Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

11ème  Saison     Chroniques   11.81   à   11.85    Page  187

 

   

Le retour 2007  du   Bigger Bang    des Rolling Stones   à  Paris

     

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LAISSEZ MOI

de  Marcelle Sauvageot

mise en scène   Anne Rotenberg

****

Petit Théâtre de Paris

Tel: 01 42 80 01 81

 

    Visuel affiche  ©  François Darmigny 

                      

Dimanche 20h00, Claire Chazal présente comme à l'accoutumé son journal télévisé; mardi 19h00, s'asseyant sur une chaise à l'avant-scène du Petit théâtre de Paris où dans le halo mordoré que capte si bien son visage de trois-quarts, elle lit sur un grand cahier d'écolier le recueil des lettres laissées en 1930 par Marcelle Sauvageot emportée à l'âge de trente ans par une pleurésie.

Rupture d'image et interrogation sur la pérennité de la relation amoureuse vont se confronter dans une mise en abîme où l'une parle de l'autre, sans se départir du quant à soi qui jaugerait l'autre des pieds à la tête à l'aune de son double médiatique.

Et pourtant rien n'est tout à fait similaire au reflet cathodique, si ce n'est la chevelure blonde dégagée par inadvertance derrière l'oreille, si ce n'est le regard qui se lance de biais dans l'angle mort de la phrase qui chute.

Claire Chazal, pieds nus ôtés de leurs chaussures à hauts talons se positionne au gré des réglages lumières signés Gaëlle De Malglaive dans des postures enrobées tout de marron chic, trahissant la volonté d'Anne Rotenberg de ne pas mettre en scène l'émotion inhérente à la rupture d'affection catalysée par la longue maladie.

Le ton de la journaliste lançant les sujets d'actualité par raffales s'efface alors au profit d'une mélopée qui, de missives en temps épistolaires, se fraie les pauses d'un questionnement à haute voix sur l'amour en balance avec l'amitié à peu de frais.

En réactivité aux élégances dont l'amant se départit avec aisance, point de plainte aiguisée par une petite musique lancinante mais la revendication d'une quête d'absolu que seule l'aimée délaissée pourra mener de front avec la mort qui se profile.

La lectrice se love au sein de la dignité affirmée dans le réconfort d'une écriture au féminin pluriel; Claire empoigne Marcelle pour en témoigner les stigmates d'un orgueil décliné dans la langue des confidences, celle que Truffaut ou Rohmer reprendrait aisément à leurs contes cinéphiliques en psalmodiant la voix off du récitant.

« No man, no cry » murmurerait l'écho en mâles de reconnaissance: Voilà donc une entrée en scène bien réussie devant un rideau de fer resté abaissé permettant de préserver la proximité du témoignage dans l'intimité partagée d'une lecture existentielle.

Theothea le 04/04/07

PARTAGE DE MIDI

de  Paul Claudel

mise en scène   Yves Beaunesne

****

Comédie Française

Tel: 08 25 10 16 80   

 

      Photo   ©  Guy Delahaye  

                      

En se passant le relais de mère à fille, Ludmila Mikaël donne à Marina le flambeau génétique hérité pareillement de Thierry Hands mais dont seul l'état de grâce pourrait rendre compte, à trente-deux années d'intervalle, d'un nouveau sacre à la Comédie-Française.

C'est effectivement sur le tard que la jeune pensionnaire, intronisée début 2006, a pris les voiles de comédienne quasiment par antidote à ses inhibitions et introversion, suite à une vocation équestre abandonnée professionnellement au profit de cours de théâtre éminemment révélateurs.

César de la meilleure actrice pour son interprétation de Lady Chaterley, la voici désormais en incarnation d'Ysé que Paul Claudel a conçue en souvenir autobiographique d'un surgissement intempestif de l'Amour, lors d'un véritable coup de foudre alors qu'il voguait vers la Chine en tant que jeune consul de trente ans.

Sur le pont supérieur du paquebot, trois personnages adossés nonchalamment aux cordages du bastingage s'essaient à un jeu de société où la jeune femme sera l'enjeu non seulement d'une rivalité entre mâles mais surtout, à son corps défendant, le symbole de la victoire du désir s'abandonnant à l'emprise de Dieu sublimé en idéal absolu.

Le mari, l'aventurier et l'amant sonnent ainsi la charge d'une épreuve initiatique qui surprend l'intéressée elle-même, à son jeu défensif de mère et d'épouse rangées des pulsions.

Cependant, parce que c'étaient elle et lui, va se réveiller le volcan étouffé de la passion qu'ils se jureront d'éteindre au plus vite pour être en accord avec l'ordre moral menacé.

Alors qu'après bien des tribulations asiatiques et autres tourments conjugaux et maternels, le retour du refoulé agira en boomerang à plusieurs coups de semonce jusqu'à sanctifier leur innocence transgressée, le flux de la lumière divine pourra, en accordant le pardon ultime, consacrer l'union d'Ysé et de Mésa.

Eric Ruf, Christian Gonon, Hervé Pierre entourent au mieux Marina Hands qui confirme un charisme à la fois athlétique et sensuel, à la hauteur des plus grandes stars du spectacle vivant, c'est-à-dire au plus profond de l'humilité artistique par laquelle le talent d'Yves Beaunesne peut valoriser sur l'échelle des luminosités et selon une palette des nuances et contrastes, cet élan mystique si cher à Claudel.

Theothea le 14/04/07

LE PRESIDENT

de  Thomas Bernhard

mise en scène   Blandine Savetier

****

Théâtre de La Colline

Tel: 01 44 62 52 52

 

       Photo   ©  Marthe Lemelle

                            

A la fois comédie et drame, cette tragédie du pouvoir en quête de lui-même contemple le processus de la déchéance dans le miroir du délire psychotique.

Côté drame, il y a le peuple en pleine insurrection pour obtenir la chute d'une mascarade dans laquelle sombre un couple présidentiel en rupture de tous liens avec l'éthique de ses responsabilités.

Côté comédie, il y a le théâtre qui permet de singer la confrontation de l'homme et du tyran en jouant avec la présence ou le retrait de multiples masques virtuels.

Que Madame La Présidente (Dominique Valadié) soit assise à sa table de toilette en maugréant contre la servitude de sa vie d'épouse en rébellion à la fois contre son mari et ses concitoyens, voici que se met en place la phase révélatrice d'un naufrage annoncé.

En seul réconfort à cette décadence, subsiste à ses pieds un couffin vide; c'est celui de son chien tué lors d'une récente tentative d'attentat présidentiel et à l'égard duquel elle va développer une dévotion monomaniaque déclamée sans retenue en présence de sa femme de chambre (Charlotte Clamens) médusée et coite.

En s'abandonnant ainsi à une hystérie à peine feinte, des éclairs de lucidité psychologique parsèment néanmoins des propos en apparence incohérents mais laissent deviner une angoisse indicible que d'incessants coq-à-l'âne lui permettent de maintenir à distance tant mal que bien.

Que Monsieur le Président (Eric Guérin) se prélasse dans un Palace-Casino du Portugal en soliloquant sur tous les maux gouvernementaux faisant obstacle à la mégalomanie de son ambition politique, que de plus ce Président se complaise à s'afficher avec une maîtresse subjuguée devant tant d'arguties mythomaniaques, voici qu'apparaissent les stigmates d'une fonction déchue jusqu'à laisser l'apprenti dictateur reclus dans ses caprices, tels des jouets pour enfants très attardés.

Cependant, initiée à partir d'une révolution immanente allant jusqu'à évoquer le parricide suscité par la détestation du peuple,  la monstruosité de cette fantasmagorie à mille lieux d'un imaginaire d'opérette déclenche un véritable court-circuit psychique qui interroge la conscience citoyenne.

Ainsi l'auteur, en livrant ce conte métaphorique fidèle à son image littéraire, pressentait-il les spasmes qu'en aurait provoqués la création théâtrale dans son pays d'origine. C'est pourquoi le dramaturge a interdit toutes représentations de son oeuvre en Autriche durant 50 ans après sa mort en 1989.

Davantage visionnaire que moraliste, Thomas Bernhard laisse ainsi en testament, une perception ironique, cynique voire désabusée du pouvoir issu de la comédie humaine que la direction d'acteurs de Blandine Savetier cherche à illustrer avec un humour ubuesque.

Theothea le 26/04/07

RUTABAGA SWING

de  Didier Schwartz

mise en scène   Philippe Ogouz

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Comédie des Champs-Elysées

Tel: 01 53 23 99 19

 

     Photo   ©  Lot  

                      

Avec deux nominations aux XXIèmes Molières, il s’avère que le Swing et le Rutabaga sont désormais associés d’une part pour espérer le trophée du Théâtre public ayant trouvé sa plénitude au théâtre privé avec deux reprises successives au Petit Montparnasse et à La Comédie des Champs-Elysées, d’autre part pour une célébration de Didier Schwartz cité en tant que meilleur auteur de cette saison théâtrale 06-07.

Aussi, à quelques jours de cette cérémonie qui va exalter les plus prisés d’entre les spectacles, force est de constater que cette pièce a réussi à fédérer la réflexion des critiques et des spectateurs sur le thème de la collaboration grâce à un chassé-croisé vaudevillesque jalonné de chansons de cette période interprétées par les comédiens eux-mêmes.

En effet en 1942, au café de Madame Barray à Chambier, les échos de la guerre se révèlent dans le comportement que les habitués affichent devant l’occupant, alors que les masques se dissimulent au gré des actes de résistance et selon les mesures de rétorsion ennemie.

Et pourtant la vie y continue avec son désir de divertissement symbolisé en l’occurrence dans la répétition d’un tour de chant amateur qu’un officier allemand (François Feroleto) peut apprécier tout en ayant réquisitionné une des trois chambres.

Un facteur (Jacques Haurogné), un bibliothécaire (Bruno Abraham-Kremer), une coiffeuse (Marion Posta), une serveuse (Amala Landré) et le patron du bar (Emmanuel Curtil) s’emploient à ce projet artistique alors qu’un otage (Jacques Herlin), condamné à mort par la Kommandantur locale, se réfugie dans l’établissement en suscitant d’emblée une cohabitation de cache-cache tout à fait grand-guignolesque.

L’auteur ne prend pas parti sur les tenants et aboutissants moraux que cette situation tragi-comique va engendrer, mais il laisse tout au contraire l’observateur en prise directe avec la confusion, le doute et le trouble que ne cesse de compenser le charme désuet de cette époque.

Cette volonté relayée par une mise en scène à l’atmosphère bon enfant, digne d’un jour de fête cher à Jacques Tati, se manifeste grâce à un accompagnement au piano-bar (Ezequiel Spucches) que la vie au quotidien se charge de rythmer dans la convivialité villageoise des années quarante, quelque part entre de Gaulle et Pétain.

C’est la Libération qui marquera le coup fatal à tant de postures contenues dans le quant-à-soi, en révélant au grand jour, courage et lâcheté dans toute leur splendeur respective.

Un véritable spectacle de divertissement au service d’une cause citoyenne où chacun y trouvera du grain éthique à moudre dans une joyeuse mélancolie.

Theothea le 04/05/07

LES MOTS ET LA CHOSE

de  Jean-Claude Carrière

mise en scène   Daniel Bedos

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Théâtre de l'Oeuvre

Tel: 01 44 53 88 88

 

      Photo   ©   Eric Devert

                      

En ayant repris, il y a quelques saisons son propre texte des mots et de la chose pour l'interpréter sur les planches en compagnie d'abord de Carole Bouquet, ensuite de Marie-Sophie L., Jean-Claude Carrière excellait en malicieux professeur de maintien BCBG dans la préservation de la richesse du vocabulaire et d'expressions bien françaises illustrant le sexe sous toutes ses coutures lexicales.

Pour la tournée hexagonale consacrant le succès public de cette leçon de choses, ce fut au tour de Jean-Pierre Marielle, en duo avec sa compagne Agathe Natanson, de reprendre le flambeau de la métaphore osée mais bel et bien populaire afin d'en délivrer la pédagogie pleine de transgressions imagées en total sourire décomplexé.

Gérard Maro, directeur du Théâtre de l'Oeuvre proposa donc au couple de faire une halte parisienne printanière qui d'emblée s'impose comme une pause bienvenue en 2007, après tant de cogitations électorales circonstancielles largement au-dessus de la ceinture.

Grâce à la mise en scène originelle de Daniel Bedos associant pour l'une un canapé de relaxations et pour l'autre un pupitre magistral autour desquels va s'organiser, au fur et à mesure de la psalmodie érotique, la dispersion des feuillets lexicographiques qui vont peu à peu joncher le sol de leur semence aphrodisiaque, c'est toujours la magie du violoncelle qui apporte les respirations musicales au vocabulaire tellement audacieux en valorisant présentement le doigté talentueux et sensuel de Pierre-François Dufour.

De l'auteur renommé au comédien aguerri se succédant ainsi à tour de rôles sur les planches, Jean-Pierre Marielle inverse en quelque sorte la posture de Jean-Claude Carrière, en paraissant soigner la mélancolie coquine à l'égard des choses de l'Amour là où la joyeuse malice brillait précédemment de tous ses feux didactiques.

Les subtilités de langage continuent de s'y confronter en exclusivité avec la crudité des saveurs linguistiques pour la meilleure des choses, mais la partenaire féminine s'y trouve rehaussée au niveau d'initiatrice en pulsions charnelles plus affriolantes les unes que les autres.

La félicité d'Agathe Natanson se déguste ainsi à vue d'oeil libertin alors que Jean-Pierre Marielle en intercepte avec délectation les fumets de l'imaginaire torride, hors d'atteinte du vulgaire.

C'est ainsi que pour avoir pensé la chose sans devoir en panser le moindre maux, Jean-Claude Carrière est devenu Maître d' Oeuvre.

Theothea le 14/05/07

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