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Les    Chroniques   de

  

23ème  Saison     Chroniques   23.51   à   23.55    Page  443

 

     

          

             

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RABBIT HOLE

« Rabbit Hole » Julie Gayet a mené résilience aux Bouffes Parisiens

     

de  David LINSAY-ABAIRE

mise en scène  Claudia STAVISKY

avec  Julie GAYET, Patrick CATALIFO, Lolita CHAMMAH, Christiane COHENDY & Renan PREVOT

****

     

Théâtre des  Bouffes Parisiens

   

©  Simon Gosselin

         

Lorsqu’en 2017 « Rabbit Hole » fut créée à Lyon au Théâtre des Célestins par Claudia Stavisky, Julie Gayet remontait sur les planches après les avoir désertées durant 20 années.

Par la suite, cette pièce allait effectuer une tournée hexagonale venant de se clore mi-mars 2019 après deux mois de résidence aux Bouffes Parisiens.

La comédienne, ayant jusqu’ici davantage favorisé sa carrière cinématographique, aura ainsi renoué, en cette opportunité théâtrale, avec l’immense satisfaction de ressentir en direct les émotions du public.

Car ce n’est point une périphrase que d’affirmer que la perte accidentelle d’un enfant de 4 ans laisse nécessairement sa famille dans un tel état de prostration que rien ne semble être en mesure d’en modifier l’anéantissement aussi bien individuel que collectif.

David Lindsay-Abaire fait débuter sa pièce huit mois après l’accident fatal survenu devant la maison d’où le chien s’est enfui poursuivi par Danny qui allait être renversé par une voiture dont Jason, le conducteur âgé de 16 ans, venait d’obtenir le permis.

Si les circonstances purement factuelles peuvent être résumées de cette façon, le tissu relationnel réunissant Becky la mère (Julie Gayet), Howard le père (Patrick Catalifo), Izzy la tante (Lolita Chammah) et Nat la grand-mère (Christiane Cohendy) apparaît, au lever du rideau, particulièrement instable et fébrile, sans que le spectateur ne soit averti du drame préexistant.

Et c’est ainsi que durant toute la représentation seront distillés les tenants et aboutissants d’une situation par essence insupportable mais que le processus de résilience va entraîner à rebours dans son sillage en fonction d’un principe de vie plus fort que la consternation elle-même.

Cependant cet engrenage vertueux ne va pas de soi sans une implication volontaire de chacun des membres de la famille qui ne progressent pas au même rythme.

Et donc les uns, par leurs maladresses inconscientes ou simplement leurs découragements cycliques agiront, à certains moments, en frein redoutable alors que d’autres prendront le relais destructeur à l’occasion d’une remarque malheureuse ou mal à propos.

Au cours de cette série d’atermoiements, la tendance au grand nettoyage par le vide cherche son enjeu salvateur à travers l’envie de jeter sans distinction tout ce qui appartenait à l’enfant, y compris ses jouets et peluches et même élargissant ce champ d’intervention volontariste, en mettant en vente la maison elle-même…

De petits déclics psychologiques déterminants se succèderont néanmoins à l’insu de chacun des protagonistes, en améliorant les perspectives de fin du tunnel au prorata d’une scénographie qui symbolisera ingénieusement quelques soulagements en allégeant le décor domestique et en privilégiant la transparence.

Cet esprit d’ouverture se focalisera bientôt sur une rencontre redoutée avec Jason (Renan Prévot), l’adolescent malencontreusement meurtrier, lui-même bien sûr choqué durablement mais ayant décidé d’écrire un conte inspiré par les univers parallèles qui le fascinent tout en le dédiant métaphoriquement à Danny.

Becky en sera profondément touchée, sinon convaincue de cette démarche ésotérique alors que Howard restera longtemps sur la défensive et réfractaire à cette diversion.

Mais on l’aura compris, l’objectif poursuivi par l’auteur étant, de toute évidence, de permettre à la lumière du jour de venir peu à peu s’imposer de nouveau à tous, sa dramaturgie se terminera sur un judicieux message d’espoir à la satisfaction générale.

Theothea le 08/03/19

             

© Theothea.com

LA DEGUSTATION

« La Dégustation » Isabelle Carré en radieux lâcher-prise à La Renaissance

     

de & mise en scène   Ivan Calbérac

avec  Isabelle Carré  &  Bernard Campan   

****

     

Théâtre de La Renaissance

   

©  Charlotte Spillemaecker

     

Avec Jacques, Hortense, Steve et les autres fréquentant régulièrement la petite cave à vins qui pourrait s’apparenter à « La petite boutique au coin de la rue » ayant fait le bonheur du Théâtre Montparnasse en 2002 avec 5 Molières pour 9 nominations, l’atmosphère légère et surréaliste du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain » n’est pas loin d’imprégner la mise en scène d’Ivan Calbérac, auteur de cette « Dégustation » en forme de comédie romantique.

« Se souvenir des belles choses » de Zabou Breitman avait déjà réuni, également en 2002, Isabelle Carré et Bernard Campan avec, à la clef, trois Césars.

Sans doute ce fruit cinématographique de la mémoire collective contribue-t-il à l’engouement spontané au profit de cette nouvelle création délicieusement œnologique qu’ainsi le public plébiscite actuellement à jauge complète au Théâtre de La Renaissance.

Alors qu’a priori un véritable collier de clichés y pourrait donner l’impression de voler au-dessus des pâquerettes, l’intelligence de cette pièce est de mettre en place des personnages attachants cherchant leur vérité au sein d’un carcan sociétal qui les corsète selon des postures idéologiques plutôt cadenassées bien que le naturel, lui, ne demanderait qu’à revenir au galop.

Et pour provoquer le lâcher-prise général, quoi de mieux qu’un vin de qualité à consommer avec modération, autrement dit à déguster en réunion d’affinités d’autant mieux si, de surcroît, « Petite Fleur » de Sidney Bechet venait l’agrémenter ?

Qu’à cela ne tienne, voici donc Hortense de La Villardière (Isabelle Carré) à la recherche d’un vin de messe dont elle ne connaît pas l’appellation mais qu’elle a pu apprécier au presbytère de son curé.

Voulant offrir une bonne bouteille lors de son prochain repas hebdomadaire avec des SDF, elle vient demander conseil à Jacques (Bernard Campan) en entrant pour la première fois dans sa cave de dégustation.

Lui, d’emblée bougon et ironique, est sur la défensive systématique bien qu’il soit empressé à satisfaire sa clientèle quelles que soient les motivations opportunes des néophytes comme des aficionados.

Toutefois pour que deux solitudes bien ancrées dans leur quant-à-soi respectif aient quelques chances de briser la cuirasse, la survenue d’un tiers est souvent la bienvenue d’autant plus si celle-ci contraint les deux premiers à prendre position.

Ce sera donc au tour de Steve (Mounir Amanra) à faire irruption, ce n’est pas un euphémisme, au sein du duo en train de ramer avec leur prêchi-prêcha de circonstance.

A la manière d’un Mathieu Kassovitz ex-débutant comédien, celui-là déboule, poursuivi par les sirènes de police, succédantes à un vol plus ou moins avorté dans la bijouterie voisine.

Comment d’emblée penser à la réinsertion de ce jeune sous liberté conditionnelle en lui octroyant une place de stagiaire dans la présente cave à vin ? Ce sera pourtant l’impulsive initiative d’Hortense se mettant en peine de convaincre Jacques par l’exposé de sa brillante idée généreuse.

Autant dire qu’il y aura fort à faire pour obtenir l’accord du patron !…

Mais, voilà, grâce à un rendez-vous en dégustation programmé avec la compagnie joyeuse mais paradoxale d’un médecin (Olivier Claverie) et d’un libraire (Eric Viellard), visiteurs assidus, de séduisantes perspectives pourraient éventuellement prendre place au rang desquelles de nouveaux chemins de vie auraient quelques velléités à faire rêver de « châteaux en Espagne »… si d'aventure la PMA (procréation médicalement assistée) devait être reconnue comme une option heureuse à un amour à peine naissant...

A cet instant clef, la préférence pour l'auteur sera de laisser à chacun le soin de fantasmer la suite des destinées croisées dans son conte si merveilleusement théâtral.

Theothea le 11/03/19

             

© Theothea.com

BELLS AND SPELLS

« Bells and Spells » Aurélia Thierrée s'affiche cleptomane à l’Atelier

     

de & mise en scène   Victoria Thierrée Chaplin   

avec  Aurélia THIERRÉE  &  Jaime Martinez

****

     

Théâtre de l'Atelier

   

©   Richard Haughton

             

En créant, il y a quelques cinquante ans, le cirque Bonjour, Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée fondaient également une famille dont Aurélia et James allaient devenir partie prenante de l’univers artistique parental tout en le prolongeant de leurs propres compétences respectives.

C’est ainsi que « Bells and Spells » est la troisième création où Aurélia, sous la mise en scène de sa mère, est au coeur d’un imaginaire qui associe autant les idées que les formes fondues sous une esthétique qui, en soi, constitue le fil conducteur et thématique.

En partant, cette fois-ci, d’un personnage cleptomane dont les compulsions semblent impossibles à réfréner, la valse d’objets hétéroclites apparaissant et disparaissant au gré de transformations instantanées et souvent inattendues va nourrir une soif intangible de répétitions, de manipulations et de détournements formant un geste à la fois poétique et étrange dont la traduction française du titre par « Vols de nuits » est bel et bien significative d’un jeu de mots aspirés par les forces obscures.

En donnant vie, durant plus d’une heure au sein d’une pénombre sous éclairage aléatoire, à un malicieux tour de passe-passe continu jouant avec les drapés de tout acabit, les profils biscornus, les silhouettes mystérieuses, nul ne s’étonne de contempler une porte à tambours en plein escamotage, une sculpture de porte-manteaux déambuler dans la préhistoire animalière ou une marionnettiste se faire aspirer la chevelure.

Ainsi le surnaturel donne l’illusion de prendre possession de notre esprit tout en substituant, le temps d’un instant, l’appartenance des objets au monde de l’inanimé pour en échafauder le fantasme d’une agitation fébrile ajustée à notre perception fugitive.

Car, ne nous trompons pas, en agençant et en juxtaposant ces sketchs disparates, Victoria donne à Aurélia le pouvoir de s’abstraire de la pesanteur terrestre mais celle-ci, en retour, provoque chez l’observateur attentif un irrésistible besoin de donner du sens à ce qu’il voit ou ce qu’il croit voir…

Et c’est bel et bien dans cette focalisation sans cesse remise en question que s’exerce une fascination hypnotique dont le spectateur se sent, à son corps défendant, la proie tétanisée, consentante voire émerveillée.

Son fidèle partenaire (Jaime Martinez) assure avec maestria, à l’instar des deux spectacles précédents « L’Oratorio d’Aurélia » et « Murmures des murs », l’enveloppement chorégraphique de cette hallucination fantomatique.

Pour eux deux, les courbes rétroactives se délient comme les songes dont ils sont porteurs et si leur mirage duel se boucle sur la salle d’attente initiale, c’est à la manière d’une boîte à musique dont il suffirait de remonter le ressort pour que la magie réapparaisse immédiatement d’un seul coup de baguette.

Theothea le 10/03/19

                 

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LE FAISEUR DE THEATRE

de  Thomas Bernhard   

mise en scène   Christophe Perton  

avec  André Marcon, Manuela Beltran, Éric Caruso, Barbara Creutz, Agathe L’Huillier & Jules Pélissier

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Théâtre  Déjazet

   

© Theothea.com

                                                       

En inventant un décor qui soit le prolongement sur scène de la salle du Théâtre Déjazet, à la fois son double en même temps que son miroir inversé, le metteur en scène Christophe Perton et la comédienne Barbara Creutz ont imaginé cet espace théâtral de bout du monde voulu par Thomas Bernhard comme un lieu à la fois décati, désuet mais également proche d’une réalité tangible à chaque spectateur.

Bruscon et sa famille peuvent y venir faire leur numéro de création, l’hôtelier (Eric Caruso) et sa fille (Manuela Beltran) seront prêts à les accueillir pour assurer la représentation du soir et leur faciliter la mise en place et les répétitions.

Mais voilà, le « faiseur » sera d’emblée insatisfait des conditions et des modalités de travail qui l’inciteront à fustiger, dénoncer, vitupérer et faire régner le profond mécontentement de l’artiste piégé dans un contrat impossible à assumer sans détériorer profondément le sens et la qualité de l’œuvre à accomplir face au public.

Au sein d’une logorrhée sans fin autant que répétitive, André Marcon aura ainsi l’aisance de l’artiste omnipotent clamant au monde son mépris, son dédain, sa hargne, sa haine du travail non abouti en raison de l’incompétence généralisée de ceux qui l’entourent, à commencer par son équipe de bras cassés familiale, à savoir son épouse (Barbara Creutz), son fils (Jules Pelissier) et sa fille (Agathe L’Huillier), suivie de ses hôtes incapables de faire respecter des consignes sine qua non telles que celle du noir absolu hors de scène durant la représentation, et enfin du public qui, par vocation, ne sera pas tenté de répondre « présent » dans cet endroit isolé de tout et forcément sans ambition culturelle digne de ce nom.

Bref, les conditions objectives se mêlent aisément aux impératifs subjectifs que ne cessera de soulever durant presque deux heures, la performance d’un comédien, en pleine maîtrise de son art, réduisant d’autant mieux l’incapacité de ses partenaires à exceller dans leur propre domaine de prédilection autre que celui d’obéir, de se taire, d’exécuter des ordres dont, manifestement, ils ne peuvent comprendre la portée.

Chacun restera dans son rôle jusqu’au bout du bout, permettant de la sorte au « faiseur » de parcourir les étapes successives de l’itinéraire le coupant résolument et définitivement du partage, du partenariat et de la solidarité.

Cet échec patenté revendiqué haut et fort par Thomas Bernhard résonne comme une métaphore de l’acte théâtral haï autant qu’admiré dans ce monde de médiocrité où le contexte tend à rabaisser le projet idéal au profit du compromis démagogue sans que personne ne s’en offusque, à l’exception précisément du réputé auteur autrichien.

Theothea le 23/04/19

         

                  

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COMME EN 14

de Dany Laurent  

mise en scène  Yves Pignot 

avec  Marie VINCENT, Virginie LEMOINE, Ariane BROUSSE, Katia MIRAN & Axel HUET

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Théâtre La Bruyère

   

©  LOT

                                                     

A la création de "Comme en 14", 5 nominations et 3 Molières distinguèrent la pièce de Fabrice Melquiot; sa reprise au Théâtre La Bruyère s'est effectuée selon la mise en scène originale de Yves Pignot avec une quasi nouvelle équipe de comédiennes parmi lesquelles Virginie Lemoine en composition savoureuse d'une comtesse désappointée rythmant fort opportunément mais aussi par désoeuvrement la versatilité d'un quotidien plein d'aléas dans cette antenne médicale avancée proche de la ligne de front en 1916 où le désespoir devait laisser place au pragmatisme.

C'est précisément la responsabilité de Mademoiselle Marguerite ( Marie Vincent ), seule interprète restante de la version originelle, que de mener tambour battant son équipe d'infirmières toujours prête à assumer l'insoutenable.

Suzy (Ariane Brousse) & Louise (katia Miran) assurent, quant à elles, deux postures comportementales symétriques, militante féministe pour la première & fille de famille bourgeoise pour la seconde.

Chacune de ces jeunes femmes en commando de soins aura ainsi son propre positionnement social et psychologique affichant des réactions, des motivations, des ambitions contradictoires mais en définitive complémentaires dans l'élan vital indispensable à tous.

En contraste Pierre (Axel Huet), le fils d'Adrienne l’aristocrate meurtrie dans ses convictions, s'apparentant à un cas d'attardé mental fort dépendant de sa mère, aura pour principale activité celle de perturber, à son insu ou non, l'ordonnancement des bonnes volontés.

Une véritable tranche de vie entre parenthèses belligérantes et donc tragiques mais illustrant fort bien les ressources potentielles de la nature humaine, en l'occurrence spécifiquement féminine, lorsque celle-ci est directement confrontée au réalisme et à la fatalité de l’existence.

Theothea le 22/04/19

   

                  

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