Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

14ème  Saison     Chroniques   14.106   à   14.110    Page  249

 

                

           

Les  MOLIERES  2010 

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LES DOUZE PIANOS D'HERCULE

de  Jean-Paul Farré

mise en scène:  Jean-Claude Cotillard

****

Théâtre du Petit Hébertot

Tel:  01 55 63 91 78

 

     photo ©  Didier Pallagès  

   

Fa, ré sont les deux notes d’humour qui auront le dernier mot des travaux que Jean-Paul conduit maintenant, depuis deux ans, d’Avignon off au Petit Hébertot, alors que les représentations sont programmées jusqu’au 25 avril, à quelques instants de la cérémonie des Molières 2010, pour lesquels son spectacle est nominé en « Théâtre musical ».

Sans filet, autre que celui qui protège l’intérieur de son piano à queue des éléments perturbateurs d’harmonie, l’artiste se lance dans une épopée initiatique à la musicologie, apte à séduire tous les traumatisés du solfège scolaire.

C’est, donc, d’abord vers les plus jeunes que les effets comiques seront destinés, en cherchant désespérément la clef qui ferme le pupitre du clavier.

Lorsque celle-ci aura, enfin, été retrouvée sous le paillasson d’entrée de gamme, il faudra bien de la patience au musicien en herbe pour se coltiner à tous les apprentissages.

C’est pourquoi, le Maître es facéties lui facilitera la tâche, en déblayant tous les instruments de cuisine qui encombrent, fort importunément, les antres du piano, l’empêchant, donc, de sonner juste.

Avec son air de professeur Tournesol en exaltations fantasques, Jean-Paul Farré a l’intuition de l’invraisemblance qui fait sens et du mauvais mot qui explicite.

Partant, ainsi, sur de bonnes bases pédagogiques, un vaste panorama couvrant les trois révolutions pianistiques de 1850 à 1950, ponctuées de « Dernier Noël en famille… d’accueil » de Frédéric Pincho, de « Traversée du clavier d’est en ouest » par la musique pentatonique chinoise et enfin de « Giboulée II », en pastiche de la musique contemporaine, sera exposé en une performance parodique pleine de brio, de verve et de cascades.

En soixante quinze minutes, il balaiera les résistances qui encombrent toute mystification de la musique, empêchant, par la même, chacun de s’emparer du clavier pour en faire son terrain de jeu et de création.

En un sublime tableau où l’ensemble des marteaux du piano vont vibrer sous l’envahissement amiable d’une foultitude de balles de ping-pong, le virtuose en queue de pie effectue un ultime pied de nez magistral à tous les partisans d’une pratique artistique inhibitive.

Ouvrant, au contraire, les esprits à un imaginaire libéré des conventions, Jean-Paul Farré, sous son faux nez virtuel, agit, incontestablement, davantage pour l’attrait de la musique que tout décret institutionnel ne saurait y prétendre.

Cela mérite bien une nomination aux Molières, voire encore mieux, si affinités des votants, n’est-ce pas ?

Theothea le 01/04/10

LES FAUSSES CONFIDENCES

de  Marivaux

mise en scène:  Didier Bezace

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Théâtre de la Commune

Tel:  01 48 33 16 16 

 

     photo ©  Cat.S / Theothea.com 

   

Pour sa dernière représentation au Théâtre de la Commune, la jauge est quasi au complet et c’est avec deux nominations au compteur des Molières que le spectacle va pouvoir partir en tournée de printemps, voire davantage en cas de votes préférentiels du jury.

Avec ses comédiennes, ainsi à l’honneur, la mise en scène de Didier Bezace offre les meilleures garanties d’un théâtre de qualité dont la télévision public a retransmis en direct, la représentation du mardi 30 mars.

Toute la distribution concourt à cette démonstration des sentiments amoureux qui se coltinent avec détermination aux résistances de la société du XVIIème siècle, éminemment cloisonnées, en classes sociales hermétiques.

L’enjeu entre Dorante (Robert Plagnol) et Araminte (Anouk Grinberg) sera donc de réussir à pouvoir transgresser toutes les entraves psychologiques, morales et financières que leurs proches dressent autour de leur inclination mettant en porte à faux, leurs statuts socioculturels respectifs.

Les coups fourrés et autres médisances vont se multiplier en renforçant, à la surprise des commanditaires mal intentionnés, le rapprochement des amoureux car un démiurge veille au bon ordonnancement de l’objectif poursuivi.

Celui-ci a pour nom Dubois; ce valet zélé (Pierre Arditi) est effectivement d’un matériau perspicace mettant son point d’honneur, avec l’aide d’Arlequin (Alexandre Aubry) son alter ego, à retourner les évènements, d’apparence défavorables, en autant de chances à exploiter en leurs contraires.

Alors la mère (Isabelle Sadoyan) d’Araminte, l’oncle (Christian Bouillette) de Dorante et Monsieur le comte d’Orimont (Jean-Yves Chatelais) pourront toujours s’associer objectivement à contrarier l’attirance mutuelle des jeunes gens, ceux-là ne parviendront pas à déjouer l’esprit malin que l’amour est enclin à susciter, dès qu’il se sent menacé.

Selon une magnifique scénographie réversible de Jean Haas où peut se conjuguer de l’intérieur à l’extérieur de la villégiature, un archet des sentiments renvoyant chacun, entre tension et détente, dans les cordes d’un « ring de Tendre », l’imparable victoire à la carte, tout en points cumulés, est dûment programmée par Marivaux.

Toutefois l’auteur ne sera pas sans observer que le bonheur de Marton (Marie Vialle) va lui, en contrepartie, passer par pertes et non profits, puisque c’est ainsi que, de tous temps, chemine la passion amoureuse, rendant parfois les uns très heureux pendant que d’autres restent fort malheureux.

Le metteur en scène fera de cette constatation inéluctable, la scène ultime où Marton, la suivante dépitée, au pied du grand escalier, tendra vers le ciel un regard qui aurait pu, selon une version différenciée de l’Amour, être l’accomplissement de sa propre félicité.

Theothea le 07/04/10

LES JUSTES

d' Albert Camus  

mise en scène: Stanislas Nordey  

****

Théâtre de la Colline

Tel: 01 44 62 52 52

 

     photo ©  Elisabeth Carecchio  

   

En montant « Les Justes » au Théâtre de la Colline sous la toute récente direction de Stephan Braunschweig, Stanislas Nordey s’offre une image de marque rénovée à évaluer au prorata de l’ambition créatrice se conjuguant avec l’intention de dialectique morale mise à mal, en ces temps de pensée manichéenne.

En optant pour une démonstration scénique sobre, le metteur en scène offre à l’idéologie révolutionnaire, l’opportunité d’une tribune où la conscience malheureuse pourrait expliquer, au monde entier, les affres de ses propres contradictions.

En se référant à l’assassinat du grand-Duc, oncle du Tsar en 1905 à Moscou, où la parité d’une vie contre une vie aurait été le gage conceptuel de la lutte politique vouée à la cause du peuple, surgit au cœur du débat fomenté par les terroristes, un dilemme imprévu dans les plans initiaux de l’attentat:

En effet, la présence des deux jeunes neveux impériaux va inhiber, lors d’une première tentative, le geste criminel.

Cependant, en différant de quelques heures l’objectif révolutionnaire, la cause poursuivie va se trouver fragilisée sans que le passage à l’acte ultérieur ne puisse, par la suite, renforcer, sans failles méthodologiques, la cohérence doctrinale du groupe anarchiste.

Inscrivant l’incarcération du terroriste exécutant, en clef de voûte de la dramaturgie, Stanislas Nordey donne successivement aux trois interlocuteurs privilégiés du prisonnier, la responsabilité de mettre en question éthique la possibilité de rédemption de ce condamné à mort inéluctable.

Entre collaboration avec le pouvoir en place et accès au pardon divin tout en passant par la trahison à l’égard de ses ex-compagnons de combat, le révolutionnaire activiste sera éprouvé par un détenu devenu lui-même bourreau (Raoul Fernandez), le chef de la police (Laurent Sauvage) ainsi que la grande-Duchesse (véronique Nordey) elle-même, dans la tentation à une réintégration sociale de dimension humaine… en vain!

De nouveau carte blanche donc aux conspirateurs restés dans l’ombre, en quête d’une porte de sortie à la hauteur de leur engagement meurtrier, seule possibilité de respecter, à leurs yeux et au regard de l’Histoire, l’idéal de justice conçu par l’être humain, tout en s’affirmant solidaires du sacrifice absolu jusqu’au dernier d’entre eux.

Stanislas Nordey rend compte de cet enjeu complexe et paradoxal, en laissant les protagonistes aller jusqu’aux contradictions extrêmes des logiques en présence mais en se gardant d’y souscrire quelque jugement de valeurs.

En contre-égérie, Emmanuelle Béart joue son rôle d’activiste, délibérément une parmi les cinq (Vincent Dissez, Wajdi Mouawad, Damien Gabriac et Frédéric Leidgens), ni plus ni moins !

L’aura de l’actrice est assumée, à ce niveau d’exigence artistique, par ses sept partenaires, pendant que Stanislas Nordey, lui, joue concomitamment « Ciels » à l’Odéon Berthier, sous la direction de Wajdi Mouawad, lui-même présentement ici, l’un des quatre conjurés.

Chacun donc à sa place et tous pour l’autre.

Theothea le 08/04/10

JOURNAL D'UN CURE DE CAMPAGNE

de  Georges Bernanos  

mise en scène:  Maxime d'Aboville     

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Théâtre des Mathurins

Tel: 01 42 65 90 00

 

     illustration  Léa Kouper 

   

Si le Théâtre devait être une invite à la Littérature et le comédien un passeur de mots que le style réunit pour donner sens à la vie, Maxime d’Aboville aurait d’emblée trouvé sa voie, par instinct artistique.

En effet, choisir Georges Bernanos comme premier Maître pour se faire reconnaître, c’est se donner à la fois la chance de l’exigence alliée à celle de la découverte.

C’est ainsi que le comédien et son public vont cheminer a parité dans un texte qui semble soulever, emporter et être déterminé par infiniment plus grand que soi.

L’essentiel pour l’acteur est alors, simplement mais sûrement, d’être à la hauteur de la tâche, c’est-à-dire de savoir se modeler en toute humilité avec la voix qui raconte toute la misère du monde, sans chercher à apitoyer, mais avec l’unique souci de maintenir l’existence dans sa véritable dimension humaine.

Le « Journal » prend alors la valeur d’une chronique du début du XXème siècle au plus profond des campagnes françaises avec comme principal témoin, celui qui est censé connaître de l’intérieur toutes ses composantes locales, à savoir le curé du village.

En butte à des paroissiens rétifs autant que motivé par la quête d’éventuelles conversions, le prêtre donne à sa mission ecclésiastique la valeur d’un voyage initiatique en terre inconnue, celle des âmes en souffrance, à commencer par la sienne.

Malade au propre comme au figuré, ce représentant de l’église sillonne son terrain de prédilection, tel le berger en recherche constante des brebis égarées par les soubresauts de la vie.

L’interprétation de ce rôle par un jeune comédien, fraîchement émoulu par les cours de Jean-Laurent Cochet, donne le ton juste et l’authenticité de la « première fois » que l’expérience du savoir-faire ne peut trahir, en même temps que celle de la « foi première » s’avère à l’origine de toutes passions, qu’elles soient présentement d’ordre religieux ou artistique.

A chacun ensuite de choisir sa révélation qu’elle soit paroissiale, mystique ou même nominative aux Molières, puisque le spectacle vivant a pour vocation d’ouvrir toutes les portes de l’esprit, pourvu qu’il soit sain et spirituel.

Theothea le 12/04/10

LE THEATRE DE L'AMANTE ANGLAISE

de  Marguerite Duras

mise en scène:  Ahmed Madani

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Théâtre Artistic Athévains

Tel: 01 43 56 38 32

 

     photo ©  Cat.S / Theothea.com 

   

Au centre de la photo, l’interrogateur salue respectueusement le public latéral droit, alors qu’aux rappels, les trois comédiens se doivent tour à tour d’honorer les spectateurs de face et de gauche.

L’entourant d’avant en arrière, le couple des Lannes dont Marguerite Duras va tenter de percer le mystère, en rouvrant au scalpel, les cicatrices forcément jamais refermées sur l’assassinat d’une cousine germaine dépecée en morceaux et par la suite éparpillés un par un, chaque soir sur des trains de marchandise depuis un viaduc proche du lieu du crime.

Se référant à un fait divers authentique en fin des années quarante, l’auteur imagine, pour son roman et la pièce qui en sera tirée, ce personnage de la cousine sourde et muette, prenant la place de la victime réelle, à savoir Pierre Lannes, le mari.

Par cet effet de déplacement des attributions, les deux membres du couple se retrouvent a parité, face au meurtre dont personne ne connaîtra jamais les véritables mobiles malgré les aveux immédiats de Claire Lannes.

L’enquête se recadre ainsi sur trois personnages alors qu’un quatrième fictif s’approprie le rôle du mort, à l’instar d’une partie de bridge dont il faudrait avoir sans cesse présent à l’esprit, le jeu de chaque partenaire.

En effet, mu par une volonté de comprendre le pourquoi et le comment du meurtre, l’interrogateur tente de faire descendre l’entendement collectif dans les profondeurs de l’âme humaine, là où le passage à l’acte échappe à toute décision formulée.

La tête de la victime ne sera jamais retrouvée alors que Claire Lannes en conservera, à jamais, le secret lui permettant de rester, symboliquement, la seule dépositaire de l’énigme.

La mise en scène d’Ahmed Madani intègre le public à cette quête en le plaçant de part et d’autre d’un grand « U » blanc clinique, renversé sur le flanc.

L’interrogateur est lui-même mêlé aux spectateurs, comme si l’un d’entre eux pouvait prendre la parole pour demander des comptes à un démiurge non identifié, mais prenant successivement l’apparence, d’abord de Pierre Lannes (Laurent Manzoni) et ensuite de Claire Lannes (Elisabeth Macocco).

Bien entendu, l’interrogateur (Nicolas Pignon) ressortira frustré et dépité de cette dialectique qu’il aura suscitée de sa propre initiative.

Impossible d’extraire plus de compréhension de ce happening que si Marguerite Duras avait interrogé la pulsion de mort sur sa volonté d’en finir avec la pulsion de vie !…

Place donc au style littéraire et à l’obscur objet du désir, d’en faire du théâtre.

Theothea le 13/04/10

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