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UN
PRESIDENT NE DEVRAIT PAS DIRE ÇÀ...
« Un Président ne devrait pas dire
çà » face à Thibault de Montalembert au
Théâtre Libre
D'après Gérard Davet & Fabrice
Lhomme
Dialogues de François
Perache
mise en scène
Charles Templon
avec Thibault de Montalembert,
Hélène Babu, Scali Delpeyrat & Lison Daniel
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Théâtre Libre
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© Agence Abaca
Lorsquen avril 2022, le producteur Jean-Marc Dumontet propose une
première présentation théâtrale à Bobino
de cette adaptation, cétait précisément pour
évaluer lintérêt du public face à un spectacle
fictionnel tiré du livre dinvestigation de Gérard Dravet
et Fabrice Lhomme.
Il faut croire que lessai fut considéré comme positif
car désormais en 2023, il sagit dune véritable
création au Théâtre libre avec léquipe
artistique originelle et, donc, les mêmes comédiens qui se glissent
dans le rapport de forces reliant journalisme et politique pour en composer
une leçon comportementale à fustiger ou au contraire à
mettre en valeur exemplaire selon la subjectivité des opinions mises
en cause.
Rappelons donc que dès le début de son quinquennat,
François Hollande avait exprimé le souhait de se confier
régulièrement à une instance journalistique choisie
à dessein, de façon à faire un point évolutif
sur sa gestion présidentielle au jour le jour sous réserve
que les verbatim qui seraient tirés de ces interviews ne puissent
être divulgués quen fin de mandat avec son accord dûment
stipulé.
Ces rencontres hebdomadaires eurent effectivement lieu sous la conduite
duelle des journalistes Dravet et Lhomme, le plus souvent à
lElysée mais aussi en domicile privé et permirent de
constituer ce document denquête inédit qui mit le feu
aux poudres en fin du quinquennat de François Hollande.
Le reproche global formulé était que la fonction
républicaine présidentielle est liée à un devoir
de réserve implicite devant empêcher la divulgation des secrets
de cette charge en dehors de tout filtre institutionnel.
En parallèle, léthique du journalisme citoyen ne devait
pas, non plus, pouvoir se prêter à une manigance risquant de
déconstruire lautorité de lEtat
républicain.
Bref, la lecture de ce livre médiatique paru en octobre 2016 pouvait
sans doute, à juste titre, se cristalliser sur des interprétations
spéculatives autorisant débats moraux et juridiques sans fin.
A contrario, il faut reconnaître que la création
théâtrale qui, ici, nous occupe ne pourrait souffrir de ces
mêmes griefs car, effectuant un pas de côté, la dramaturgie
y est axée sur lart et la manière que les journalistes
ont de sapprocher du sommet de lEtat républicain en incitant
son « représentant » principal à se justifier
alors quen contrepartie celui-ci pourrait escompter le bénéfice
dune reconnaissance publique selon son habileté à pratiquer
léquivoque.
Autrement dit et de manière très prosaïque: Entre la
Presse et le Politique, où pourrait-on situer la véritable
manipulation et pour quel gain en retour sur investissement de temps et de
savoir-faire ?
Ce nest donc pas tant le contenu des propos qui est exposé
sur scène que la relation étrange qui sinstaure entre
lhomme détat qui recherche la légitimation de son
action et des enquêteurs médiatiques qui semploient à
débusquer les failles de sa cuirasse.
Lintérêt du spectateur est donc de percevoir les tentatives
de séductions respectives progressant masquées, de part et
dautre sous opération de commando, avec leur cortège
réciproque de frustration partagée par les deux journalistes
en embuscade et vécue en solitaire par le Président craignant,
lui, en permanence dêtre incompris
comme dans un dialogue
de sourds en quelque sorte ou un jeu de cache-cache à laveugle
!
Au demeurant, la scénographie est particulièrement
intéressante car elle sappuie sur diverses technologies virtuelles
et, par ailleurs, linterprétation du journaliste en mission
(Thibault de Montalembert) se présente comme un combat à mener,
tiraillé entre son impétueuse collaboratrice (Lison Daniel)
elle-même téléguidée en véritable sous-marin
par la directrice rédactionnelle (Hélène Babu) le nez
en permanence sur les tirages escomptés et, dautre part, celle
du Président pratiquant la fuite en avant et en trompe-lil
où Scali Delpeyrat fait merveille à singer toutes les
malignités tellement expressives et spécifiques à
François Hollande.
Un spectacle théâtral qui fait de la détention du
pouvoir un enjeu fort républicain et qui, restant bien en deçà
de toutes les arcanes de lhistoire politique, focalise la presse
médiatique au beau milieu de larène.
Theothea le 20/02/23
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UNE ETOILE
« Une Etoile » Macha Méril sous
filiation stellaire honorant son Karma
d'Isabelle Le
Nouvel
mise en scène
Stefan Druet Toukaieff
avec Macha Méril, Marc
Citti, Laurent d'Olce & Claire Magnin
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Théâtre Montparnasse
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© Fabienne RAPPENEAU
En rencontrant un véritable exutoire scénique à ses
propres frustrations filiales, la comédienne Macha Méril, ayant
vécu mille vies jusquà ce jour alors quelle est
extrêmement fière dafficher 82 ans au compteur de son
enthousiasme créatif intact, compose avec gourmandise la perception
imaginaire de Léna ex-danseuse classique au cur de son isolement
domestique quotidien.
Celle-ci a beau jeu de se remémorer en temps réel les
envolées fantasmatiques (via Aurélie Loussouarn) qui auraient
pu lui faire côtoyer le septième ciel si, toutefois, son artiste
de mari avait été moins accaparé par sa carrière
et son libertinage affiché ouvertement.
Voilà que parvenue, désormais veuve, à un âge
respectable, il lui faut maintenant compenser sa peine intériorisée
et accumulée avec les ressources toujours vivaces de son ambition
persistante qui auraient dû faire delle, au sein dun autre
vécu, la plus épanouie des ballerines ayant réussi à
la fois sa vie dépouse, de mère et détoile
assumée pleinement.
Mais voici donc Paul (Marc Citti) qui débarque inopinément
un beau matin, ce fils prodigue tenant en ses mains les clefs du bonheur
de sa mère qui elle, en retour, investit sans vergogne tous ses affects
intimes dans cet unique trésor de sa vie de femme.
Toutefois en attendant trop de ce rejeton adoré, il serait
possible que Léna se perde complètement en dispersant ainsi
le vivier de ses illusions perdues
dans un vide affectif palpable.
Être ou ne pas être « Paul », telle est
la question que pose au spectateur Isabelle Le Nouvel qui, se gardant bien
de trancher dans une réalité ambivalente mâtinée
de fulgurances surprenantes, fait appel à deux outsiders;
Dune part, une voisine sur le qui-vive particulièrement
envahissante et à contretemps presque systématique et,
dautre part, un journaliste professionnel pour qui cest le
métier daller débusquer la vérité au cur
dune enquête que, précisément, il a décidé
de mener en souhaitant faire le portrait biographique de cette grande artiste
mémorielle et patrimoniale.
Au demeurant, le journaliste (Laurent dOlce) et la voisine (Claire
Magnin) seront rejetés dos à dos par la destinée
théâtrale suggérée par lautrice, emportant
avec eux le secret bien gardé de Léna que le spectateur avisé
pourra de lui-même transcender selon son loisir onirique.
La mise en scène très réaliste de Stefan Druet Toukaieff
propose cette vertu paradoxale de faire contraste avec les faces cachées
des personnages qui, par effet inverse, rendent ainsi leurs relations
entrecroisées étranges, décalées et même
mystérieuses.
Dans cette perspective, Macha Méril mue par son énergie
et sa détermination hors pair pourrait nous apparaître comme
en dissonance inattendue car emportée par un souffle mélancolique
et nostalgique dont linfluence des forces occultes aurait inspiré
une direction dacteurs en distance aveugle au cur du vaste
décor rustique assez inquiétant.
Et cependant en épilogue la comédienne, selon
son naturel inné, va sortir du jeu dramaturgique sous rédemption
joviale.
Theothea le 26/02/23
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LES VIVANTS ET LES
MORTS
de &
mise en scène
Gérard
Mordillat
paroles François
Morel
avec
ESTHER BASTENDORFF, ODILE CONSEIL, CAMILLE DEMOURES LUCILE
MENNELET, HUGUES TABAR-NOUVAL, PATRICE VALOTA GÜNTHER VANSEVEREN, BENJAMIN
WANGERMÉE - CHOEUR KB HARMONY |
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Théâtre du Rond-Point
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© Giovanni Cittadini Cesi
Sur la scène de la petite salle Jean Tardieu du Rond-Point entre
avec détermination une troupe de huit comédiens, tenue sombre,
brandissant de noirs parapluies ouverts tels des corbeaux aux ailes jais
planant sur leurs têtes dont le cri lugubre est annonciateur
d'inquiétantes nouvelles. Et effectivement les mauvais augures se
produisent. Ça commence par une inondation. A Raussel, dans lest
de la France, la Doucile déborde après des jours de pluie
ininterrompue et ses eaux envahissent Plastikos la Kos seule
usine et donc principal employeur de la ville.
Sur le plateau nu, on ne dansera pas joyeusement sous la pluie comme dans
'' Singin' in the rain'', la comédie enchanteresse de Gene Kelly et
Stanley Donen. On n'est pas non plus dans l'univers acidulé de Cherbourg
avec ses parapluies colorés. Non, ici, c'est la grisaille et la menace
permanente de perdre son emploi dans une ville frappée par la dure
réalité. Les voix qui s'élèvent entonnent un
texte âpre. A coups d'anaphores martelant les esprits, le spectateur
affronte d'emblée une ambiance angoissante « l'eau tombe, tombe,
tombe... Partout de l'eau, Partout de la pluie, Partout du vent...».
Les intervenants exposent leur situation à la Kos, si l'usine ferme,
c'est la vie d'un jeune couple qui vole en éclats. C'est là
que lon découvre Rudi et ceux qui travaillent avec lui dans
léquipe de maintenance, mobilisés pour tenter de sauver
les machines. Et sa courageuse épouse qui a un drôle de
prénom, Dallas, qui s'engagera de plus en plus pour sauvegarder son
emploi. Leur situation familiale intime avec un enfant est intrinsèquement
liée à la conjoncture sociale entourant tous les ouvriers de
la Kos.
Ainsi, la pièce jongle en permanence entre les déboires
du couple formé par Rudi et Dallas (Günther Vanseveren, belle
présence scénique et la rayonnante Lucile Mennelet, belle voix
alto) dont la solidité est mise à mal et l'entité d'un
groupe en conflit avec la direction qui ne pense qu'à satisfaire les
actionnaires. On passe sans cesse du duo à l' ensemble des travailleurs
refusant linéluctable et qui se mettront en grève devant
les licenciements qui commencent. Bras de force qui se terminera par un bras
dhonneur explosif.
Il y a ''Les Vivants et les Morts'', ceux qui ne renoncent pas,
résistent et ceux qui abandonnent, rendent les armes vaincus par ce
libéralisme outrancier.
Gérard Mordillat, auteur et cinéaste, avait écrit
cette chronique ouvrière en 2005 dans un roman-fleuve. Aujourd'hui,
il a choisi d'en tirer la substantifique moelle en la transposant sous la
forme d' une pièce de théâtre musical sans décor,
en choisissant l'épure absolue. Les chansons écrites par
François Morel permettent d'exprimer les émotions à
vif de ces femmes et de ces hommes en lutte contre un système qui
les broie sans remord.
Les musiques sont signées Hugues Tabar-Nouval, lequel avec ses
saxos - flûtes - percussions est l'un des 2 musiciens installés
à jardin du plateau. Au piano se relaient Camille Demoures et Esther
Bastendorff. Tous les trois sont également protagonistes de laction
dans les rôles de Serge, Varda et Mickie. Un chur assis en fond
de scène, masse silencieuse la majorité du temps, intervient
par intermittence pour amplifier la protestation qui prend alors des allures
dInternationale.
Les paroles des chansons donnent une vraie épaisseur aux personnages.
Les textes ciselés prodiguent une vibration en parfaite adéquation
avec lesprit militant des personnages, comme l'émouvant plaidoyer
pour les mains du travailleur chanté par Lorquin (Patrice Valota)
le contremaître le plus ancien, attaché à son outil de
travail et qui répète avec insistance pour convaincre l'auditoire
: « Regarde ces mains Elles sont à moi / Regarde ces mains Elles
ont trimé ....Regarde ces mains pleines de blessures / Regarde ces
mains pleines de crevasses ...» avant de se pendre, vaincu par la machine
infernale.
Ou la chanson clamée par Rudi, l'incorruptible qui refuse la promotion
et martèle puissamment : « Je ne suis pas un jaune.../ je ne
suis pas un jaune......» comme pour imprimer dans la tête du
spectateur qu'il ne trahira jamais la cause ouvrière « ils ne
m'auront pas Plutôt crever ! ».
Au coeur de la fracture, on chante, on déclame sans esbrouffe ni
pathos lamour et les lendemains qui déchantent, le fléau
du chômage, la révolte, la lutte des classes. Et comme cest
aussi une tragédie, la chorale est là comme un chur antique,
le choeur KB Harmony, d'une douzaine de membres, petit bémol, restant
beaucoup trop dans l'ombre ! Un souffle vital, une énergie salutaire
traversent ce théâtre engagé et populaire qui convoque
la poésie dans le drame qui se joue.
Cats / Theothea.com le 28/02/23
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© Theothea.com
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LES PARENTS
TERRIBLES
« Les Parents terribles » & Jean
Cocteau "Incroyable" Avant-garde au Théâtre
Hébertot
de
Jean Cocteau
mise
en scène Christophe
Perton
avec
Muriel Mayette-Holtz, Charles Berling, Maria de Medeiros,
Émile Berling & Lola Créton
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Théâtre
Hébertot
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© Dominique HOUCMANT-GOLDO
« INCROYABLE ! » Tel est effectivement le mot-clef
leitmotiv du Vaudeville existentiel que Jean Cocteau a rédigé
de manière compulsive en moins dun mois durant lannée
1938 dont Christophe Perton a retrouvé récemment, quasiment
par hasard, en salle de vente Drouot la version originale, brut de
décoffrage.
Cest celle-ci que le metteur en scène a donc décidé
dadapter pour en faire ressortir une comédie de murs fort
significative de lâme humaine alors que celle-ci tend à
défendre sans vergogne ses intérêts claniques
primaires.
En réunissant autour dun immense lit familial, Yvonne, Georges,
Michel, Leo et Madeleine, cest à la fois le Théâtre
de Boulevard sous la férule de Feydeau qui est convoqué dans
sa forme la plus diablement entrecroisée mais cest surtout
lAmour sous ses variantes composites les plus pathologiques voire
dénaturées.
Ces deux instances sociétales viennent donc sentrechoquer
sous lapanage de relations toxiques induisant lautodestruction
de « La Roulotte » qui, autrement nommée, pourrait
volontiers sappeler la sacro-sainte « cellule
familiale ».
Chacun y adoptant, selon un degré plus ou moins intense, le point
de vue subjectif le situant juste au cur des travers que lui font subir
ses proches, cest la victimisation qui devient lemblème
dun art de vivre que la grande bourgeoisie ne pourrait renier à
ses heures les plus conquérantes de lentre-soi.
Cest alors que linceste, ladultère, le mensonge
institutionnel, la mauvaise foi peuvent prendre les commandes dune
gouvernance de classe renvoyant les parasites extérieurs vers
linfamie dont ils portent en eux-mêmes les stigmates au fer
rouge.
Le décor est ainsi planté à la fois par Cocteau qui
fait preuve de vulnérabilités dûment discernées
dans lopinion de ses contemporains mais aussi désormais par
Christophe Perton qui, lui, na pas lintention de laisser
échapper sa place créatrice pour oser une version des
« Parents terribles » à la fois noire, drôle,
quasi rock and roll mais surtout distanciée du rôle que chacun
est censé assumer au sein de sa propre généalogie dès
lors quil est confronté aux pressions de léthique
universelle.
Voici donc que saffiche une distribution éclatante à
la face de toute conscience plus ou moins chloroformée par lair
du temps devenu si « correct » et cest ainsi que,
prenant la tête dune rébellion instinctive, Muriel Mayette,
ex-administratrice remerciée de La Comédie-Française,
surgit demblée de la pénombre pour imploser son personnage
maternelle à linstar dune bombe à retardement
programmée sur le règlement du solde de tout compte artistique
selon une interprétation à vif au plus fort de lexhibition
extravertie.
A linverse opposée, prenant le parti du charme ravageur et
machiavélique mais bien consciente de son magnétisme quelle
peut doser à volonté du maléfice à la bienveillance
selon son gré et son humeur, voici la prodigieuse Maria de Medeiros
qui dans une immense palette de subtilités à peine perceptibles
endosse le « beau rôle » de cette tragi-comédie,
celui de diviser ou de rassembler les forces libidinales prêtes à
tous les exploits
selon sa simple détermination royale.
Muni de ses deux locomotives féminines magistrales, le convoi nuptial
peut sébranler cahin-caha, alors quà chaque nouvel
aiguillage les trois autres partenaires vont se rendre compte que leurs
rôles sont délibérément passés à
lessorage incitant à linitialisation des affects pour
tenter despérer un retour en grâce de la destinée.
En conséquence, le mari volage pourra peut-être
saffranchir des fourches caudines en sachetant une rédemption
inattendue pourvu quil accepte de se mettre en retrait dun jeu
inutilement cruel voire même dadopter un esprit de coopération
salvatrice.
Charles Berling qui a une nette propension à savoir manier le
contre-emploi est parfait pour régenter un tel revirement à
géométrie variable.
Reste le couple de tourtereaux quil aura fallu ajuster sur mesure
en le prenant suffisamment inexpérimenté pour être pleinement
crédible, cest Lola Créton qui doit, à ses
dépens, accepter dêtre sacrifiée comme dans les
grandes tragédies grecques tout en pressentant dans les fibres de
sa prestation que cette foncière injustice pourrait se contenter
dun bizutage à savoir assumer la tête haute.
Enfin mais surtout pas le moindre, Michel, le fils tant adoré de
sa mère, va parcourir toutes les étapes du chemin de croix
quun jeune adolescent bien né sous tout rapport se doit de franchir
sil veut être à la hauteur de lappartenance à
son milieu dorigine: Aussi quEmile Berling soit le digne fils
de son père autant à la ville quici ensemble à
la scène, quoi de plus légitime ?
Le flambeau est bel et bien transmis et marque indéniablement cette
mise en scène dune aura à nulle autre pareille.
Ainsi, Christophe Perton aura formidablement réussi luvre
alchimique relevant du miracle essentiel que le spectacle vivant espère,
de manière récurrente, applaudir à chaque création
d'envergure.
Theothea le 06 mars 2023
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© Theothea.com
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LE CÔTÉ DE
GUERMANTES
"Le Côté de Guermantes" De Proust à Honoré...
Zoom de Marigny jusquà La Comédie-Française
d'après Marcel
Proust
mise en scène
Christophe Honoré
avec
Claude Mathieu, Anne Kessler, Éric Génovèse,
Florence Viala, Elsa Lepoivre, Julie Sicard, Loïc Corbery, Stéphane
Varupenne, Sébastien Pouderoux, Dominique Blanc, Jennifer Decker,
Laurent Lafitte, Yoann Gasiorowski, Les comédiennes et comédiens
de lacadémie de la Comédie-Française, Vincent
Breton, Olivier Debbasch, Yasmine Haller, Alexandre Manbon & Romain
Gonzalez
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La Comédie-Française
Salle Richelieu
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© Jean-Louis Fernandez, coll.
Comédie-Française
C'était une autre époque sous perspective de "confinement"
à l'automne 2020 où La Maison de Molière avait prévu
ses travaux de réfection impliquant que la création de Christophe
Honoré sous format "spectacle vivant" se ferait au Théâtre
Marigny avec, en prime, l'avantage de pouvoir ouvrir son immense porte de
fond de scène sur les jardins où le jeune Marcel Proust avait
connu ses premiers émois de jeux d'enfants.
L'ensemble de ces représentations d'alors suspendues à
l'épée du Covid ont encore, jusqu'à ce jour, le goût
des madeleines distribuées dans le hall d'entrée au dire des
privilégiés qui connurent ces moments magiques où le
charme d'antan rejoignait ainsi la réalité de ces jours incertains.
Mais voici donc qu'en ce prélude du printemps 2023 débute
un nouveau cycle d' "A la recherche..." dans le Saint des saints « La
salle Richelieu », alors que son public pourrait spontanément
avoir envie de considérer cette reprise comme la véritable
création de Christophe Honoré puisque, si les madeleines ont
bel et bien disparues de l'accueil mémoriel, il s'avère que
la scène du Français y est exclusivement dévolue à
la réminiscence active plutôt qu'à l'éventuelle
survivance de lieux fondateurs, fussent-ils arborés.
C'est ainsi, en effet, que l'Art du Théâtre peut atteindre
les sommets, notamment lorsqu'il côtoie ce qui donne vie à ce
qui n'est pas (ou plus) tout en sachant distiller au mieux l'ensemble des
vraisemblances.
En effet, il s'agissait bien dans l'intention initiale du metteur en
scène de faire participer, aussi bien les comédiens que les
spectateurs, à une immersion en nécromancie pour y rencontrer
non des clones ou des hologrammes contemporains de Marcel mais plutôt
leurs fantômes qui, eux, auraient la force et l'intensité de
nous communiquer l'âme de l'aristocratie Proustienne dépeinte
de l'intérieur non par un simple observateur attentif mais davantage
par ce voyeur en état d'hypnose inspirée, en l'occurrence le
narrateur du happening ainsi mis en orbite.
D'entrée de jeu, le ton est donné, de la guitare acoustique
de Stéphane Varupenne s'égrène la mélopée
de Lady d'Arbanville et, fort du grain de sa voix, la chanson de Cat Stevens
doù, dans le lointain du hall, devrait apparaître et
s'esquisser le profil de la duchesse Oriane de Guermantes (Elsa Lepoivre)
pour laquelle Marcel vouait une admiration sans borne.
Ponctuant ainsi le forum mondain du XIXème siècle par des
aubades en provenance des seventies, Christophe Honoré signe, ici
et maintenant, grâce à des leitmotivs vintage dûment choisis,
l'attrait d'une intuition imaginaire donnant prise à la mémoire
affective fort prégnante chez Marcel (Stéphane Varupenne).
Entendre soudain, en ce noble équipage, la princesse de Parme (Florence
Viala) entonner, mélancolique, "La Maritza" de Sylvie Vartan pourrait
assurément relever dune délicieuse transgression de plaisir
inavouable au yeux de "l'intelligentsia".
Dailleurs le réalisateur osera même "Ton style c'est
ton c..." de Léo Ferré que l'artiste aurait pu contresigner
par un "C'est extra..." annonciateur du "Moody Blues" final clôturant
en apothéose scénographique cet aréopage classieux de
la Haute société du Faubourg Saint-Germain d'où "nights
in white satin" pourrait se transmuter en émerveillement pour âmes
nostalgiques, par exemple, du mythique & ultime Festival de Wight 1970.
Ces entremêlements magiques d'un siècle sur l'autre auraient
comme effet artistique d'actualiser l'impressionnisme des personnages sortis
directement de cette écriture romanesque en abîme de façon
à nous rendre ceux-ci palpables jusque dans leurs ressentis subjectifs
de l'époque.
Mais voici déjà qu'officie mister Perchman (Romain Gonzalez),
cet habile acteur-technicien dédié à la prise de son
en direct ou plus exactement des voix de ses acolytes comédiens en
ne les lâchant pas d'une semelle durant toute la représentation
à l'exception momentanée de partis pris différenciés
concernant la mise en espace sonore.
Comme dans une poursuite acoustique du style "La nuit américaine"
à l'instar de François Truffaut s'engagerait ainsi un mano
a mano entre les diseurs de Proust venus d'une galaxie évanescente
et cette captation live hyperréaliste favorisant en bonus l'écoute
ciblée des spectateurs in situ.
D'ailleurs, ils sont tous là réunis même Charlus (Serge
Bagdassarian) le baron décalé.... car "Elle va mourir la Mamma"
la grand-mère (Claude Mathieu) de Marcel
dans le hors-champ
des coulisses, côté cour, en direct live vidéo sur grand
écran mobile retransmettant sa lente agonie respiratoire... ce qui,
au sein de luvre littéraire, pourrait constituer les 100
meilleures pages de l'écrivain, commentent certains aficionados.
C'est ainsi, Christophe Honoré témoigne ici avec les outils
d'aujourd'hui et les spectateurs, eux, se font leur « cinéma
personnel » avec les précieux mots d'hier recueillis par
le microphone à l'extrémité de la fameuse perche.
Le ballet peut donc commencer, place à la chorégraphie des
compositions d'acteurs attendues de manière bien légitime:
Charles Swann (Loïc Corbery), le marquis Robert de Saint-Loup
(Sébastien Pouderoux), la marquise de Villeparisis (Dominique Blanc),
le duc Basin (Laurent Lafitte), la Comtesse de Marsantes (Anne Kessler) &
tous les autres déjà annoncés ici ou pas...
Chacun aura son moment de gloire éphémère; comme
dans un rêve récurrent se remémorant en boucle infinie
cette quête évolutive passant, en alternance, du temps perdu
à celui retrouvé.
Le côté de Guermantes étant réputé plus
aventureux, voire inaccessible que celui du côté de chez Swann
davantage aisé, voici donc lenjeu programmé au- delà
de l'ex-vaste ouverture donnant sur les jardins de Marigny alors que
désormais, en salle Richelieu, le spectateur "clairvoyant" s'applique
à son tour pour apercevoir, avec succès, la nouvelle venue
là-bas au fond du hall... mais oui, c'est bien elle, la sublime Oriane,
la duchesse de Guermantes !
Theothea le 14/03/23
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