Alexis Michalik aime nous conter des histoires où les récits
sentremêlent dune époque à une autre. Avec
lui, le temps nest pas linéaire.
Comme pour son précédent spectacle « le Porteur
dHistoire » qui se joue toujours au studio des Champs
Elysées, le dramaturge réitère le principe du récit
où les destins se moquent de la temporalité et des lieux.
Les histoires, telles des poupées gigognes, simbriquent les
unes dans les autres et des fils invisibles se tissent pour relier des
êtres vivant à des siècles différents.
Avec « le Cercle des Illusionnistes » qui se
joue à la Pépinière Opéra, Alexis
Michalik propose une plongée fascinante dans le monde de la
prestidigitation et de la naissance du cinéma, en partant du temps
présent :
un jeune homme, né sous X, voleur de sac, prénommé
Décembre et sa rencontre avec Avril, jeune ingénieur experte
en coffre-fort et dun bouquin qui retrace la vie dartiste de
Jean-Eugène Robert-Houdin (1805-1871) qui fut horloger, constructeur
dautomates, magicien.
Par un coup de baguette
on est immergé dans un espace-temps
diffèrent, celui des années 1800, pour assister aux trucages
inventés par Robert-Houdin puis, par un tour de passe-passe,
parallèlement se juxtapose, à une autre époque, la vie
du petit Georges, fils de bottiers, visiblement plus attiré par le
monde de limaginaire et la magie que par les chaussures quand bien
même seraient-elles de luxe.
Par un mouvement incessant de va-et-vient, on se retrouve à la
case départ, année 1984, avec nos deux jeunes qui font une
descente dans la cave dune banque située boulevard des Italiens,
laquelle fut autrefois le lieu dun petit théâtre acheté
par
Robert-Houdin et racheté quelques années plus tard
par un certain
Georges, qui y présentera le kinétographe
avec la très fameuse arrivée dun train en gare de la
Ciotat; ce petit Georges deviendra le grand Georges Méliès
(1861-1938).
Avec des moyens simples, artisanaux, des traits dunion invisibles
se créent entre toutes ces époques et donnent un sens à
lHistoire de ces destins qui semboîtent avec une exaltation
évidente grâce à six comédiens qui incarnent,
en changeant de costumes à la vitesse de léclair, une
trentaine de personnages : Jeanne Arènes interprète six
ou sept partitions, Maud Baecker est la pétillante Avril,
l'amie de Décembre et aussi Suzanne, magicienne aimée par Georges,
Arnaud Dupont est un Georges plein denthousiasme, Vincent
Jonquez, un Jean-Eugène foisonnant didées plus quelques
autres figures, Mathieu Métral, est un Décembre touchant et
deux autres personnages, Michel Derville, plus âgé, sorte de
récitant, compose plusieurs individus.
Ces strates, dune narration à tiroirs pouvant paraître
labyrinthique, brouillent les pistes pour, au final, se clarifier sur des
liens unissant ce monde de lillusion, du cinéma, du
théâtre, débouchant sur la contemporanéité
de la vidéo et du numérique.
Ce spectacle ponctué de réels petits tours de magie, y compris
un tour de lévitation à lhologramme, qui gagnerait
peut-être à être légèrement abrégé,
est un véritable jeu en trompe-lil, époustouflant
dénergie : Ensorceleur comme lillusion
cinématographique.
Cat.S / Theothea.com, le 05/04/14