Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques   de

  

23ème  Saison     Chroniques   23.26   à   23.30    Page  438

 

     

          

             

   

       

   

       

Boeing-Boeing - Daunou  © Theothea.com    

     

       

     

   

     

                

     

     

     

           

     

71ème Festival de Cannes 2018

La Croisette 2018

   

Les Molières 2018

Les Nominés & Lauréats 2018

Les Molières 2018

           

R E V I V A L

Stones 14 on Fire Paris

Wight ! + 48 années après

     

Toutes nos  critiques   2018 - 2019

Les Chroniques de   Theothea.com   sur    

   

THEA BLOGS                    Recherche   par mots-clé                    THEA BLOGS          

BOEING-BOEING

« Boeing-Boeing » Frank Leboeuf copilote le turn over amoureux au Daunou

   

de Marc Camoletti

mise en scène  Philippe Hersen

avec  Véronique Demonge, Frank Leboeuf, Thierry Samitier,  Cyndy Cayrasso, Marinelly Vaslon & Caroline Ami

****

     

Théâtre  Daunou 

   

© Theothea.com

                                                     

Sur un rythme délibérément ternaire pour une croisière en trois actes intriquant trois hôtesses de l’air face à trois protagonistes, Bernard, Robert & Berthe, eux, bien décidés à maintenir l’illusion optique de la partenaire unique entre chaque escale à Orly, la Comédie de tous les records de reprise écrite par Marc Camoletti en 1958 atterrit à Paris, soixante ans après sa création, franchissant l’affiche du Théâtre Daunou dans une orchestration relookée et décomplexée signée Philippe Hersen.

Au travers d’une perspective vintage où le noir & blanc règnerait en puzzle sur le décor et les costumes, la couleur chair des bras, jambes et visages vient contraster le souvenir télévisuel façon « Au Théâtre ce soir » d’avec présentement la sublimation stylisée de six comédiens en pleine transe genre comique.

Mais attention, c’est du sérieux d’être fiancé ! Aussi Bernard, architecte de son état célibataire, organise-t-il un planning synchronisé entre les vols de différentes compagnies aériennes pour maintenir son futur mariage en suspension éthérée.

En effet Jacqueline, Janet & Judith se succèdent-elles dans un ballet suffisamment cadencé pour que jamais, ô grand jamais, ces prétendantes exclusives à leurs propres yeux n’aient l’opportunité malheureuse de se rencontrer dans l’appartement des retrouvailles.

Pour réussir ce tour de passe-passe permanent, deux acolytes ne sont pas de trop pourvu qu’ils épousent la cause à plein régime.

Robert, admiratif de son ancien camarade de lycée, va déployer un trésor de subterfuges gagnants qui n’auront pas tous, loin de là, les résultats escomptés.

Quant à Berthe, la gouvernante, elle pourrait presque se présenter comme la cheville ouvrière de tous les états amoureux transversaux, à ses dépends ou non mais, à coup sûr, avec une malignité cocasse.

Dans ce contexte de transit incessant, les trois hôtesses auront beau jeu de claquer les portes du vaudeville chacune selon son feeling spécifique mais toujours selon cette grâce féminine fédératrice obligeant les deux mâles à réviser, au fur et à mesure, leur stratégie conquérante tombant peu à peu en brèche jusqu’à ce qu’un baiser impromptu change la donne.

Alors, peut-être, sera-t-il désormais envisageable de remettre du sens et de l’identité adaptés à chacune de ces relations désordonnées !

Tout cela est léger, charmant, drôle et plein d’espièglerie; la dégaine cool de Frank Leboeuf n’y est pas pour rien; la verve (en l’occurrence provençale) de Thierry Samitier décoiffe ses répliques à l’emporte-pièce et le regard pincé de Véronique Demonge valide à rebours la posture masculine téméraire pendant que les trois jeunes femmes, tour à tour, se relaient pour assurer la posture séductrice sinon affective qui sied à un tel envoûtement collectif.

Bref, Boeing-Boeing çà décolle à plein tube pseudo romantique et c’est précisément pour cela qu’un happy-end lui va si bien !

Theothea le 20/11/18       

             

   

© Theothea.com

              

CYRANO

Le « Cyrano » de Lazare Herson-Macarel en tournée 2019 après La Tempête

     

de  Edmond Rostand 

mise en scène  Lazare Herson-Macarel  

avec  Julien Campani, Philippe Canales ou Eric Herson-Macarel, Céline Chéenne, Eddie Chignara, Joseph Fourez, Salomé Gasselin ou Julie Petit, David Guez, Pierre-Louis Jozan, Morgane Nairaud, René Turquois & Gaëlle Voukissa   

****

     

Théâtre de La Tempête

en tournée 18-19 & 19-20

   

© Theothea.com

     

Encore un Cyrano! Allez-vous penser. C'est qu'il y a en a eu de nombreuses mises en scène !…

Citons parmi les plus récentes, celle de Dominique Pitoiset, en 2016, avec un Philippe Torreton métamorphosé; au Ranelagh, celle de Jean-Philippe Daguerre avec un Stéphane Dauch masqué; à la Comédie Française, celle de Denis Podalydès avec un flamboyant Michel Vuillermoz…

Et la pièce continue à attirer les jeunes metteurs en scène comme Lazare Herson-Macarel qui nous en propose sa vision au théâtre de la Tempête.

Car Cyrano sera toujours un somptueux divertissement poétique qui libère la parole, d'une ahurissante virtuosité, porté par les alexandrins d'Edmond Rostand célébrant avec panache la grandeur, le désintéressement, la générosité.

Cyrano est ici monté par une troupe de jeunes (Compagnie de la Jeunesse aimable) qui, d'entrée de jeu, empoigne la pièce avec une débordante jubilation.

Des brouhahas fusent de toutes parts et, dans une cacophonie générale, les comédiens envahissent les gradins où le public est installé. Ils s' interpellent dans les allées en nommant un certain Cyrano dont ils parlent longuement et qui les fait languir. L'illusion du théâtre dans le théâtre est ainsi créée et l'attente de l'extravagant devient de plus en plus fébrile.

Quand il surgit sur la scène, ce dernier n'est pas chaussé des traditionnelles bottes de mousquetaire et, en guise du grand chapeau emplumé, est coiffé d'un simple bonnet.

Plus âgé que les autres comédiens, c'est Eddie Chignara dont on avait savouré la truculence dans le Dindon de Philippe Adrien dans ce même théâtre qui, d'une voix tonitruante, endosse le personnage avec un évident plaisir de jouer et, tout en énergie émotionnelle, batailleur ou amoureux éperdu, porte les vers sans les souligner, évitant le surjeu.

Entouré de deux musiciens, un duo de batterie et viole de gambe, et de neuf comédiens qui, au moyen de changements ultra-rapides de costumes (Alice Duchange), interprètent pas moins de 45 personnages, bourgeois, marquis, poètes, pâtissiers, cadets gascons, gens du peuple ou soldats au moment du siège d'Arras, précieuses ou religieuses, c'est avec un esprit de tréteaux et de farce italienne qu'ils parcourent la scène dans un enthousiasme communicatif.

Tous sont animés par une joyeuse ardeur à célébrer la valeur inestimable des mots, ceux qui ridiculisent la bêtise des hauts placés, ceux qui chantent la mélancolie d'un amour impossible, celui de Cyrano pour sa cousine Roxane, ou ceux déclamés avec une profonde sensibilité par Ragueneau, le pâtissier, dont il faut souligner, ici, la puissante prestation de David Guez (prix Olga Horstig 2017 présidé par Emmanuelle Devos) qui, emphatique tragédien, livre un vibrant plaidoyer pour la poésie.

Rien de spectaculaire dans le décor totalement épuré. Des praticables interchangeables manipulés à vue (Ingrid Pettigrew) permettent de concrétiser un espace: de l'Hôtel de Bourgogne au 1er acte à la rôtisserie des poètes dans le second, ou le balcon de Roxane campée par Morgane Nairaud à la voix suavement éraillée, pour la scène du fameux baiser. On saute sur une estrade, on vitupère, on arrangue, on se querelle, on dresse une table festive à la vitesse grand V avec des victuailles et des choux à la crème en abondance.

C'est pétillant comme du champagne, picaresque à souhait et les 5 actes de la pièce de Rostand passent à vive allure. Lazare Herson-Macarel a su en donner une version sonore très rythmée en dépoussiérant le côté ferrailleur des mousquetaires et en faisant de Cyrano un être à la fois solide et généreux qui refuse les compromissions mais aussi un être fragile qui se place au second plan et fait preuve d'abnégation au profit de Christian, jeune cadet, lequel bénéficiera de ses chants d'amour. A eux deux, ainsi associés par une secrète complicité, ils créent un parfait héros romantique.

Le metteur en scène a refusé la reconstitution historique et mis l'accent sur l'homme double qu'est Cyrano, lumineux par son esprit mais restant dans l'ombre au profit d'un autre, un homme explosif qui souffre en silence jusqu'au douloureux sacrifice du renoncement.

Monter cette pièce, c’est montrer un homme particulièrement humain et c'est aussi « donner une fête populaire, au véritable sens du terme, fête qui rassemble les gens les plus différents pour un festin de mots, d’intelligence, d’énergie vitale ».

 Cat’S / Theothea.com le 29/12/18  

                   

© Theothea.com

              

RADIEUSE VERMINE

« Radieuse Vermine » Recherche Bonheur versus Monstruosité au Petit Montparnasse

     

de  Philip Ridley 

mise en scène  David Mercatali  

avec  Joséphine Berry, Floriane Andersen & Louis Bernard   

****

     

Théâtre du Petit Montparnasse

   

© Jessica Forde

             

Les photos du spectacle présentant sur fond de décor blanc virginal trois jeunes comédiens beaux, propres et lisses n’invitent point a priori aux doutes sur l’image de candeur dont ils sembleraient dépositaires.

A vrai dire, le couple formé par Fleur & Olive n’est pas réaliste et devrait relever davantage du conte loufoque et fantastique mais cela ne fait qu’accroître sa valeur exemplaire et métaphorique du monde moderne où se dévoie la part d’humanisme dont chacun d’entre nous hérite à la naissance.

En effet, ils sont gentils et sympas, ces futurs parents du bébé annoncé mais cependant, à peine arrivés sur scène, ils éprouvent l’impérieux besoin de se justifier aux regards des spectateurs en confiant que, de leur union, est survenue rapidement une grande réussite mais qu’ils s’étonnent encore des moyens redoutables qu’il leur a fallu mettre en œuvre, quasiment contre leur gré… mais paradoxalement avec leur assentiment.

Certes, Fleur & Olive n’ont pas gagné le grand prix de la loterie nationale, toutefois, en acceptant de rénover une maison par eux-mêmes, c’est la gratuité de cette acquisition imprévue qui s’offre, en promotion ou autre coup de baguette magique, comme perspective heureuse de leur prochaine vie en famille agrandie.

Mais voilà que, de leurs acquiescement et adhésion à ce projet mirifique dont ils ne connaissent que l’objectif attrayant, va s’enclencher une spirale compensatrice dans laquelle à tout progrès pragmatique correspondra une entité vivante détruite.

En termes paraboliques, cela signifiera que, dans leur nouvelle maison, pour toute pièce rénovée sans frais par l’opération du saint-esprit, sera délibérément sacrifiée, de manière systématique et quasiment aléatoire, la vie d’un de leurs contemporains beaucoup moins favorisés par la destinée.

En outre, une chose serait de constater ce phénomène sociétal morbide mais une autre serait, par surcroît, d’y prendre goût et d’en devenir addict.

Alors que ce processus infernal de réhabilitation se développe avec grande efficacité, voici que tout le quartier devient peu à peu résidentiel et c’est donc au sein d’une grande fête réunissant tous leurs nouveaux voisins que sera atteint une sorte d’apothéose chorégraphique où les deux partenaires interpréteront pléthore de portraits caricaturaux ô combien significatifs et s’exhiberont, pour la cause, en une performance scénique époustouflante.

Au terme du conte, les tourtereaux seront de nouveau confrontés au tiers opportun, cette fée du logis « attribué gratis », prenant en l’occurrence les traits séduisants d’une représentante immobilière gouvernementale, et devront, de manière prosaïque, répondre à l’ultime question « Stop ou encore ? » induisant une éventuelle surenchère « gagnant - gagnant » mais pour qui ?

On l’aura compris, cette fable théâtrale formidablement écrite par Philip Ridley, spectaculairement dirigée par David Mercatali, et dynamiquement jouée par Joséphine Berry, Floriane Andersen & Louis Bernard, a pour évidence de renvoyer chacun des concitoyens face au miroir du double confronté à l’alter ego systémique.

Liberté de choix face au concept du « progrès », voilà de quoi, autant lucidement que cyniquement, faire joyeusement réfléchir les consciences.

Theothea le 01/12/18

   

                   

© Theothea.com

              

LA RONDE

de  Arthur Schnitzler 

mise en scène   Jean-Paul Tribout  

avec   Lea Dauvergne, Caroline Maillard, Marie Christine Letort, Claire Mirande, Xavier Simonin, Laurent Richard, Jean Paul Tribout, Alexandre Zekri, Florent Favier   

****

     

Théâtre 14  

   

©  LOT

                                                     

Le parti pris de Jean-Paul Tribout est clair : Sa mise en scène de « La Ronde » est une ode au plaisir tel que celui-ci peut être fantasmé de nos jours à l’égard des mœurs autrichiennes en cours à la fin du XIXème siècle à Vienne.

Afin d'actualiser le concept circulaire en exacerbant la notion de manège, au propre et au figuré, c’est-à-dire à la fois ce qui « tourne en rond » et en même temps ce qui constitue un « comportement habile pour parvenir à ses fins », la scénographie aide à mettre en place l’impression ludique participant au plaisir charnel, partagé en l’occurrence par cinq hommes et cinq femmes qui se relaient sur scène à tour de rôle pour faire couple successif en perspective de l’acte sexuel.

Rompant avec la distanciation critique voire la dénonciation habituelle concernant de telles pratiques annonciatrices de décadence morale, la spécificité de la présente réalisation focalise l’intérêt du spectateur sur la griserie et l’excitation suscitées par cette continuité de rapports luxurieux se répondant systématiquement les uns aux autres.

Savoir si cette perception sociétale peut faire cohérence avec l’intention de Arthur Schnitzler soulève, au demeurant, une problématique quant au sens à donner à cette pièce sentant le souffre.

Theothea le 19/01/19

                 

     

© Theothea.com

              

L'AUTRE FILLE

« L’Autre fille » d’Annie Ernaux de retour aux Déchargeurs

     

de  Annie Ernaux 

mise en scène  Jean-Philippe Puymartin  

avec  Marianne Basler

****

     

Théâtre  Les Déchargeurs 

   

©  Julien PIffaut

   

Quelque part entre le dédoublement de personnalité et la quête de l’alter ego, l’auteur Annie Ernaux pose les jalons d’une interrogation immanente concernant sa sœur terrassée par la diphtérie à l’âge de six ans environ deux années avant sa propre naissance.

La problématique insidieuse va procéder du silence de leurs parents s’apparentant au déni existentiel, auquel paradoxalement devrait s’ajouter une préférence avouée à un tiers qu’Annie découvrira au détour d’une conversation maternelle interceptée par hasard :

Désormais, le choc ressenti lors de cet aveu « l’autre fille était plus gentille » la maintiendra en état de défiance permanente vis-à-vis de ses parents qui, sans doute relativement insatisfaits de la « substitution » de l’une par l’autre, maintiendraient secrètement une nostalgie valorisée à l’égard de leur première fille ainsi disparue.

Ce non-dit vital ayant persisté durant toute leur vie de couple, ce n’est qu’après leur disparition, que la romancière décidera d’écrire une lettre adressée à cette sœur méconnue d’elle-même mais ayant eu un tel impact sur sa propre existence.

Comment se situer par rapport à cette aînée dont la maladie fatale aura permis à Annie de voir le jour ?

Comment se sentir dépositaire, a posteriori, d’une destinée dans laquelle Annie s’est inscrite au plus haut point en accaparant la chambre de l’absente, son lit, ses vêtements, son cartable et ainsi être devenue une sorte de double, malgré soi, de cette personnalité forcément différente voire étrangère à elle ?

Comment admettre, a contrario, qu’elles auraient pu toutes deux être proches dans leur sororalité alors même que les circonstances et le mutisme ambiant avaient choisi délibérément de les rendre interchangeables ?

Au Théâtre Les Déchargeurs, la résidence de cette création à succès sera prolongée par une reprise début 2019 selon la même co-mise en scène de Jean-Philippe Puymartin & Mariane Basler.

En effet, c’est donc ce lourd tribu aux relations identitaires que la comédienne a choisi d'incarner sur scène en une implication d’autant plus intense que cette dénégation ontologique lui en rappelle une autre très intime la concernant et qu’il pourrait en être ainsi pour chaque spectateur interpellé en son propre vécu mémoriel.

Ainsi Marianne, interprète aguerrie et engagée, s’interroge à haute voix ou même dans le chuchotement sur le ressenti s’emparant de sa « présence au monde » jusqu’à la faire douter de sa volonté à vivre à la place de l’autre… tout à la fois manquante et néanmoins omniprésente.

Assise devant un petit bureau, les feuilles d’écriture noircies se succèdent en brouillons à chiffonner tant le poids des mots inexacts pèsent davantage que le désir impérieux de communiquer au plus juste avec celle qui, au-delà des apparences, ne devrait jamais recevoir la lettre qui lui aura ainsi été dédiée… à moins que les forces de l’esprit soient plus déterminées que ces malentendus tellement douloureux s’interposant entre les êtres, ici-bas ou ailleurs.

Theothea le 19/01/19

               

     

©  Julien PIffaut              

Recherche   par mots-clé

 

 

   

   

        

     

      

       

Radieuse Vermine - Petit Montparnasse © Theothea.com

 

       

   

   

   

     

          

     

     

     

          

     

La Ronde - Théâtre 14  © Theothea.com