Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

12ème  Saison     Chroniques   12.31   à   12.35    Page  196

 

       

La Tournée des Idoles au Zénith

- Âge tendre et Têtes de bois 2007 -

     

De Johnny Clegg à Renaud via Iggy Pop

Magistral Boomerang des Rolling Stones

60ème Festival de Cannes

A la recherche d'un soixantième anniversaire... à fleur d'écran

Les  MOLIERES

Palmarès  &  compte-rendu  2007

   

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FUGUEUSES

de  Pierre Palmade & Christophe Duthuron

mise en scène  Christophe Duthuron

****

Théâtre des Variétés 

Tel:  01 42 33 09 92

  

    Visuel extrait affiche  

Si l'art de la fugue devait s'adapter sur les planches en un "Macadam Women", celui-ci a définitivement trouvé son couple chic et choc en réunissant dans l'allégresse communicative Line et Muriel qui, depuis deux mois, enchantent le théâtre des Variétés.

Ce soir-là au coeur des grèves de transport public, la jauge remplie au summum de l'orchestre au promenoir, des phares éblouissants pouvaient lancer les trois coups de la cavale avec vingt bonnes minutes de retard sur cet happening en auto-stop, c'est d'emblée en état de grâce que deux générations de comédiennes se trouvaient happées, en complicité de rodéo initiatique, en tant que candidates au libre arbitre.

Si des affinités élégiaques ont contribué à associer comme par magie la reine des revues de music-hall avec la souveraine des sketchs comiques, c'est aussi qu'en coulisses deux auteurs réussissaient à modéliser une dynamique théâtrale en dix actes qui autoriseraient toutes les audaces de la fuite en avant.

En effet, Pierre Palmade et Christophe Duthuron, en pleine récidive de "Père et Fils" qu'ils concoctèrent autour de Pierre Richard la saison précédente, peaufinaient ainsi non seulement leurs automatismes d'écriture à deux mains mais, de surcroît, parvenaient à la quintessence d'un nouveau genre théâtral inspiré directement du 7ème art, celui de "Road-movie" qu'en l'occurrence Pierre Palmade baptiserait volontiers "Road-play".

Margot (Muriel Robin) en rupture de responsabilités familiales oppressantes et Claude (Line Renaud) refusant l'impasse d'une maison de retraite, se rencontrent fort inopinément sur une aire d'autoroute imaginaire où elles vont être enclines à faire monter les enchères d'une évasion en duo pour mieux faire les quatre cents coups qu'elles n'auraient jamais osé s'accorder en solo.

Dire que les deux actrices sont embarquées dans une escapade dont elles ne peuvent contrôler les motivations originelles est d'autant plus à porter à leur crédit artistique que ce scénario improbable à leur personnalité respective leur donne ainsi, à l'une et à l'autre, l'opportunité exceptionnelle d'un rôle de composition magistrale en double commande.

Ainsi sur le ring de leurs frasques, jambe souple et droit dans les yeux de sa partenaire, Line Renaud, à l'aube de ses 80 ans, brûle d'un feu tellement incandescent que tout à cet enthousiasme expansif, Muriel Robin, bien dans sa tête et sa silhouette, couve d'un regard protecteur son aînée avec qui elle a l'inestimable privilège de jouer ce duel a parité affective.

Alors, au moment même où Claude vient d'être réélue, à son insu, "Mamie Glaïeuls" dans sa résidence éponyme stigmatisée comme mortifère, Line Renaud a l'immense plaisir d'annoncer aux spectateurs du vendredi 16 novembre que Muriel Robin va sans doute emporter le surlendemain à New York l'"Emmy Awards" du meilleur rôle féminin pour son interprétation de Marie Besnard, c'est peu de dire qu'à cet instant la réalité semble rejoindre la fiction en osant prendre le rêve pour une telle évidence que celui-ci ne pourra dès lors avoir l'outrecuidance de se refuser.

Theothea le 22 novembre 07

WEST SIDE STORY

musique  Leonard Bernstein

mise en scène  Jerome Robbins

****

Théâtre du Châtelet 

Tel: 01 40 28 28 40   

  

    Photo ©  Marie-Noelle Robert

Pour le retour de West Side Story, cinquante ans après sa création théâtrale à New York, le véritable drame est que le mal évoqué, d'une certaine jeunesse cloisonnée socialement et culturellement dans l'Upper West Side d'alors, est devenu plus que jamais d'actualité dans les banlieues de l'hexagone.

En effet, au début des années soixante, lors de sa sortie en France, le film aux 10 oscars apparaissait comme une transposition sociologique de Roméo et Juliette dans les bas-fonds de Manhattan avec en couleur locale, la lutte ethnique de deux bandes rivales qui se disputaient leurs parts d'un territoire balisé.

Mais d'emblée, seul le chef d'oeuvre artistique prenait le pas sur toute autre considération, tant sa réalisation relevait de la perfection musicale et chorégraphique. Rapidement chacune des chansons du livret (Jet song, Something's coming, Dance at the gym, Maria, America, One hand one heart, Quintet, Tonight, Cool, I feel pretty, Somewhere, A boy like that, I have a love, Gee Officer Krupke) devenait un succès à part entière contribuant à la renommée universelle de cette comédie musicale jamais égalée depuis.

Aussi, face à cette production du 50ème anniversaire labélisée "originale", il faut dire que la tentation est grande de se laisser à nouveau emporter par l'émotion originelle que la mise en scène de Joey Mckneely, ex-danseur et assistant de Jérôme Robbins à la création, ainsi que la direction d'orchestre de Donald Chan viennent sublimer dans un théâtre du Châtelet refait à neuf.

Ainsi, la perspective visionnaire de l'oeuvre étant implicite à la toile de fond du synopsis, c'est à nouveau la transgression de l'art qui sera en charge, le cas échéant, du réveil subliminal des consciences sociopolitiques, et c'est tant mieux ainsi !...

Place donc au lyrisme de Broadway actualisé par les costumes acidulés de Renate Schmitzer, sous les lumières de Peter Halbsgut vibrant du bleu au rouge-orangé:

Telles, au balcon d'un Opéra de légende, les voix se développent, se correspondent, s'enlacent au mieux du choeur des instruments, alors que les coeurs des chanteurs battent la contre chamade à l'unisson, au rythme des coups exacerbés par la composition de Leonard Bernstein et les paroles de Stephen Sondheim.

Oui, c'est bel et bien Tony et Maria qui ne cessent de se courtiser sur les marches des escaliers de secours dans les arrière-cours des gratte-ciel de Manhattan, alors que l'abstraction structurée des décors mobiles de Paul Gallis semble directement renvoyer à la stylisation esthétique de la fameuse affiche du film mythique.

David Curry et Davinia Rodriguez d'une part, Sean Attebury et Ann McCormack d'autre part se relaient en alternance pour incarner le couple inconcevable par les Sharks autant que par les Jets.

Mettant le feu au poudre, le fantasme de cet Amour impossible se heurtera de surcroît au désespoir d'Anita, qu'elle soit Lana Gordon ou Vivian Nixon, puisque l'enjeu de la Tragédie a envoyé de profundis Bernardo (Gabriel Canett) son fiancé et qui plus est, frère de Maria.

Trois morts au combat de rues viendront au final étayer la thèse d'irréductibilité des esprits et c'est en désespoir de cause que se refermera le rideau de scène sur les illusions perdues, à fleur de peau, dans la re-célébration d'un romantisme moderne en diable...

Mais au-delà des confusions communautaires et comme un poème venu des abîmes de la souffrance, s'élève encore et toujours l'ultime supplique des deux amoureux:

" There's place for us,

Somewhere a place for us,

Peace and quiet and open air

Somewhere.

There's a time for us,

Someday a time for us,

Time together with time to spare,

Time to learn, times to care

Some day!

Somewhere

We'll find a new way of living,

We'll find a way of forgiving,

Somewhere... "

Theothea le 01/12/07

LES PRECIEUSES RIDICULES

de  Molière

mise en scène  Dan Jemett

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Théâtre du Vieux-Colombier 

Tel: 01 44 39 87 00  

 

 

Quand Jean-Marie Bigard ose "Le bourgeois gentilhomme" en jogging fluo version rap de banlieue, certains crient au sacrilège en fustigeant les outrances d'une relecture démagogique là où, néanmoins, d'autres plus intuitifs perçoivent que les syncopes de l'air du temps peuvent aussi insuffler du feeling à des alexandrins qui se mettent alors à balancer des vannes incisives grâce auxquelles ils agissent en pourfendeurs de l'hypocrisie collective.

Ce énième degré de la dérision a ses vertus autant que ses écueils; aussi pourvu qu'il soit dirigé d'une main de fer sachant à coup sûr où Molière voulait toucher juste, il est pertinent que Muriel Mayette, l'Administrateur général des trois salles de La Comédie Française ait souhaité, à son tour, que l'une d'entre elles s'essaye à déverrouiller les règles conventionnelles pour faire surgir un spectacle phénoménal, tel une bombe à anticipations.

De toute évidence, Dan Jemmett était le metteur en scène qu'il fallait au Vieux Colombier pour dynamiter de l'intérieur toute la préciosité du patrimoine, en pleine conscience que le ridicule n'a jamais tué quoi que ce soit.

Aussi, en un acte et huit personnages servis par six comédiens a parité du masculin au féminin, un show psychédélique digne des "Blues Brothers" surgit en un cabaret à front renversé des âges si ce n'est des sexes, pour des numéros d'acteurs que la Cage aux folles n'eût pas osé espérer en bonus.

Catherine Hiegel et Andrzej Seweryn mènent de concert "Les précieuses ridicules" au tempo effréné d'un bal des vanités que Catherine Ferran et Serge Bagdassarian ne cessent respectivement de tirer à hue et à dia.

En père tourneboulé par les modes, Pierre Vial tente de maintenir coûte que coûte le cap d'une bourgeoisie en quête du bon parti.

En Madame Loyal, Véronique Vella tire les marrons du feu qu'une excellente médiatrice se doit de servir aux exigences des parvenus du grand monde, que celles-ci soient feintes ou non.

Vues en perspective depuis le canapé blanc à tout négocier, trois cabines d'essayage donneront le change à des tours de passe-passe que l'énergie des illusions figera en autant d'arrêts sur images d'ego en rut.

Au final, Molière y trouvera largement son compte, car la salle se sera tellement esclaffée durant une heure un quart qu'il serait vain de faire semblant de s'offusquer alors que cette mascarade aura respecté à la lettre le texte et l'esprit des Précieuses.

Theothea le 03/12/07

THALASSO

de  Amanda Sthers

mise en scène  Stéphan Guérin-Thillié

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Théâtre Hébertot

Tel: 01 43 87 23 23  

  

    Visuel:  extrait  affiche 

Si au-delà d'une cure de Thalasso pouvait se profiler une cure de jouvence, bon nombre de prétendants aux soins thermaux gageraient tous leurs espoirs dans un surplus d'amour arraché à l'inertie de la désespérance.

En outre, si le goût du jeu et du gain aléatoire devait l'emporter sur toute autre perspective rationaliste, comment ne pas comprendre qu'une floppée de candidats aux remèdes miracle se retrouvent gros jean en compagnie d'alter ego à l'infortune éclectique ?

Ainsi, en se côtoyant en salle de soins, Aristide, Jean, Gérard vont-ils découvrir dans le regard de l'autre, de quel bois fragile est faite l'armure censée les protéger de l'adversité.

Mais que diable sont-ils venus faire aux fins fonds de la Bretagne pour accepter de recouvrir de boue vertueuse les corps meurtris à l'aune de leurs âmes en errance...

Trois femmes tournent et s'agitent autour du trio au point de contrarier les projets en suscitant de nouvelles ambitions en même temps que de vaines revanches sur le sort.

Du couple complémentaire au duo mal assorti en passant par le tandem qui joue avec le feu, tous obéissent aux lois implicites de la résignation sans jamais parvenir à devenir responsable de leurs destins.

Gouvernés davantage par des états d'âme plutôt que par des convictions, les uns et les autres slaloment parmi les identités en désarroi alors que le cancer tant physiologique que psychologique les guette au coeur de leur présence existentielle au monde.

Et pourtant, c'est bien une comédie drôle et touchante qu'a concocté Amanda Sthers et c'est donc dans le deuxième degré voir davantage si affinités, qu'elle fait évoluer ses personnages en les observant enpêtrés dans les mailles d'une toile que ceux-ci se complaisent à tisser autour d'eux.

Psychiatre, cancérologue et autre chômeur s'y débattent dans l'humour noir et le cynisme, au point d'en paraître paradoxalement bons vivants.

Josiane, Alexa ainsi que l'esthéticienne seront-elles en mesure de les arracher à cette dépression latente alors qu'ils évoluent tous ensemble, accoûtrés en des peignoirs blancs uniforme, au rythme d'un temps pseudo thérapeutique, suspendus entre vie et mort ?

Là où Eric-Emmanuel Schmitt aurait pu rêver de transcendance, Amanda Sthers renvoie à des caricatures de chair et d'os, le cas échéant vainqueurs d'un concours à une cure totalement gratuite.

Dans un décor à dominante bleu piscine avec cabines de bains assorties, Gérard Darmond, Thierry Fremont et Jean-Philippe Ecoffey se livrent à un jeu de société où chacun teste l'atavisme mâle de ses partenaires dans sa relation avec le sexe opposé alors qu'en arrière-plan la maladie, le conditionnement et le quant-à-soi se disputent ce qu'il reste des consciences en déroute.

C'est pourquoi chacun faisant ce qu'il peut avec son poids du fardeau humain, le metteur en scène tend une main amusée mais bienveillante à tous ceux qui voudraient passer de l'autre côté du mouroir.

Theothea le 07/12/07

LA NUIT DE VALOGNES

de  Eric-Emmanuel Schmitt

mise en scène  Régis Santon

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Théâtre Silvia Monfort 

Tel: 01 56 08 33 88   

  

    Photo ©  Philippe Guerillot

En interrogeant le mythe de Don Juan à la lumière nocturne d'un manoir perdu dans la lande normande, le dramaturge, romancier, philosophe et cinéaste Eric-Emmanuel Schmitt signait, il y a 15 ans, sa première pièce de théâtre.

En y convoquant cinq femmes de conditions sociales diversifiées et de tous les âges, c'est au ban des accusés que l'anti-héros allait se trouver confronté en un procès d'intentions.

Tout de blanc vêtues, telles des nonnes, toutes avaient été successivement séduites puis bafouées par le démiurge qui leur avait dérobé l'innocence.

Le temps d'une nuit, l'auteur confronte les arguments à charge et à décharge tant du conquérant que de ses supposées victimes de l'Amour.

Après Avignon Off 2007, cette nouvelle création de Régis Santon s'est installé pour deux mois au Théâtre Silvia Monfort, dont il est à signaler l'heureux agrandissement de la cafétéria au profit d'un nouveau local d'accueil au public.

Alors en duchesse meneuse de revue, son épouse Marie-France Santon dirige les débats contradictoires que la comtesse (Anne Jacquemin) et autre Mademoiselle de la Tringle (Stéphanie Lanier) vont instruire à l'égard d'un Don Juan (Bernard Malaka) tellement coopératif qu'il en vient à renverser, quasiment à son insu, les preuves du forfait.

En effet, dès qu'elle semble toucher au but, la démonstration de culpabilité s'inverse du masculin au féminin, tel un boomerang lié aux lois immanentes de la dialectique érotique.

A cet exercice cérébral, Angélique (Vanessa Kryceve) est l'émissaire idéale qui se rebelle autant qu'elle succombe à l'instar de la chèvre de Monsieur Seguin qui aurait vaillamment lutté toute la nuit pour sa survie.

En revanche, renonçant définitivement à un dieu qui l'aurait abusée, Hortense la Religieuse (Camille Cottin) prendra une décision cohérente en conscience.

D'ailleurs si de manière concomitante, le paon adoré de la duchesse s'est tué en tentant crânement de s'envoler du balcon de son appartement, cette tentative mégalomaniaque devrait servir de leçon universelle afin d'éradiquer toute mythomanie.

Theothea le 10/12/07

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