Point de canapé rouge sur scène, encore moins de divan
dédié, comme sil fallait demblée faire mentir
le titre de la pièce, afin de faire table rase des idées toutes
faites sur la cure analytique !
En effet, celle-ci se déroule avant tout dans le mental de
lanalysé, agissant en interaction avec celui de lanalyste.
Cest de cette confrontation en miroir que va surgir la ligne directrice
du texte de Jean-Luc Solal : « Faire face ».
Mais avant de parvenir aux applications concrètes de ce remède
empirique, il faudra le détour de la cure, en prise directe avec
« le mal de vivre », ici représenté par
« le mal de jouer ».
Quel meilleur lieu, en effet, pour revivre les traumatismes originels,
que lespace et le temps de la répétition
théâtrale soffrant en perspective tout le champ des failles
possibles ?
Cest bien ce que semblent avoir compris tous ensemble, Colombe,
Erwann, Julia, Charles & Vincent qui, dans une répartition de
rôles métaphoriques, vont semployer à intriquer
ceux du metteur en scène, du psychanalyste et de son conseiller face
à deux figures féminines archétypales, complémentaires
ou rivales selon les situations, dune part, la comédienne
maléable à souhait et dautre part, la provocatrice
systématique.
Paradoxalement, tout ce beau monde aura pour mission théâtrale
de rendre lestime de soi accessible à chacun, de manière
à neutraliser les options contre-performantes telles que
lagressivité, la fuite ou la soumission, devenant de fait
caduques.
« Faire front » ou « faire face »
vont donc apporter des réponses structurantes en refusant lattrait
fallacieux du « lâcher prise » :
La mise en scène de Jean-Luc Solal sappuie
délibérément sur des rôles
stéréotypés en les poussant au bout de leur logique
qui, inévitablement, se retournerait contre eux si, de manière
concomitante, il ny avait la volonté affichée de faire
uvre thérapeutique tout en distillant une ironie distanciée
à légard de toutes les velléités
dorgueil mal placé.
Au début de la pièce, la prise de conscience par Colombe
(Claire Tatin) de son mal-être engendré par les
répétitions de Don Juan, sous la mise en scène
dErwann (Grégory Ondet), lamène à consulter
un psy. Il sagit, en loccurrence, de Vincent (Jean-Luc Solal)
qui va devoir, lui-même, rapidement se confier à Charles
(Stéphane Berger), son analyste didactique, du problème relationnel
quil rencontre avec Julia (Olga Shuvalova), jeune femme jouant
étrangement avec les codes de la séduction.
A terme, Colombe finira par réussir à tenir tête aux
manipulations de son metteur en scène alors que Vincent parviendra,
lui, à se focaliser sur un modèle féminin
bénéfique à sa personnalité.
Toutefois, pour parvenir à cet objectif, il faudra quà
ce jeu de rôles, Erwann et Julia aient parfaitement rempli leurs fonctions
respectives de mouche du coche devant pousser la comédienne et le
psy aux confins de lexaspération dépressive.
Si le rôle dErwann, malgré son outrance de gourou des
planches, est dautant plus crédible que son abus de pouvoir
vis-à-vis de Colombe est manifeste, il nous a semblé, en revanche,
que celui de Julia létait moins car, jusquau bout de la
pièce, le spectateur ignore les motivations réelles de la jeune
femme à vouloir ainsi provoquer Vincent.
Olga Shuvalova aura dautant plus de talent à incarner cette
composition de « garce » quil lui faudra camper,
en de courtes séquences démonstratives, ce rôle de
séductrice comptant sur le hasard pour justifier son omniprésence
opportune sans cependant être en mesure den dévoiler
la raison signifiante.
Cette pièce contemporaine haut de gamme a lambition, à
la fois, de distraire par la caricature en même temps que de mettre
en lumière dynamique le fléau sociétal du harcèlement
tout azimut rencontré à tous les étages des
hiérarchies sociales.
Le « faire face » prôné en viatique à
toute tentation desquive est profondément pédagogique
mais comme il nécessite, de manière corollaire, la pratique
subtile du relativisme face à toute situation de stress relationnel,
celui-là relèvera sans doute davantage de la bonne intention
que dune panacée clefs en mains !
Il nempêche, cette pièce de Jean-Luc Solal invite,
avec humour latent, à une réflexion bien documentée
sur la démarche « psy » plongée au cur
des rapports de force eux-mêmes conjugués au quotidien sous
réactualisation permanente.
Theothea le 13/04/15