artistes de ces années 50.

Prenant davantage d'assurance, Ken, interprété de manière décontractée et subtile par Alexis Moncorgé, titille de plus en plus Rothko, incarné par un impérial Niels Arestrup, écorché, provocateur et cependant, désormais, ébranlé dans ses certitudes.

La vastité de l'atelier devient paradoxalement un huis clos étouffant où, tel un combat de coqs, les deux protagonistes se mesurent, s'engueulent, se balancent des vérités très dures et tenteront, malgré tout, de s'accepter pour magnifier ensemble la création picturale.

On assistera ainsi à une superbe scène où les deux peintres enduisent de rouge écarlate une immense toile après avoir trouvé la pigmentation appropriée.

Nous sommes en 1958; Rothko qui a entamé un cycle où le Rouge, couleur lumineuse de la Vie, couleur du sang qui coule dans les veines, en inonde ses grand formats.

Ken, excédé par les théories esthétiques du mentor, va le pousser dans ses retranchements et le mettre en face de ses contradictions sur la valeur mercantile de ses oeuvres : « Le Grand Prêtre de l’Art Moderne peint les murs du Temple de la Consommation ! »

La peinture est un combat contre soi-même, contre les éléments, contre le mauvais goût comme la décoration de ce restaurant qu'il refusera finalement d'honorer se rendant compte que son art ne peut cohabiter avec ce lieu et, enfin, contre le Noir qui engloutira peu à peu la brillance du Rouge.

C’est donc avec pertinence que la pièce s’achève sur l'envoûtant ''Paint it black'' des Rolling Stones ainsi entonné : '' I see a red door and I want it painted black ''.

En effet, cette musique annonce symboliquement les monochromes noirs que Rothko produira par la suite avant de sombrer dans le trou noir du suicide en 1970 avec l’éternel regret de ne pas avoir atteint le sublime en peignant, par exemple, des chapelles dans lesquelles on méditerait longuement sur un tableau unique mais aussi et surtout en constatant que ses toiles n’étaient considérées que comme de vulgaires biens marchands.

Après son immense succès à Broadway, cette pièce écrite par l'Américain John Logan traduite par Jean-Marie Besset, adaptée habilement par Jérémie Lippman, offre un spectacle volcanique tenu par deux comédiens de haute volée, se mettant en valeur mutuellement dans une joute verbale sans concession, l'un, jeune, souvent rudoyé qui plie mais ne rompt pas, l'autre, vieillissant, âpre, autoritaire, massif, tel un taureau dans l'arène, qui lance des piques acerbes mais parvient à maîtriser ses attaques dans un rapport humain orageux devenu, avec le temps, presque filial.

Cat’S / Theothea.com le 12/12/19

   

   

© Jeep Stey

     

MADAME ZOLA

« Madame Zola » Catherine Arditi en découverte de soi au Petit Montparnasse

   

de  Annick Legoff    

mise en scène  Anouche Setbon 

avec  Catherine Arditi  &  Pierre  Forest 

****

     

Théâtre du Petit Montparnasse

   

©  J. Stey

               

En réunissant Catherine Arditi et Pierre Forest sur les planches du Petit Montparnasse, un climat de confidence intime et subtil s’installe d’emblée sur le plateau où l’une et l’autre seront enclins à faire la part belle au lâcher prise.

C’est en effet par l’empathie et la bienveillance que les résistances, les non-dits, les ressentiments vont se résorber et se résoudre au fur et à mesure que la parole circulera d’elle à lui dans un apaisement communicatif.

Si l’autrice Annick Le Goff et la metteuse en scène Anouche Setbon ont eu l’idée d’associer ces deux artistes « moliérisés », c’est pour figurer une cause restée souvent dans l’ombre, celle des grands hommes dont l’aura dissimule, de leur vivant ainsi que post mortem, la cheville ouvrière de leur réussite personnifiée en coulisse par une épouse dévouée et pleinement impliquée dans l’ambition de leur mari.

En l’occurrence, qui aurait pu, jusqu’à aujourd’hui, se targuer de bien connaître la formidable détermination d’Alexandrine Zola, veuve d’Emile particulièrement connu historiquement par son « J’accuse … » titré dans L’Aurore du 13 janvier 1898 ?

Cependant, cette femme ayant consacré toute son existence au soutien sans faille et ensuite à la mémoire pleinement défendue de son conjoint, aura dû passer outre à beaucoup de désagréments personnels et domestiques.

Voici donc que surgit, opportunément, cette phase de prise de conscience extravertie dont il s’agit ici de mettre en exergue les tenants et aboutissants.

En effet, à l’occasion de la cérémonie honorifique du transport d’Emile Zola au Panthéon, l’abnégation d’Alexandrine lui fait constater intérieurement qu’elle perd ainsi une deuxième fois celui dont elle a entièrement partagé la vie pour le meilleur et pour le pire.

Ce trop plein de frustrations accumulées implose alors en un monologue qu’elle adresse à Emile à haute voix, ne s’épargant point de lui exprimer les reproches enfouis concernant notamment sa vie parallèle avec la lingère qu’elle avait elle-même embauchée, tout en ayant ensuite œuvré à ce que les deux enfants illégitimes puissent porter le nom de « Zola ».

Déclenchant à cette occasion des symptômes psychosomatiques d’asthme, l’apothicaire Fleury sera convoqué au domicile de madame Zola afin d’y apporter remèdes plus ou moins expérimentaux.

De fil en aiguille, c’est peu à peu une véritable cure de psychanalyse « sauvage » qui se mettra en place entre la veuve et le bon samaritain de circonstance ayant l’intuition et l’art de savoir écouter ainsi que de dire les mots justes mettant du baume sur les plaies toujours à vif.

De ces entretiens réitérés naîtra une amitié profonde où, par interaction agissante, les deux protagonistes s’apporteront mutuellement éclairage et appui sur ces profondes douleurs indicibles qui encombrent la perception que l’on a de soi-même dans sa relation au monde.

En osant se confier à Fleury, c’est-à-dire en renonçant à tout système défensif et en permettant ainsi le transfert des affects négatifs, Alexandrine fait mieux que de solder les comptes avec son « Grand Homme », elle se réconcilie surtout avec elle-même et donne ainsi à voir le visage apaisé que la reconnaissance réciproque engendre nécessairement lorsque le surmoi laisse enfin passage au « çà » freudien.

De par ce récit théâtral métaphorique le duo Le Goff / Setbon illustre la vertu du verbe associatif permettant à la psychanalyse naissante, en cette fin du XIXème siècle, d’ouvrir les perspectives prometteuses… de la résilience à venir.

Theothea le 21/11/19

   

     

© Theothea.com

     

L'UN DE NOUS DEUX

« L’un de nous deux » Tête-à-tête Blum & Mandel au Petit Montparnasse

   

de  Jean-Noël Jeanneney      

mise en scène  Jean-Claude Idée 

avec  Christophe Barbier, Emmanuel Dechartre & Simon Willame 

****

     

Théâtre du Petit Montparnasse  

   

©  J. Stey

           

Georges Mandel & Léon Blum sont réunis dans une petite maison près du camp de Buchenwald en 1944 alors que le débarquement des alliés en Normandie vient de s’effectuer.

Livrés par le maréchal Pétain aux Allemands comme otages, une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête de ces deux hommes politiques de la IIIème République.

Respectant quasiment la règle des trois unités, la pièce de Jean-Noël Jeanneney organise de fait, à travers eux, une confrontation verbale fictive entre droite et gauche traditionnelles rassemblées sous les bannières tutélaires respectives de Clemenceau et Jaurès .

Il va sans dire qu’en la circonstance, un combat commun les rend réfractaires à toute idéologie collaborationniste avec l’ennemi.

Sous la surveillance ambivalente d’un soldat nazi (Simon Willame), ils apprendront par celui-ci, en cours de captivité, l’assassinat de Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à l’information et à la Propagande du gouvernement Laval et ainsi, en conséquence, que l’un d’entre deux devrait être prochainement exécuté par représailles.

L’éditorialiste Christophe Barbier et le metteur en scène Emmanuel Dechartre incarnent ces figures emblématiques de l’Histoire contemporaine dans une valse à plusieurs temps où les arguments rhétoriques se confrontent à un humour latent que les deux hommes prennent un malin plaisir à cultiver pour mieux éloigner le spectre du désarroi face à l’issue tragique imminente de l’un ou l’autre et ce, donc, malgré la victoire des forces alliées annoncée ou pressentie.

A la suite des guerres mondiales du XXème siècle, leur bras de fer, croisé avec d’autant plus de conviction qu’il pourrait servir de doctrine diplomatique et stratégique dans l’art de gouverner et de maîtriser les rapports de forces politiques, leur apparaît davantage comme un passionnant jeu de société pour lequel ils s’impliquent de manière duelle que comme un passe-temps destiné à combler une situation vainement subie.

A l’un ancien président du conseil, le relativisme et le compromis comme outil de manœuvre, à l’autre ex-ministre de l’intérieur, la table rase pour reconstruire avec efficacité, les deux méthodes ayant fait leurs preuves tout en ayant chacune démontré également les limites de leur potentiel.

C’est donc bel et bien contraints par l’insolite autoritarisme de leur geôlier que Blum et Mandel se quitteront… mais en pleine fraternité d’esprit et de motivation patriotique.

Ainsi se refermera cette salle de séjour confortable, où trônaient notamment une table de billard, deux postes de TSF de générations différentes accompagnés de quelques meubles et autres sièges parmi lesquels les trois comédiens auront évolué en premier plan d’un dispositif mural de visuels contextuels.

Si aujourd’hui Emmanuel Dechartre vient d’accéder à la retraite de ses responsabilités institutionnelles, pour Christophe Barbier, c’est désormais l’accès à la cour des grands ou plus exactement celle des comédiens professionnels qui s’ouvre à lui puisque celui-ci pratique assidûment le théâtre amateur depuis sa jeunesse.

Cette rencontre au sommet sur les planches du Petit Montparnasse sonne comme une étape symbolique dans ces deux carrières théâtrales s’entrecroisant sur un piédestal commun façonné sur mesures par la mise en scène fédératrice et ludique de Jean-Claude Idée.

Theothea le 23/11/19

   

       

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NOUS POUR UN MOMENT

« Nous pour un moment » Le cycle Arne Lygre / Braunschweig se perpétue à l’Odéon

   

de  Arne Lygre    

mise en scène  Stéphane Braunschweig 

avec Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal

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Théâtre  Odéon Berthier 

   

©  Elizabeth Carecchio

                    

A Berthier, la perspective relationnelle est présente sur scène dès l’entrée des spectateurs plongeant leurs regards depuis les gradins sur une sorte de livre blanc disposé ouvert sur sa tranche délimitant ainsi l’espace où trônent cinq chaises se reflétant les pieds dans l’eau.

Lorsque ce panneau livresque angulaire montera à plusieurs reprises vers les cintres, le champ visuel embrassera un ersatz de piscine dont le fond n’autoriserait qu’une hauteur d’eau limitée à faire trempette cependant que l’on devinera la présence cachée en profondeur d’un disque de dimension scénique pouvant tourner sur lui-même et ainsi faire circuler les chaises, un lit, une table… tous de même blancheur… ainsi que les personnages eux-mêmes.

Au nombre d’une vingtaine, cinq rôles leur sont dévolus comme étant « une personne », « un(e) ami(e) », une « connaissance », « un(e) inconnu(e) », « un(e) ennemi(e) » se succèdant ou se substituant dans des dialogues débutant dans l’intimité jusqu’à parvenir à l’autre extrémité du spectre dans l’anonymat et l’indifférenciation.

Exercice stylistique signant la marque de fabrique chère à Arne Lygre privilégiant l’abstraction relationnelle pour mieux en stigmatiser la vacuité existentielle ou plus précisément en cibler les doses de haine et de passion paradoxales la caractérisant.

D’une certaine façon, parvenu à l’épilogue, le processus pourrait remonter à son prélude et recommencer ainsi en boucle dans une métaphysique se situant à fleur de peau du vécu des êtres ne se rencontrant que pour une période relativement brève dans la quête de l’autre ressenti tout à la fois complémentaire et antagoniste, protecteur et prédateur.

Cette angoisse diffuse s’exprime au travers de gestes prosaïques affectifs ou agressifs selon les besoins d’une cause semblant dictés par le hasard et la nécessité.

Chacun des protagonistes s’entend parler à distance de lui-même et des autres selon des répliques narrant ce qu’il a cogité ou énoncé précédemment : « pensais-je, disais-je… ».

L’esthétique de la scénographie rejoint ainsi celle du texte avec la volonté évidente de faire œuvre artistique tout en faisant sens sur l’intuition sensitive d’êtres manipulés par la destinée.

Le titre norvégien difficilement traduisible pourrait signifier approximativement « Te laisser exister ». Cette invite est à l’image d’un désarroi latent que la version française davantage rationnelle a préféré, s’appuyant sur la structure de la pièce s’élevant au niveau du relationnel et de la communication, désigner selon des termes spatio-temporels : « Nous pour un moment ».

Cette pièce ouvre donc des abymes de réflexion indicible que chacun pourra projeter à l’infini sans jamais pouvoir être assuré d’en cerner toutes les implications conceptuelles.

C’est la quatrième pièce d’Arne Lygre que Stéphane Braunschweig a monté d’abord, pour les précédentes, au Théâtre de La Colline et donc, maintenant, à l’Odéon.

Selon toutes probabilités, le directeur du Théâtre de l’Europe prolongera cette collaboration selon des étapes qui contribueront toujours davantage à un éclairage rétroactif sur ce cycle thématique focalisant la précarité et l’incertitude de l’existence identitaire : Je disparais (2011), Jours souterrains (2012), Rien de moi (2013).

Theothea le 17/11/19           

     

     

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