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Boris ( à La Nouvelle Eve ) - ©
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Carmen
Maria Vega - Fais-moi mal Boris ( à La Nouvelle Eve ) -
© Theothea.com
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LE JOURNAL D'UNE FEMME
DE CHAMBRE
« Le Journal dune Femme de Chambre » Lisa
Martino mise en scène par Nicolas Briançon à La
Huchette
d' Octave Mirbeau
mise en scène Nicolas
Briançon
avec
Lisa Martino
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Théâtre de La Huchette
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© Fabienne Rappeneau
Seule sur scène avec le journal d'Octave Mirbeau, celui de la femme
de chambre que le dramaturge constitue en témoin privilégié
de la société de son époque (1900) ainsi qu'en observatrice
et portraitiste en prise avec le choc des classes sociales faisant des populaires
les obligées des nanties, Lisa Martino se voit, elle, investie par
Nicolas Briançon d'objectiver son interprétation pour être
au plus proche du fameux roman afin d'en stigmatiser les moeurs... bien avant
"Me too".
Cependant c'est en s'abstenant à dessein de tout jugement
moral qu'il faut apprécier la forme littéraire de Mirbeau qui,
dénonçant l'esclavagisme généralisé, distille
un souffle puissant et ambitieux à celle qu'il incite à
s'élever au-dessus du cloaque de la nature humaine universelle voire
intemporelle.
La valeur du style se mesure alors par la permanence à prendre
le parti de ne jamais se laisser entraîner par la bassesse humaine
décrite à satiété mais tout au contraire à
relever la tête pour en pourfendre le vice congénital.
Comme dans une sorte d'écartèlement entre le bien et le
mal, l'écrivain et son lecteur avancent en taillant à coups
de serpe le terreau nauséabond sur lequel ensemble ils évoluent
de concert mais dont Célestine tient la barre avec le sourire
forcené alors que Lisa est présentement en mission de le
médiatiser hic et nunc sur le "microscope" scénique de la
Huchette.
La force théâtrale se manifeste dans le geste charnel consistant
à faire passer la couleur des mots choisis dans l'intention éthique
de terrasser l'adversité.
Ce n'est pas pour rien qu'Octave Mirbeau a été
éduqué par les Jésuites, il en porte le flambeau du
dépassement de soi délibérément transgressif.
Si, sur les planches, la dramaturgie relationnelle se focalise sur la
place de servante pour laquelle Célestine vient d'être
embauchée au Prieuré en Normandie chez les Lanlaire et qu'elle
occupera jusqu'à sa démission dans la perspective de se marier
à Cherbourg avec Joseph, son collègue jardinier-cocher, le
roman, lui, multiplie les flash-back reconstituant son parcours professionnel
à travers maintes expériences chez les "Bourgeois" toutes plus
désastreuses les unes que les autres mais dont l'accumulation
secrète la sève explosive et néanmoins existentielle
de sa personnalité.
Ce n'est guère en s'épanchant sur ses malheurs présents
et passés que se relate son journal intime à portée
exemplaire mais bel et bien dans l'affirmation d'une prise de conscience
concernant l'inertie collective favorisant exclusivement les possédants
au détriment de ceux qui sont exploités pour en perpétuer
le système.
Au cur de l'enchaînement destructeur, la spoliation sexuelle
se dresse comme l'un des principaux rouages du fonctionnement social au travers
de son catalogue infini de perversités plus ou moins explicites.
C'est effectivement dans l'ambiguïté qu'excellent et progressent
les postures apparemment vertueuses se retournant aisément en leurs
valeurs contraires où toutes les vilenies ont liberté de
prospérer.
Si donc l'invite du spectacle à lire l'uvre d'Octave Mirbeau
s'exerce avec tant de persuasion bien qu'il soit peu possible d'en sortir
indemne, c'est que derrière chaque fait délictueux
dénoncé s'en cache systématiquement un autre encore
moins reluisant et ainsi de suite jusqu'à saturer l'espace vital de
chaque domestique employé à satisfaire le caprice incessant
de ses maîtres.
Cependant au lieu d'en tirer un constat désabusé, c'est
comme si l'auteur nous prenait par la main pour ouvrir la porte de sortie
vers un monde meilleur que seule l'intelligence pragmatique serait à
même de décider par elle-même... encore faudrait-il qu'elle
soit convaincue du bienfait à long terme pour l'humanité !
Lisa Martino s'applique, mutine, à mettre ses pas dans ceux de
Célestine; la comédienne se laisse porter par le personnage
sans chercher à en prendre la directive ou l'ascendant... de façon
à le situer juste là où Octave Mirbeau le mène,
c'est-à-dire dans cet espace temps où tout reste contradictoire
à jamais mais où "l'intégrité"est le seul refuge
qui vaille.
Nicolas Briançon, lui, veille à ce que chacun soit bien
à sa place, y compris celle du metteur en scène afin de pouvoir
assister tous ensemble à l'écoute fructueuse et, si possible,
profitable du "Journal" d'Octave !
Theothea le 06/10/22
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LES HUMAINS
"Les Humains" Isabelle Gelinas & Bernard Campan pendent
la crémaillère à La Renaissance
de Stephen
Karam
adaptation & mise en scène
Ivan Calberac
avec
Isabelle Gélinas, Bernard Campan, Mélanie
Bernier
Astrid Ortmans, François Nambot et
Michèle Simonnet
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****
Théâtre de La Renaissance
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© Fabienne Rappeneau
Du haut en bas de l'escalier en colimaçon, de la mezzanine au salon,
le souplex (duplex dont létage du bas est en sous-sol) nouvellement
investi est en recherche de son propre rythme convivial à la suite
de l'emménagement de Pauline (Mélanie Bernier) avec son compagnon
Louis (François Nambot) au sein du nid urbain tant convoité
dans lequel le jeune couple a invité la famille côté
épouse à fêter Noël à Paris, en place du
Thanksgiving dans la version New-Yorkaise originelle de Stephen Karam, l'auteur
américain à succès couronné en l'occurrence par
4 Tony Awards 2016 sur les 6 pour lesquels sa création fut alors
nommée.
Isabelle Gelinas la mère et Bernard Campan le père arrivent
donc en compagnie de la grand-mère impotente et de leur fille
aînée au domicile de la cadette tout émoustillée
à l'idée d'inaugurer un nouveau style de retrouvailles
familiales...
Chacun ayant toujours quelques travers à reprocher à ses
proches, le repas de réveillon s'annonce haletant de règlements
de compte sinon bienveillants tout au moins emplis de compassion motivée...
Mais d'emblée, avant même que Marion (Astrid Ortmans)
l'aînée trouve à redire en étant guidée
par sa compétition en amour vache qu'elle entretient viscéralement
avec sa frangine, c'est la mémé (Michèle Simmonet),
paralysée avec Alzheimer et néanmoins en verve lapidaire, qui
va ponctuer la conversation débridée d'intempestifs " Dans
la vie, on ne peut jamais revenir en arrière !... " déclinés
sur tous les tons déclamatoires et qui, mine de rien, vont graver
la thématique de ce happening circonstanciel.
En effet, à dire vrai, comme tout un chacun dans nos
sociétés contemporaines, les protagonistes de cette famille
lambda ont des failles plus ou moins dissimulées sous des couches
de savoir-faire ou simplement de savoir-vivre, et c'est donc la plupart du
temps sous le masque de la composition adaptée aux opportunités
que chacun se profile une identité formelle à géométrie
variable pouvant éventuellement se craqueler au contact contagieux
de confidences réciproques provoquées dans un contexte
incitateur.
Et c'est donc ce qui va se dérouler sous nos yeux de spectateurs
plus ou moins impliqués par les récits psychosociaux en souffrance
dont il n'est pas aisé de décider si c'est le déni
délibéré ou, au contraire, la prise de conscience
avérée qui pourrait apporter la panacée salvatrice.
En fait, tous sont englués dans un quotidien insatisfaisant et
frustrant pour lequel ils souhaiteraient que ces précieux moments
de réunion familiale puissent agir en soupape collective.
Et, sans aucun doute, c'est le corollaire suggéré par
l'admonestation de l'ancêtre prônant de fait "la marche en avant"
qui s'avèrera être le seul remède à toute tentation
d'évaluer la soit-disant insouciance du passé à
l'échelle des contraintes annoncées pour le futur dans tous
les domaines où l'effort de se résoudre à vivre sera
finalement la seule clef qui vaille.
Mais comme l'environnement est essentiel à la capacité
d'acquérir des parades efficaces, l'auteur plonge ses personnages
dans des perplexités domestiques pour le moins contraignantes.
En effet, monter et descendre constamment l'étroit escalier en
tire-bouchon pour vaquer aux aisances sanitaires ou devoir supporter le vacarme
récurrent de voisins indélicats sans même comprendre
la nature de leurs bruits émis à intervalles crispants sont,
parmi d'autres, autant de catalyseurs programmés pour suggérer
le ras-le-bol généralisé jusqu'au terme provisoire de
cette soirée de réjouissances concertées qui aura, par
ailleurs n'en doutons pas, remis les pendules à l'heure affective.
Succédant dans ce même théâtre de La Renaissance
à la Comédie Moliérisée 2019 "La Dégustation"
dont il était l'auteur, avec déjà Bernard Campan dans
son casting, cette nouvelle mise en scène dYvan Calberac se
double ici d'une adaptation aux style de vie et moeurs spécifiquement
français dans un décor fort similaire à celui ayant
fait les belles soirées de Broadway mais avec translation du fameux
escalier de Jardin à Cour.
L'interprétation est drôle et savoureuse; l'équipe
des six comédiens forment une entité fort sympathique avec
laquelle le spectateur pourrait aisément se sentir " comme à
la maison ".
Theothea le 18/10/22
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LA MEGERE APPRIVOISEE
"La Mégère apprivoisée" de Shakespeare
mise en abîme entre Théâtre &
Cinéma
de
William Shakespeare
mise en scène Frédérique
Lazarini
avec
Alix
Benezech, Cédric Colas, Hugo Givort, Bernard Malaterre et Guillaume
Veyre Film de Bernard
Malaterre avec Charlotte Durand-Raucher, Didier Lesour & Jean-Marc
Boissé |
****
Artistic Théâtre &
Tournée
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© Marion Duhamel
Créée début 2020 juste avant les interruptions pour
cause de Covid, La Mégère de Frédérique Lazarini
s'est ensuite installée au Chêne noir lors du Festival d'Avignon
affichant ainsi tour à tour
Sarah Biasini & Delphine
Depardieu dans le rôle titre... assumé désormais par
Alix Bénézech lors de cette reprise d'octobre 22 dans ce même
Artistic Théâtre avant que de poursuivre la tournée
hexagonale débutée le mois précédent qui se
prolongera durant la saison 2023.
Le ton est à la farce burlesque car la metteuse en scène
a souhaité rassembler tous les éléments qui président
à la Comédie Italienne et, plus précisément,
celle qui a constitué l'originalité, le charme et
l'efficacité du cinéma italien en noir & blanc dans les
années 50-60.
En effet, faisant lien métaphorique entre les personnages fantasques,
bouffons et truculents des Vittorio de Sica, Monicelli, Comencini, Risi,
Fellini... d'avec ceux de Shakespeare en l'occurrence pour sa
"Mégère", l'idée aurait été de
télescoper Théâtre et Cinéma en les rendant
dialectiques, complémentaires et donc créatifs d'une expression
artistique à part entière pour laquelle de la scène
à l'écran pourrait s'exprimer le jeu de l'observation, du dialogue
et de la séduction réciproques.
En répartissant ainsi les protanogistes de part et d'autre du miroir
virtuel qu'est l'objectif de la caméra, ceux-ci auraient la faculté
de pouvoir focaliser l'intrigue sur ses lignes de force qui relieraient en
priorité Catarina à Petruchio projetant à leur tour
en toile de fond l'imaginaire cinéphile des grandes stars de
l'époque comme Sophia Loren, Monica Vitti, Gina Lollobrigida, Anna
Magnani, Silvana Mangano... dont l'apparition sur l'écran tels des
clones mémoriels ciblerait le véritable enjeu de la
représentation à savoir l'émancipation de la
"Mégère" face à son mentor, lui étant sans doute
davantage bienveillant que les apparences pourraient le laisser supposer.
Cependant c'est au terme du processus de conquête menée par
ce prétendant parvenant à obtenir l'acquiescement de sa future
épouse que Frédérique Lazarini va lancer son prodigieux
bouquet final réunissant en un coup de baguette magique le point de
vue de la sur présupposée de Shakespeare qui,
s'associant à Virginia Woolf (extrait d' "Une chambre à soi"),
contournera habilement et neutralisera ainsi la déclaration de soumission
nuptiale absolue prônée par le dramaturge anglais alors qu'aucun
adepte des messages sibyllins cachés sous la caricature patriarcale
ne pourrait de nos jours recevoir celle-ci sans s'offusquer... bien que Catarina
soit pleinement libre de commencer son plaidoyer en prononçant
ironiquement ces paroles devenues désuètes et caduques.
Face aux spectateurs, les cinq comédiens prennent grand plaisir
à interpréter cette scénographie décalée
s'organisant autour des bancs d'un cinéma itinérant en plein
air.
Cette adaptation ingénieuse pourrait d'ailleurs aisément
faire florès et inciter d'autres projets permettant de rendre
l'accessibilité de Shakespeare aussi féconde que le sont ses
écrits.
Theothea le 23/10/22
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LE PRINCIPE
D'INCERTITUDE
"Le Principe d'Incertitude" Laura Smet & Jean-pierre
Darroussin Transfert amoureux au Montparnasse
de Simon
Stephens
mise en scène Louis-Do de Lencquesaing
avec
Jean-Pierre Darroussin & Laura Smet
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****
Théâtre Montparnasse
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© Fabienne Rappeneau
Certes le hasard est à l'origine de la rencontre de ces deux
entités "complexes" présentes simultanément dans cette
gare ferroviaire londonienne mais qui, a priori, n'avaient pas de
détermination spécifique ou objective pour susciter l'approche
mutuelle ; toutefois le fait est là... que, déjà, ils
se parlent ou plus exactement que spontanément elle, Georgie, cherche
à en savoir davantage sur lui, Alex, qui l'écoute
attentivement.
Comme si, d'emblée, avait été trouvé un terrain
d'entente incertaine, la parole circule mais dans une asymétrie
confondante où Georgie mène l'enquête d'apparence
journalistique et Alex répond de façon lapidaire mais
néanmoins intrigué.
Comme dans un jeu de rôles dont les modalités
préexisteraient à leur insu, la voilà qui prend l'initiative
d'une dualité s'esquissant dans un étrange ballet dialectique
sans autre fondement que celui de se perpétuer par interrogations
et répliques successives... entre vérités & mensonges
jusqu'au point de rupture où, selon sans doute une fausse note de
trop, Alex décidera de mettre un terme à cette valse à
deux temps.
Cependant, auparavant il aura eu l'opportunité de révéler
à cette "apparition troublante" que son métier de boucher
était largement suffisant à lui occuper l'esprit et à
nourrir sa motivation pour vivre au quotidien.
Et pourtant quelque temps plus tard, voilà Georgie qui débarque
inopinément dans la boutique qu'elle aura réussi à
localiser... et maintenant la voici à s'extasier sur la
créativité induite pour réussir à mettre en valeur
ce commerce passionnant... mais attention ici, point de place au cynisme
ou à la fourberie, c'est effectivement sur le ton de l'enthousiasme
et de la sincérité que Georgie exprime son intérêt
à l'égard de tout ce qui lui paraît important pour
Alex.
De fait, cette prise en considération d'abord unilatérale
va indéniablement contaminer Alex qui, donc en retour, s'intéressera
davantage à cette jeune femme si interventionniste en découvrant
notamment qu'elle est en quête d'un fils adoré mais parti ailleurs
sans laisser aucun lien de contact.
Pénétrant ainsi peu à peu dans l'intimité
respective de l'autre, s'initiera une sorte de solidarité bienveillante
dont le moteur en sur-régime sera conduit par Georgie mais dont le
frein en position d'urgence restera l'apanage d'Alex.
Cependant dans ce conte à la modernité tout autant imaginaire
qu'hyperréaliste signé Simon Stephens, les deux faces d'apparences
opposées se rapprocheront sensiblement en estompant leurs
différences au point de tenter d'échanger leurs
spécificités aussi bien formelles qu'intrinsèques.
C'est ainsi que de super sexy Georgie (42 ans) deviendra peu à
peu plus classieuse alors qu'Alex (74 ans) sans fantaisie ostentatoire ira
jusqu'à arborer une paire de tennis et un blouson en jean.
Bref, leur cheminement réciproque l'un vers l'autre est à
l'image d'une prise de conscience relationnelle sur le mode du parce que
c'était elle & parce que c'était lui... en partance pour
le transfert affectif voire à la recherche de l'amour perdu !
Que Jean-Pierre Darroussin soit raccord avec l'évolution de son
personnage, nul n'en douterait vu la qualité de ce comédien
fort expérimenté dans la composition psychologique de ses
interprétations souvent à vif.
En outre, si celui-ci a de surcroît la responsabilité
professionnelle de veiller aux premiers pas de sa partenaire sur les planches
alors que le charisme de Laura Smet est déjà pleinement
légitimé au cinéma, c'est en situation de mentor potentiel
que la faculté est offerte à J-P d'observer que la comédienne
s'est emparée de son rôle avec une détermination
stupéfiante.
L'aplomb artistique transparaît dans toutes les qualités
de jeu qu'elle peut proposer sur une palette allant de la décontraction
juvénile à l'implication dans l'engagement existentiel.
Elle sait instinctivement être drôle, spontanée et
pétillante à l'instar d'une Marlène Jobert jeune à
qui elle pourrait faire penser ; d'ailleurs à défaut des
tâches de rousseur, c'est l'adoption d'une chevelure de panthère
qui lui octroie de s'apparenter à merveille au feeling sensitif de
Tina Turner.
Bref, Laura a tout d'une grande et cela lui présage forcément
plein d'autres fabuleuses aventures théâtrales.
En outre, avec cette relativité situationnelle, Louis-Do de
Lencquesaing livre à cet étonnant duo un champ propice aux
expérimentations potentielles que les deux interprètes peuvent
subtilement infléchir selon les états d'âme de chacun
et l'humeur des spectateurs présents.
Comme s'il s'agissait d'un happening "gagnant-gagnant" en quelque sorte
!
Theothea le 30/10/22
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LORSQUE L'ENFANT
PARAÎT
"Lorsque l'enfant paraît" Catherine Frot & Michel
Fau au pinacle de La Michodière
d' André
Roussin
mise en scène
Michel Fau
avec
Michel Fau, Catherine Frot, Agathe Bonitzer, Quentin Dolmaire,
Hélène Babu, Sanda Codreanu et Maxime Lombard
|
****
Théâtre de La
Michodière
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© Marcel Hartmann
Jouer cette pièce d'André Roussin en cette période
contemporaine alors qu'elle a été écrite en 1950 est
une véritable aubaine.
Un mois et demi après sa première, la jauge du
théâtre de la Michodière fait le plein en rassemblant
tout ce que le public attend pour sortir de chez lui afin de se réjouir
en nombre.
Comme aimantés par le bouche à oreille, les spectateurs
savent instinctivement que le duo Frot-Fau va combler leur attente.
Et c'est donc sous leurs applaudissements que la grande Catherine
apparaît !
Et là peut commencer la création de Michel qui, de toute
évidence, aime tellement les personnages caricaturaux qu'il a le talent
de les diriger avec tact et justesse comme si, précisément,
ceux-ci étaient paradoxalement pétris de
sobriété.
Il s'en empare tel un démiurge agitant à distance les
stéréotypes comme des marionnettes complaisantes d'un jeu de
société qui permet de pousser leurs cohérences jusqu'aux
stades ultimes en déclenchant l'hilarité
générale.
Mais Michel Fau n'a pas l'intention de se moquer; il respecte la
sincérité de cette grande bourgeoisie convaincue dans son
échelle des valeurs, de la vertu inhérente aux principes de
la morale, même si en pratique, elle est tentée de ne pas en
appliquer les contraintes.
En tout cas, l'ancienne génération en rappellera l'esprit
sans cesse à sa progéniture qui, elle, aura tendance à
chercher ouvertement des arrangements propices pour composer l'attitude favorable
à son intérêt immédiat.
Jeux de rôles parfaitement huilés par l'auteur qui aura le
talent de jongler avec de multiples rebondissements domestiques pour parfaire
sa démonstration de déstabilisation collective suscitée
par les signes avant-coureurs de l'enfantement imprévu, voire même
de 4 coup sur coup.
De l'épouse à la gouvernante en passant par le fils et la
fille de bonne famille, tous se sont donné le mot pour entraver la
très honorable progression de carrière sénatoriale du
pater familias.
Si le "Qu'en-dira-t-on" est en l'occurrence tellement important, c'est
que ce haut représentant du peuple vient précisément
de faire voter à la fois la pénalisation de l'avortement et
la fermeture des maisons closes.
Cependant l'il amusé de Michel Frau en dit long sur
l'interprétation décalée qu'il souhaite projeter dans
l'imaginaire du public.
Avec sa comparse Catherine Frot, ils composent un fabuleux tandem à
deux têtes, l'une, la sienne, prête en permanence à trouver
matière à se réjouir, l'autre toujours
prédisposée au drame à venir; cette
complémentarité ludique accompagne comme dans un leitmotiv
magique les tribulations des mises enceintes successives annoncées
à la manière de catastrophes naturelles pouvant modifier la
rotation de la planète.
Par chance, il n'en sera rien et les naissances annoncées devraient
reprendre leur statut d'heureux événements puisque à
l'époque la planification contraceptive n'était effectivement
pas encore d'actualité.
Dans un décor aux couleurs saturées pouvant suggérer
la perspective hyperréaliste assumée par cette mise en scène
ébouriffante, un rétrécissement opérationnel
s'effectuera sur le plateau grâce aux rapprochements progressifs de
panneaux mobiles à chaque baisser de rideau intermédiaire comme
pour signifier la normalisation sociétale en voie d'être
sauvegardée sans autre échappatoire viable.
C'est donc un véritable régal que d'assister dans un premier
temps à la complexification sans cesse croissante du « savoir
gérer » les moeurs en cours se raccrochant aux moindres
tests de grossesse plus ou moins farfelus jusqu'à atteindre ce
franchissement du cap d'inflexion s'autorisant enfin la perspective d'une
réalité pragmatique à projeter...
La distribution est en pleine osmose avec cette perception plaisante et
dynamique que Michel Fau distille en présentiel sur scène
grâce à son expressivité fédératrice et
confiante.
Ainsi cette réalisation artistique remarquablement agencée
en équipe autour de la famille Fau-Frot est ovationnée avec
grand enthousiasme par le public.
Theothea le 04/11/22
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