Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

17ème  Saison     Chroniques   17.036   à   17.040    Page  309

 

                                 

   

              

     

   

     

              

   

            

     

65ème Festival de Cannes 2012

sous ondée crépusculaire

   

Les Molières 2012

Point de vue de Theothea

   

R E V I V A L

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NOUVEAU ROMAN

          

de & mise en scène  Christophe Honoré

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Théâtre de la Colline

Tel: 01 44 62 52 52    

 

           photo ©  Jean-Louis Fernandez  

               

Partir d’une photo pour scénographier la destinée d’une entité littéraire aspirant à devenir le groupe de références à nul autre pareil, à l’exception de ce qui fut nommé « La nouvelle vague » dans la sphère du cinéma, c’est bien ainsi que se constitua « Le nouveau roman » réunissant une brochettes d’écrivains qui avaient alors pour point commun d’être publiés aux Editions de Minuit dirigées par Jérôme Lindon.

Christophe Honoré s’emparait de la célèbre photo où se côtoyaient Alain Robbe-Grillet, Claude Simon,

Claude Ollier, Claude Mauriac, Jérôme Lindon, Samuel Beckett, Robert Pinget, Nathalie Sarraute en attente…. de Michel Butor et Marguerite Duras pour donner le top départ à une écriture théâtrale rassemblant, par plans dramaturgiques, autant de séquences où s’exercerait un rapport de forces créatives sans doute complémentaires mais surtout déjà chacune fortement autonome.

Se distinguer du classicisme pesant sur les esprits en état léthargique, tel était le leitmotiv de cette union de circonstances où chacun devrait pouvoir trouver son compte de révolution collective.

La reconnaissance universelle allait ponctuer cette marche forcée à coup de prix prestigieux alors qu’ Alain Robbe-Grillet tentait d’en prendre la direction idéologique.

Au-delà des soubresauts du monde littéraire à travers ce mouvement influent d’après guerre, Christophe Honoré fait ici, avant tout, œuvre de spectacle vivant, par excellence ! En effet, grâce à cette intuition libératoire, de faire jouer à ces comédiens le rôle de passeurs et non d’interprètes d’illustres écrivains, l’aisance de ceux-là est immédiate car leurs rôles deviennent, de facto, les narrateurs d’une formidable partie de cache-cache à distance respectable.

Quatre heures durant lors de la création à Avignon ramenées à une de moins en tournée de passage au Théâtre de la Colline, les arts de la scène se conjuguent au gré de dispositifs ingénieux bien qu’artisanaux où se marient les ressources audiovisuelles de témoignage historique disséminées dans l’amphithéâtre suggérée en manière formelle de décor.

Que reste-t-il du Nouveau Roman, de ces frasques et autres insubordinations notoires ? C’est paradoxalement Françoise Sagan qui pourrait en être l’avatar ou le dernier rejeton, elle qui viscéralement ne pouvait appartenir à aucune école, en est peut-être devenue l’emblématique symbole d’un esprit frondeur n’en faisant qu’à sa tête.

Christophe Honoré ne cherche pas tant le message codé derrière l’écriture qu’en définitive une certaine solidarité implicite, celle qu’il cultive au sein des artistes qu’il se choisit pour accompagner et participer à ce formidable voyage de comédiens.

Theothea le 22/11/12

ZERO S'EST ENDORMI ?

de  Valérie Alane   

mise en scène   Christophe Lidon   

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Théâtre Artistic Athévains

Tel: 01 43 56 38 32    

 

           photo ©  Theothea.com  

                 

Déjà dans Starmania de Michel Berger, Zéro (Janvier) clamait au monde: « J’aurais voulu être un artiste » !… Le Zéro de Valérie Alane, lui depuis longtemps, se voit au lit pour mieux profiter du délire onirique accédant à toutes les audaces imaginaires !

Mais avec le temps, c’est bien connu tout s’en va et, dans la position couchée, le risque est grand de s’endormir sur des béatitudes.

Aussi, fort opportunément, l’auteur et Christophe Lidon ont-ils pris conjointement la décision de réveiller le bel endormi et de lui accorder une nouvelle jeunesse en le parant d’une scénographie exploitant les ressources audiovisuelles.

Et c’est précisément dans cet esthétisme accompagné de ses envolées chorales et musicales que cette création rencontre son bien-fondé avec l’univers du rêve, éveillé ou non !…

Depuis l’origine du projet, le texte n’a cessé d’être matière à réflexion, à modifications et à restructuration ! Sans doute, n’en a-t-il pas terminé avec sa carrière de fantasmagories en gestation dans l’inconscient, abordant par exemple la mythologie antique a parité avec le désir d’intrusion dans un néoréalisme représentatif.

Ainsi les mots pourraient servir de tremplin argentique ou numérique pour maîtriser l’essence du rêve par le biais de la photographie qui, ainsi, permettrait de saisir la pensée évanescente et d’en figer ses acteurs, échappant jusque là à toute rationalisme objectif.

L’idée de faire télescoper le réel et l’irrationnel en un choc des mots s’associant sous le regard d’exégètes scrutant et analysant le pourquoi du comment, est en soi un défi périlleux mais on le comprend, l’intention est de tenter d’approcher, de manière artistique et donc créative, du domaine onirique qui ne cesse d’échapper à notre entendement humain.

Six acteurs dont l’auteur s’emploient donc, sur la scène du Théâtre Artistic Athévains, à pointer le zéro et à cerner l’infini de façon à débusquer l’imaginaire en cavale et lui faire rendre sa part de vérité.

Theothea le 17/11/12

LES ENFANTS TERRIBLES

d'après Jean Cocteau  

mise en scène  Stéphane Vérité   

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Théâtre  de l'Athénée

Tel: 01 53 05 19 19    

   

           photo ©  Frédéric Demesure  

     

Note d’intention

        

Cette production lyrique s’est construite sur la personnalité de jeunes chanteurs ayant l’âge des rôles, dont la proximité physique avec les caractères dessinés par Jean Cocteau a donné une couleur particulièrement prégnante à l’interprétation.

      

Une merveilleuse épure

L’opéra Les Enfants terribles est un conte fantastique, une histoire étrange où l’on joue l’amour contre la mort. Les enfants nous entraînent dans leur monde onirique, où s’inventent d’autres codes pour d’autres vies. La simplicité de la partition et des thèmes musicaux libère notre pensée et laisse le monde des enfants doucement nous envahir. L’interprétation chantée que nous proposons des Enfants terribles se définit par la retenue : pas ou peu d’emphase dans le chant, un travail conduit par la respiration organique, et une approche simple et précise de la gestuelle scénique. Autant le jeu des interprètes est dans la retenue, autant la scénographie joue avec le merveilleux et la grande illusion.

La projection en trompe l’œil donne à voir des mondes réels en perpétuelle transformation, dessinant les fantasmagories du monde des enfants… Cette opposition complémentaire entre le jeu des interprètes, des chanteurs, et les métamorphoses de l’espace scénique, construit les principes de mise en scène. Comme pour le film La Belle et la Bête, réalisé par Jean Cocteau, le fantastique et l’étrange surgissent dans le traitement des espaces en opposition avec "la simplicité" du jeu des comédiens.

      

Espace

L’espace des Enfants terribles, c’est la chambre. Un lieu clos, replié sur lui-même, une carapace où chaque soir se donne le théâtre des enfants. Le monde extérieur en est absent. La chambre est une et multiple. Elle se réinvente, d’une maison à l’autre. Les enfants s’y perdent. Les enfants y vivent, sans gêne comme les deux membres d’un même corps. La scénographie de l’opéra est la chambre, archétype de toutes les chambres. L’espace est cerné par des lumières au centre du plateau, une sorte de ring dont les bords se perdent dans l’obscurité. Au lointain, un mur gris-blanc, réceptacle des images du décor numérique. Le mur du fond est tulle. Il permet de faire apparaître et disparaître les chanteurs. Il devient mur de pierre, ciment ou fumée ruisselante. Les corps flottent dans des miroirs où se perdent dans les brumes d’une marche somnambulique. Autour du lointain, les reliefs se révèlent par la projection d’image sur d’autres supports posés en avant du tulle.

   

                 

             photo ©  Theothea.com  

           

Penser l’image

L’image a deux sens, l’un métaphorique et poétique, l’autre suggère le temps et l’espace.

Ces dispositifs du lointain permettent d’exploiter au mieux l’élément central de notre travail, la création de décor numérique. Dans le même esprit que la scénographie du spectacle Zatoïchi, l’image couvre l’ensemble du fond de scène et les autres panneaux. L’image est en mouvement continu, elle accompagne en douceur le jeu dans sa progression dramatique sans s’imposer. Chaque forme, chaque objet, chaque matière projetés sont créés par l’infographie et donc exactement adaptés au support.

Ces réalisations sont des créations graphiques, elles se dessinent pixel par pixel afin de répondre précisément à la demande de la mise en scène. Le mobilier de scène se compose de deux lits qui se déplacent. Les chanteurs doivent pouvoir les manipuler sans l’aide de machiniste.

Stéphane Vérité

ANNE ROUGE(MANOFF)

     

de & par Anne Roumanoff

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Théâtre du Palais Royal

Tel: 01 42 97 40 00  

 

           photo ©  Theothea.com  

                     

Lors de son spectacle « Follement Roumanoff » à Bobino, nous écrivions en 2003:

« … D'une certaine manière, la progression permanente de son talent et de son professionnalisme finit par faire craquer l'enveloppe de ses sketchs qui tendent à rester confinés dans une succession de caricatures certes réjouissantes mais toujours "bon enfant"!....

Comme si l'observation et l'esprit d'analyse de la comédienne n'osaient pas encore, après quinze années de carrière, à autoriser l'autonomie réelle de l'auteur à une véritable écriture satirique!...

Comme si l'artiste et sa metteur en scène québecquoise Louise Latraverse considéraient le public comme une ancre à laquelle il fallait sans cesse se référer plutôt qu'à transgresser!....

Et pourtant Anne Roumanoff est de toutes évidences capable d'un tel saut périlleux qu'elle devrait tôt ou tard effectuer pour son plus grand bénéfice... »

….Sans doute le rire des spectateurs deviendrait-il plus complexe, mais ceux-ci lui seraient reconnaissants d'accéder avec elle, à un regard différent au lieu de caboter trop proches des simples rivages de la plaisanterie !... »

Dix ans plus tard et après 25 années de carrière, çà y est ! Voilà ! La Rouge Manoff existe par elle-même et à part entière. La talentueuse « seule en scène » a fait sa révolution professionnelle ! Restée à l’écoute de son public, elle lui tend désormais un miroir, à peine déformant, où celui-ci peut contempler les ravages de la candeur et de l’auto-complaisance.

Anne Roumanoff stigmatise les travers de ses contemporains, toujours avec sourire et bienveillance, mais dorénavant elle n’est plus dupe d’elle-même; elle sait que le spectateur est prêt à battre sa coulpe de manière collective, d’autant plus qu’elle-même est aussi naturellement adepte de l’autodérision.

Place donc à un feu d’artifice permanent durant cent bonnes minutes où, peut-être, il faudrait ralentir, à certains moments, l’enchaînement des sketchs ou des harangues successives par des pauses improvisées, manière Bedos père ?

Rouge de pudeur voilée, de plaisir non dissimulé et de colère induite, la comédienne monte sur les barricades du spectacle vivant pour y célébrer le rouge dorures que le Théâtre du Palais-Royal peut se vanter de cultiver dans les contrastes d’une programmation à la fois grand public tout en étant en phase avec les préoccupations sociales et même politiques de l’époque.

Non, Anne Roumanoff ne déteint pas dans ce décor haut de gamme, car tout simplement, elle est bien dans sa robe rouge au-dessus du genou mais surtout bien dans sa tête d’artiste impliquée mais distanciée !

Theothea le 23/11/12

BILLIE HOLIDAY

de & par Viktor Lazlo   

mise en scène Eric-Emmanuel Schmitt  

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Théâtre Rive Gauche

Tel: 01 53 05 19 19    

 

            photo ©  Theothea.com  

       

Depuis qu’Eric-Emmanuel Schmitt a repris le théâtre Rive Gauche, il souffle sur Montparnasse un vent classieux !

En cette fin d’année, deux spectacles sont à l’affiche de cette salle complètement rénovée; auteur de l’un, le directeur est aussi metteur en scène de l’autre.

Ainsi actuellement « Le Journal d’Anne Frank » avec Francis Huster est-il précédé de « Billie Holiday » avec Viktor Lazlo.

D’une conception subtilement originale, ce show d’une heure un quart louvoie entre concert et biopic en utilisant dans la grande largeur de cette salle, la scène et ses deux à-côtés, afin de susciter l’illusion panoramique.

A jardin, s’installe très Jazz cabaret un orchestre de quatre musiciens, Michel Bisceglia au piano, Werner Lauscher à la contrebasse, Nicolas Kummert au saxophone et Mark Lehan à la batterie alors qu’à cour, débute l’histoire de Viktor Lazlo découvrant sur l’électrophone les standards de la Diva adorée.

C’est parti : l’une devient l’autre par un tour de passe-passe de l’ingénieur du son et voici donc l’hommage de Viktor à Billie qui prend son envol en investissant la scénographie centrale composée de trois panneaux différenciés, disposés en quinconce et destinés à être le support visuel des témoignages d’archives autant que des gros plans sur la chanteuse et son modèle préféré.

Rejoignant alternativement ses partenaires pour des sessions personnalisées, c’est un véritable récital d’une vingtaine de classics dont, par exemple, l’éternel « Summertime » qui s’enchaînera aux commentaires d’une carrière pleine d’aléas liés aux mœurs de l’époque.

Sur « Georgia on my mind », les deux chanteuses se retrouveront, par la magie de la synchronisation du son et de l’image, à pouvoir interpréter en duo leur partition commune.

Aucune de ces deux voix merveilleuses ne faisant de l’ombre à l’autre, c’est donc dans l’excellence que se poursuit cette rencontre au sommet du blues dont le principal bénéfice est de réussir à marier au présent la nostalgie des souvenirs d’anthologie.

Tous gagnants, Billie Holiday, Viktor Lazlo, Eric-Emmanuel Schmitt et son théâtre Rive Gauche, au point que les spectateurs, les musiciens et toute l’équipe ont la nette sensation de partager un moment suspendu entre rêve éveillé et état de grâce !

Theothea le 08/12/12

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