Crédit Photo : Eric
Devert
"Dites à la fille de Dominique que sa mère
est partie en voyage" !...
Même cette recommandation testamentaire ne
pourra être accomplie par Caroline dont l'échec patent pourrait
achever de transformer la jeune femme élégante et aisée
d'antan en révoltée jusqu'au-boutiste, s'il n'y avait au bout
du tunnel la perspective d'une prochaine libération beaucoup plus
prometteuse que celle ainsi "suicidée" de sa compagne cellulaire,
durant un temps suspendu et désormais à jamais
disparu!...
Ces deux femmes que tout séparait par des
origines sociales radicalement opposées, des références
culturelles sans commune mesure, des qualités de vie sans comparaison
possible auront néanmoins vécu une expérience rare où
caractères et physiologies viennent soudain se compléter en
une sorte d'état de grâce se mettant au service d'une cause
peut-être désespérée mais pourtant quasiment
métaphysique!...
D'aucuns y percevraient la manifestation de l'instinct
de solidarité que suscite les situations où l'énergie
vitale est fortement menacée; d'autres pourraient y considérer
une complicité féministe à l'égard de
l'adversité, en prise au rapport de forces défavorables!...
Certes la nécessité de partager dans
l'intimité tous les gestes quotidiens si peu affriolants peut susciter
la compassion réciproque, mais c'est plus naturellement
l'agressivité qui a tendance à se réveiller en pareilles
conditions humanitaires!...
Ici ce seront les matonnes
(Christine Guerdon),
fussent-elles du même sexe, qui fourniront les vecteurs d'adaptation
à la variabilité des humeurs respectives ainsi qu'aux pulsions
de domination et soumission!...
Ainsi
Caroline, la nouvelle venue (Denise
Chalem, auteur et mise en scène)
et Dominique (Christine
Murillo), sept années
d'incarcération au compteur, vont-elles se jauger de prime abord dans
un autisme où les gestes seront plus significatifs que les paroles;
fortes ensuite de cette compréhension implicite, les deux femmes pourront
alors faire ce bout de chemin où les âmes peuvent se rencontrer
en osmose, seules comme protégées au milieu des nuisances de
toutes espèces!..
Transgressant le vécu carcéral en
fantasme monacal, la volonté affective pourrait ainsi devenir celle
de la survie, celle de l'aspiration à la grande lumière
plutôt qu'aux rayons filtrés par les barreaux!....
Cependant l'inertie des forces de l'inconscient
oppose des résistances difficilement expugnables et c'est donc dans
la trahison d'une amitié impossible que Caroline devra affronter
l'impuissance à exécuter la mission ultime confiée par
Dominique en un dernier message: "Dis à ma fille que je pars en
voyage"!...
Forcément sublime!...
Theothea le 21/04/05