Julie, Grand reporter téléportée pour la circonstance
au cur de la troupe de Jean-Baptiste Poquelin, emmène le spectateur
de La Comédie-Française contemporaine en apnée dans
cet emblématique vivier de création théâtrale
que le XVIIème siècle a inventé conforme à sa
propre image sociétale.
En effet, répondant à linvitation dEric Ruf
secrétaire du Français, Julie Deliquet lactuelle directrice
du TGP, y réalise sa troisième mise en scène après
« Vania » au Vieux-Colombier ainsi que « Fanny
et Alexandre » déjà sur le plateau de la salle
Richelieu et donc, désormais, elle vient parachever lhommage
du 4ème centenaire de Molière en cette fin de saison 21-22
avec « Jean-Baptiste & les autres »
Envisagée, en quelque sorte, comme une dynamique de groupe
sintégrant entre le collectif et lintime, la
réalisatrice entend privilégier lécoute entre
tous les comédiens là où limprovisation
travaillée au plateau se concevrait dans lobjectif dune
maturation finale.
Ainsi au jour de la Première, le public assiste à
laboutissement de la version scénographique qui se sera
imposée delle-même entre plusieurs répétées
à partir du même texte.
Celui-ci aura été préalablement extrait et agencé
par Julie Deliquet, Julie André et Agathe Peyrard à partir
de trois uvres créées par Molière dans leur
simultanéité successive entre 1662-1663.
Devant un décor dauberge en coupe frontale avec mezzanine
enveloppant intégralement le volume de lavant-scène tout
en suggérant un arrière-plan de lieux domestiques mêlant,
des coulisses jusquau plateau, vie privée en intimité
et vie de troupe en créativité...
voici que surgissent comme les bons diables dune boîte à
musique Mlle Madeleine Béjart (Florence Viala), Mlle Du Parc (Elsa
Lepoivre), Mlle Molière (Adeline d'Hermy), Mlle De Brie (Pauline
Clément ), Du Croisy (Serge Bagdassarian), Brecourt (Hervé
Pierre), La Grange (Sébastien Pouderoux) et Jean-Baptiste Poquelin
dit Molière (Clément Bresson) qui vont se donner la réplique
à lemporte-pièce, là où dautres
choisiraient de mandater leurs doubles pour se protéger dintrusions
adverses dans leur domaine de prédilection que serait Le
Théâtre en train de se construire sous le regard médusé
des spectateurs.
Mais pas nimporte quels spectacles de tréteaux mais bel et
bien ceux dont lauteur allait être prochainement nommé
par Louis XIV « responsable des divertissements de la
Cour ».
Le Roi a dailleurs fait annoncer dans « Limpromptu
de Versailles » quil allait venir en personne pour
apprécier le filage de ce spectacle où Jean-Baptiste Poquelin
dresse une sorte dautoportrait de la fonction du metteur en scène
dirigeant les répétitions de sa troupe.
Ce point de vue focal jouxtant les mises en miroir et en abîme
soffre à Molière comme une heureuse opportunité
de se stigmatiser lui-même en se moquant par ricochet de ses
détracteurs.
Il sétait déjà essayé
précédemment à cet exercice quil affectionne
particulièrement tant il fait mouche sur les rieurs en rédigeant
« La critique de lécole des femmes »
répondant avec pertinence à « Lécole
des femmes » pour laquelle daucuns lui cherchaient mauvaises
querelles et procès dintention.
Cest donc ce binôme dialectique qui occupe la première
partie de la création de Julie Deliquet qui, après
lentracte, peut laisser la maîtrise et le charisme de Molière
se développer façon « impromptu » à
l'égard de ses comédiens, en installant une mise en perspective
contradictoire de chacun y compris de lui-même.
Ce happening a la vertu de susciter, dans un aller et retour incessant
entre les artistes et leurs propres vécus, un débriefing
récurrent et salutaire qui pourrait sinstaurer comme une
méthode de travail enjambant allégrement les hommes et leurs
époques, confortant par là-même la troupe actuelle de
La Comédie-Française dans sa légitimité
héréditaire.
Cest ainsi que Serge Bagdassarian peut déclarer: « Je
nai aucune pression ni aucun trac à interpréter mon
confrère Du Croisy par-dessus les 4 siècles qui nous séparent
car nous ne formons implicitement quune seule et même personne
avec des motivations similaires »
En élaborant donc ce théâtre
« documentaire », Julie Deliquet acquiert limmense
vertu de renforcer les liens occultes qui unissent de part et dautre
de la scène tous ceux qui font exister lâme du spectacle
vivant de par leurs présences autant charnelles que spirituelles.
Le théâtre 14 a fait peau neuve avec sa nouvelle direction.
Les deux trentenaires Édouard Chapot et Mathieu Touzé, pleins
d'enthousiasme, l'ont fraîchement rénové et y ont
instillé un souffle revigorant grâce à une programmation
alléchante et le désir de faire partager le théâtre
à tous les publics autant par des talents émergents que des
comédiens confirmés comme Charles Berling '' Dans la Solitude
des champs de coton '' de Bernard-Marie Koltès et, en ce mois de juin
2022, Denis Lavant dans '' La Dernière bande '', pièce en un
acte écrite en 1957 pour l'acteur nord-irlandais Patrick Magee et
jouée au Royal Court Théâtre de Londres.
Samuel Beckett adapta son monodrame en français et celui-ci fut
mis en scène par Roger Blin en 1960. Serge Merlin sous la direction
d'Alain Françon et Jacques Weber sous celle de Peter Stein furent
tous deux de fabuleux interprètes de Krapp au crépuscule de
sa vie.
Après une entrée par le petit jardin situé à
l'arrière du théâtre 14, sous une ardente clarté
estivale, les spectateurs sont plongés dans une totale obscurité
pendant de longues minutes, de quoi faire cogiter sur ce qui les attend.
Méditation, réflexion, légère inquiétude
le noir nous imprégnant et influençant notre perception.
Progressivement, une lumière blafarde émerge au-dessus d'un
bureau encombré de boîtes en carton et dun magnétophone
à bande, éclairant un visage impassible aux traits figés,
telle une statue de cire. Pas d'autre mobilier. L'homme est seul avec
lui-même.
Denis Lavant, face public, nous offre l'arrêt sur image d'un vieil
homme déjà hors du temps. Son immobilité devient
envoûtante tant elle dure longtemps accompagnée d'un interminable
silence, pas un mot n'est prononcé, instaurant ainsi la profonde solitude
et le mutisme terrifiant dans lesquels se noie Krapp, écrivain raté
qui va tenter, à l'occasion de son anniversaire, de raconter sur des
bandes magnétiques son année passée.
Alors, le corps avachi va très lentement sortir de sa prostation.
Comme engourdi par son état apathique, tel un pantin
désarticulé, il se lève, contourne son bureau, fourbu
par l'effort, ouvre un tiroir, en extrait une banane qu'il caressera avant
un épluchage méticuleux pour la déguster avec une
volupté certaine.
Un rituel méthodique commence. Il sort une bobine, la regarde,
semble hésiter et la remet en place, contourne à nouveau son
bureau, répète les mêmes gestes avec la même obsession,
ouvre et referme un tiroir, ressort une banane choyée à nouveau,
l'épluche et, après une pause, la range dans sa poche.
Il se rasseoit, enclenche le gros magnétophone, éjecte les
cassettes encombrantes, arrête la bande, revient en arrière.
Il va commenter, contester, grogner, soupirer et déclamer les mots
enregistrés dans sa 39ème année, celle qu'il a
sélectionnée et qu'il réécoute en boucle. Le
tout entrecoupé d'interruptions où il ira boire une gorgée
d'alcool dans les coulisses ou chercher, en traînant, un dictionnaire
délabré afin d'y chercher un mot comme '' viduité '',
état de veuvage marmonne-t-il en lisant sa définition.
'' La Dernière bande '', cest une relation intime entre
un homme et son magnétophone où les mots du passé
s'entrechoquent avec ceux du présent. Un vrai duel s'installe entre
lui et l'appareil plutôt ancien qui prend la place d'un journal
confidentiel.
Ainsi, la voix d'antan de Krapp et celle du présent se juxtaposent
et n'ont pas la même tonalité. Celle de ses 39 ans raconte avec
une jouissance évidente son grand amour et le plaisir procuré
par une promenade en barque « elle était couchée sur les
flancs...l'eau clapotait ...je me suis penché sur elle...». Celle
d'aujourd'hui éructe des bribes de monologues vindicatifs presque
inaudibles « Viens d'écouter ce pauvre petit crétin...».
Le parti pris est centré sur le personnage avec son débit,
ses digressions, ses intonations. Denis Lavant, tel un musicien à
la partition impeccable, maîtrise parfaitement ce cheminement entre
le passé qu'il tente de raviver en écoutant la voix de sa jeunesse
et le présent d' un homme meurtri et accablé à la voix
chevrotante qui, bien qu'acrimonieux, se moque de lui-même « ...
difficile de croire que j'aie jamais été con à ce
point-là ...». Le langage est réduit au strict
nécessaire dans une forme dinsolence ricaneuse et dimplacable
ironie.
C'est dans cet éternel retour à sa vitalité d'autrefois
entre la force du souvenir heureux et la solitude actuelle, qu'il cherche
à ranimer le feu presque éteint mais encore frémissant.
« Sois de nouveau, sois de nouveau », « Be again, be again
», répète-t-il. Le comédien maintient la flamme,
il y a encore de l'espoir, avant l'extinction finale.
Dans une mise en scène sobre et épurée créée
en 2019 puis en tournée en 2022, Jacques Osinski a suivi les didascalies
de Samuel Beckett au pied de la lettre réussissant à les faire
vivre sur le plateau. Denis Lavant interprète avec brio toutes les
notations et les silences imposés par l'auteur. Tel un funambule en
équilibre précaire, dans la pénombre de la scène,
il est la luciole éclairant une uvre sèche, aride, difficile
à mettre en lumière.
avec
Thomas
Bading, Holger Bülow, Stephanie Eidt, Henri Maximilian Jakobs, Joachim
Meyerhoff, Bastian Reiber, Ruth Rosenfeld, Julia Schubert, Hêvîn
Tekin, Mano Thiravong, Axel Wandtke, et Blade AliMBaye (en vidéo)
et les musiciens Henri Maximilian Jakobs, Ruth Rosenfeld, Taylor Savvy, Thomas
Witte
Et oui le sait-on, Paris a aussi son Festival de Jazz estival !.. Le Parc
floral de Vincennes a, en effet depuis de nombreuses années,
développé une riche programmation de Jazz, en journée
(accès libre) ainsi que plusieurs nocturnes.
Cest donc, selon un calendrier multiple et varié, quil
est possible dy effectuer lété de passionnantes
découvertes musicales dans un cadre bucolique, verdoyant et fleuri.
Sur un espace surélevé pérenne, tel un immense kiosque
à musique, son attrayante structure métallique pleinement
recouverte dune vaste toiture arrondie accueille le public grâce
à ses multiples rangées de chaises disposées façon
amphithéâtre et bien protégées
déventuelles intempéries.
En ouverture du cycle des nocturnes, ce jeudi 7 juillet se produisait
le Sextet « Supersonic » entourant son fondateur Thomas
de Pourquery.
Cette formation ouvrant délibérément le Jazz à
la pop music et autres variantes électro-acoustiques sest
constituée depuis dix ans autour de six musiciens chevronnés
pour moitié de cuivres, en loccurrence deux saxophones et une
trompette laissant lautre part à se partager entre batterie,
basse et piano enveloppés des voix essentielles aux envolées
sidérales du « Band ».
Thomas apparaît demblée comme un showman fort
expérimenté et particulièrement charismatique entrant
aisément en communication avec les spectateurs dans une sorte de transe
instinctive faisant corps et âme avec le feeling de linstant
présent.
Trois albums (« Sun Ra », « Sons of
love » & « Back to the moon ») ont marqué
cette décennie pour laquelle Laurent Bardainne, Fabrice Martinez,
Arnaud Roulin, Frederick Galiay, Edward Perraud & donc Thomas ont
lintention de fêter leur groupe début novembre en programmant
la plupart des titres de leur discographie dans un concert anniversaire qui
sera forcément mémorable au Trianon.
De toute évidence, le public présent à cette
première session nocturne 2022 au bois de Vincennes apparaissait
très coopératif et fort disposé à accompagner
les musiciens dans leurs souhaits de partage spontané.
A telle enseigne quune déprogrammation de dernière
minute du groupe américain qui aurait dû précéder
la performance de Supersonic a été accueillie non seulement
sans aucune réticence mais encore avec un encouragement manifeste
à la prestation « Maloya » de la chanteuse Christine
Salem instrumentiste du « Kayamb » et surnommée
par ses aficionados « La Reine » qui, en la circonstance,
avait donc sympathiquement accepté un remplacement au pied levé.
Celle-ci étant accompagnée par Jacky Malbrouck son
percussionniste, leur duo réunionnais aura, de surcroît,
bénéficié dun super rappel fort enthousiaste.
Ce bon esprit tellement communicatif est souvent consubstantiel à
la musique de Jazz mais il est indéniable quil est fort plaisant
de le ressentir en live.
Quant à Thomas de Pourquery étant né le O7/07/77,
cest par conséquent sous le signe emblématique du chiffre
« 7 », on sen doute fort symbolique pour cet artiste,
que son anniversaire perso, ce soir-là précisément,
fut entonné dun spontané happy birthday durant le show
par une partie du public bien renseignée.
Il est à noter que, star incontestée de la performance,
ce leader a notamment lart de mettre en valeur ses partenaires de jeu,
de les nommer et de les faire applaudir chaque fois que lopportunité
lui en est donnée dans une atmosphère hyper
sidérale.
En extra, un jeune percussionniste fort talentueux, invité en fin
de concert, viendrait parachever la convivialité ambiante en prélude
fervent aux saluts successifs.
Et puis à minuit cinq, le 8 juillet, la navette Festival
ramènerait les spectateurs au Château de Vincennes Cette
soirée musicale & festive aura bel et bien été Royale
pour tous !
Ce 21 juin 2022, Joël Dalle, bien entouré, fait lui aussi son
" Zaï Zaï Zaï " vintage tellement à la mode ! Avec
cet artiste, la fête de la musique est récurrente au 12 rue
de Seine accompagné de tous ceux qui ont envie de chanter en chur
le patrimoine de la chanson française !
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