De la bicyclette à la contrebasse, il ny a quun
pas, celui de lengagement physique quil est nécessaire
dadopter pour pratiquer sérieusement ces deux disciplines.
Clovis Cornillac en comédien athlète semble, pour les causes
respectives du Cinéma et du Théâtre, les avoir si bien
assimilés, que pour peu, il pourrait apparaître à la
fois comme cycliste et musicien professionnels.
Sur la scène de la salle Réjane au Théâtre
de Paris, après déjà une année de tournée
depuis la création à Nice, Clovis fait figure de toréador
subtil, bien décidé à maîtriser linstrument
et captiver le public.
Au sein du décor conçu par Jean-Pierre Laporte, lartiste
évolue en ouvrant des placards et autres tiroirs muraux desquels sortent,
comme à guignol, toutes les preuves de son affection pour la musique
en général et de sa passion pour la contrebasse, en
particulier.
Mais, cest précisément en raison de cette emprise
dévorante que lhomme va se sentir peu à peu isolé
du monde environnant, à commencer par lamour secret quil
porte à une jeune soprano appelée Sarah sans jamais oser se
distinguer du reste de lorchestre pour quenfin celle-ci le
remarque.
Si, daprès notre souvenir, linterprétation de
Jacques Villeret en 1995 focalisait davantage sur le rapport quasi charnel
que celui-ci entretenait sur scène avec sa contrebasse, en insistant
sur létat débriété progressive
semparant de toutes ses spéculations, y comprises
métaphysiques, a contrario Clovis Cornillac, malgré
louverture incessante de cannettes de bière, sans aucun doute
factices, semble ici tout au contraire être atteint par une lucidité
de plus en plus clairvoyante au point den devenir nerveux, voire en
colère contre ce merveilleux instrument dévoreur de libido.
Ainsi, occupant totalement le temps et lespace scénographique
selon des séquences en rupture les unes par rapport aux autres, le
comédien, par ses mimiques et postures, tient le public en haleine
dans un flux oral swingué à merveille.
Theothea le 25/01/14