Magazine du Spectacle vivant ...

   

 

   

Les    Chroniques    de

  

12ème  Saison     Chroniques   12.71   à   12.75    Page  204

 

         

  Les  MOLIERES  2008 

Le Palmarès

Points de vue

   

Shine a Light à l'Olympia    

Sylvie Vartan  au Palais de l'apothéose

        

60ème Festival de Cannes

A la recherche d'un soixantième anniversaire... à fleur d'écran

       

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LE DIEU DU CARNAGE

de  Yasmina Reza

mise en scène    Yasmina Reza

****

Théâtre Antoine

Tel: 01 42 08 77 71

 

      Photo ©  Pascal Victor / artcomart  

   

Après déjà deux mois et demi de carrière au Théâtre Antoine, "Le dieu du carnage" faisait toujours salle comble. Il faut dire qu'avec, en tête d'affiche, Isabelle Huppert et à la mise en scène, l'auteur elle-même Yasmina Reza, le casting réunissant André Marcon, Eric Elmosnino & Valérie Bonneton jouait à coup sûr gagnant-gagnant.

D'autant plus que renvoyant sous un jeu de miroirs multiples, un florilège comportemental de ses contemporains, la société bien pensante semblait s'y être donné rendez-vous à travers deux couples à la fois enclins aux stéréotypes bcbg. ainsi que bobo.

L'un avocat d'affaires à l'international (Eric Elmosnino), l'autre pdg en quincaillerie (André Marcon), celle-ci écrivain tiers mondiste (Isabelle Huppert) et celle-là conseillère en gestion de patrimoine (Valérie Bonneton), à eux quatre ils paraissaient suffisamment armés pour refaire le monde en ce salon bourgeois entre café serré et clafoutis pomme/poire maison.

Cependant, c'est pour mettre en perspective les conséquences d'une bagarre en milieu scolaire entre leurs fils respectifs que les Houillé avaient invité les Reille à leur domicile afin de régler si possible à l'amiable la procédure du constat d'assurance.

Entre gens bien élevés dans un environnement psychosocial similaire, cet échange de vues devrait aisément aboutir à un consensus pédagogique à l'égard de leur progéniture.

Mais, avec en fond de scène un mur symboliquement fissuré, c'est le dérapage sémiotique qui va faire loi au sein de cette discussion à bâtons rompus où, de coups feutrés en formules indélicates, les digues de la bonne conscience vont devoir s'affaisser sous la charge du refoulé.

En effet, que sont les petites misères domestiques, fussent-elles soldées par deux incisives cassées, face au poids douloureux du monde avec son cortège d'injustices?

Et pourquoi attacher tant d'importance à une querelle de cours de récréation alors que les adultes se comportent si mal les uns par rapport aux autres ?

Fustigeant au passage l'usage sans gêne du téléphone portable, Yasmina Reza va laisser les protagonistes se déchirer entre eux, en prenant garde de ne jamais arbitrer au sein d'une succession de conflits en grande partie fondée sur la mauvaise foi ainsi que sur l'indifférence avérée pouvant paradoxalement se masquer en idéologie humanitaire.

Toutefois ce soir là, le mercredi 16 avril, la représentation allait prendre une tournure insolite. En effet parvenu au tiers d'une mise en scène chronologiquement bien en place, un grain de sable allait distiller le dynamitage à l'intérieur de ce "carnage".

Envahi par un sentiment de nausée, Annette le personnage de Valérie Bonneton commençait à se sentir mal; c'est alors que Véronique (Isabelle Huppert) se proposait d'aller chercher un verre de coca pour soulager Annette, quittait le plateau mais revenait avec... une bassine.

Déconcentrée, la grande Isabelle venait d'anticiper la scène où sa partenaire Valérie, quelques instants plus tard, devrait vomir, au vu de tous, sur un ouvrage d'art posé sur la table basse.

Cet incident mineur en apparence allait désormais faire basculer la relation entre les deux comédiennes sur le registre de l'irréversible. Jusqu'au terme de la représentation, il leur serait impossible de communiquer par les yeux sans qu'un sourire irrépressible à la limite du fou-rire prenne le pas sur leurs répliques tout en les paralysant.

Exclus de l'enjeu, les spectateurs selon la distance qui les séparaient de la scène s'interrogeraient sur ces points de suspension verbale en impasse sans pouvoir en saisir la signification ni en comprendre leur persistance.

Aux applaudissements finals, les quatre comédiens reviendraient saluer à plusieurs reprises sans se tenir les mains et en évitant soigneusement tout croisement de regards.

A noter que ce soir-là, à douze jours de la cérémonie des Molières, "Le dieu du carnage" était en compétition avec une nomination pour "La comédienne dans un second rôle".

Theothea le 18/04/08

VIE DU GRAND DOM QUICHOTTE ET DU GROS SANCHO PANCA

de  Antonio  José da Silva

mise en scène  Emilie Valantin

****

Comédie-Française

Tel: 08 25 10 16 80

 

        Photo ©   Cosimo Mirco Magliocca

Le rideau s’ouvre sur un grand panneau d’azulejos, motifs récurrents tout au long de la pièce, décorant par-ci un mur sur lequel, par effet de zoom arrière, aura lieu un combat à cheval du plus bel effet, par-là une paroi devant laquelle on dressera une table festive ou encore une mosaïque qui descendra du plafond pour illustrer une île.

Toutes ces céramiques seront comme des signes réfléchissants du voyage initiatique de nos deux héros espagnols.

Mais alors ces derniers traverseraient-ils le Portugal après maintes aventures, ou serions-nous en proie à de curieuses chimères et verrions-nous, spectateurs, des « moulins à vent » de faïence bleue ou lieu de les voir tout blancs?

A voir la légère ironie du titre, nous ne sommes pas chez Miguel de Cervantès mais chez Antonio José da Silva, auteur brésilien, venu au Portugal, pourchassé par l’Inquisition et qui mourra brûlé en place publique car…..juif.

Dramaturge baroque et satirique, il reprend maintes péripéties de notre chevalier errant et de son valet pour s’en moquer au sein d’une société qui prend un malin plaisir à les duper; ils en sont les jouets et sont manipulés comme ces grandes marionnettes qui accompagnent les comédiens pour parodier les manipulateurs et devenir elles-mêmes les figurations dissimulatrices des désillusions infligées.

L’errance de Quichotte et Sancho est celle d’une imagination débordante de deux cerveaux enflammés qui ne se traduira pas par un voyage sur dos de cheval et de baudet, armurés et dressant une lance contre des moulins, traversant des paysages desséchés par la chaleur, mais se jouera ici, dans ce magnifique décor (Eric Ruf, collaborateur artistique et décorateur), entre murs de jardins ou d’intérieurs sur lesquels nos deux compères se cogneront, chevaucheront et, vaillants, ils escaladeront ces fresques bleues comme autant de points de repère pour mieux tomber et se fracasser à la réalité.

Lorsqu’il est nommé gouverneur d’une île par gentilshommes et dames de la haute, Sancho va devoir affronter des caricatures en papier kraft toutes de rouge vêtu qui travestissent la justice et le pouvoir de l’Inquisition.

Dom Quichotte, quant à lui, ne cesse d’être humilié par les soi-diseurs guérisseurs qui, à force de farces et d’attrapes, le laisseront vaincu.

Les marionnettes de dimension humaine qui égrènent la pièce, utilisées à son époque par Antonio José da Silva, sont ici l’oeuvre d’Emilie Valantin et mettent sublimement en valeur les rapports de force du rêve et de la réalité, de la démesure imaginative et du raisonnable; mais qui manipule qui ? Les comédiens manipulateurs se prêtent merveilleusement à ce dédoublement.

Cette pièce, entrée pour la première fois au répertoire de la Comédie-Française, parodie burlesque du roman de Cervantès, est totalement réussie; la dualité entre acteurs vivants et personnages de bois, si adroitement actionnés, met en scène le trouble et la confusion mentale en incitant le spectateur à une réflexion sur la géométrie identitaire.

Cat.S pour Theothea.com le 28/04/08

JE VOUS SALUE MAMIE

de  Sophie Artur & Marie Giral

mise en scène  Justine Heynemann

****

Théâtre La Bruyère

Tel: 01 48 74 76 99

 

    Photo ©  Lot  

Dans ce grenier aux souvenirs d’enfance culpabilisée, cette histoire de femmes se transmettant le flambeau d’une éducation catholique pratiquante se pique de dresser le portrait d’une grand-mère intraitable que la Folcoche d’Hervé Bazin n’aurait pu récuser.

Cependant que ces nouveaux « malheurs de Sophie » n’auraient rien à envier des écrits de la célèbre comtesse, ils n’en constituent pas moins le matériau idéal pour une leçon de psychanalyse appliquée.

Rarement en effet, le culte judéo-chrétien de la souffrance rédemptrice n’aura été exposé avec une telle évidence pédagogique que le texte pourrait servir de référence clinique à une démonstration de l’émergence de la névrose.

Sophie Artur y ôte le rideau du refoulé pour faire apparaître sur un plateau, en l’occurrence celui du théâtre La Bruyère, la cuisine en désordre panique du « moi » pris en tenailles entre les pulsions originelles du « çà » et les terreurs induises par le « surmoi » vengeur.

Cependant ce dispositif structurel n’apparaît qu’en ombres chinoises du tableau patrimonial que se plaisent à peindre, devant le public, Sophie Artur & Marie Giral, les deux auteurs en proche cousinage familial avec cette grand-mère maternelle et le petit chaperon rouge sortis d’une autobiographie à la mode de Bretagne.

Sur les planches, point de pathos donc mais seulement une jeune mamie qui se souvient du temps exorbitant où les enfants n’avaient pas le droit à la parole mais se devaient de racheter l’humanité en prise avec le péché originel.

Ce fardeau, hors de portée, est ici livré brut de décoffrage par la réminiscence de cette grand-mère d’antan évoquant jusqu’à la sublimation exemplaire, le martyr des premiers chrétiens ou l’agonie du Christ en croix... à l’heure du goûter des enfants.

Ainsi, de Saint Germain-en-Laye à Perros-Guirrec, le traditionalisme catholique y abattait ses cartes pour un jeu de bonne société sans joker où néanmoins une opportunité estivale au coeur de la dolce vita de Saint-Tropez aura suffi pour éveiller les doutes que Sophie transformera plus tard à décharge dans son analyse.

« Maintenant, je peux m’arranger avec moi et moi » conclut-elle au final en soulevant deux poupées de leur léthargie abyssale mais pleine d’un charme mélancolique.

Dans la mise en voix des personnages par Justine Heynermann, l’humour se glisse constamment à fleur de peau puisque la distanciation du récit y est le gage d’un jeu de rôles définitivement résolu par Sophie Artur, sous l’assentiment tacite, mais forcément freudien, de son père José Artur.

Theothea le 01/05/08

FAME

de  David de Silva

mise en scène  Ned Grujic

****

Théâtre Comédia

Tel: 01 42 38 22 22

 

      Photo ©  Bernard Richebé  

La réussite de la comédie musicale Fame adaptée en français au Théâtre Comédia est liée à un travail, tout à la fois soigné et respectueux de l'esprit lié à l'œuvre initiale, sous la réalisation subtile de Ned Grujic.

Cependant, si le film d'Alan Parker possédait sa propre dynamique interne, il ne fallait pas pour autant vouloir retranscrire celle-ci sur les planches parisiennes à l'action ou au mot près, mais de préférence se concentrer sur la cohérence pédagogique et morale concernant la thématique de l'apprentissage artistique en tant qu'école de la vie.

Ainsi Stéphane Laporte & Danielle Mathieu-Bouillon pouvaient-ils mettre des paroles françaises en juste situation sur la musique de Steve Margoshes sans se référer à un copier-coller de la version cinématographique originale.

Seize élèves a parité garçons-filles vont obtenir leur admission pour un cycle de trois années à la High School of Performing Arts de New York qui devrait leur permettre d'acquérir à terme, le savoir-faire et le savoir-être indispensables pour travailler dans le spectacle vivant et musical.

La directrice (Annick Cizaruk) et trois professeurs de danse, de musique et de théâtre formeront ces jeunes artistes au mieux des potentiels respectifs, des caractères et autres affinités, afin de leur apprendre à s'investir avec humilité et sans compter la dureté répétitive des efforts physiques et psychologiques.

Avec pour quelques-uns, des expériences déjà acquises sur d'autres spectacles comme "Les dix commandements", "Autant en emporte le vent", "Aladin", "Salut Joe", "Cabaret", "Le violon sur le toit", "Nine" etc… les comédiens à la fois danseurs et chanteurs sont eux-mêmes en situation d'émulation les uns par rapport aux autres à l'instar des rôles qu'ils interprètent.

C'est ainsi par exemple que le charisme de Julie Victor et Dan Menasche pourraient être sur le point d'éclore à la notoriété, mais ceci est vrai pour nombre d'entre ces vingt artistes qui, sur la scène du Comédia, se trouvent en position éminemment évolutive.

Surélevés en mezzanine, en apparaissant au fond du plateau telles des ombres chinoises, neuf instrumentistes live sous la direction musicale de Samuel Sené créent au fil des chansons et des rythmes, une thématique acoustique de grande qualité, rarement égalée à l'occasion de comédies musicales à Paris.

Ce spectacle est une fête des yeux et des oreilles à apprécier à l'aune d'une volonté réelle à satisfaire l'exigence tout autant que le plaisir du public.

Theothea le 14/05/08

LA  MAISON DU LAC

de  Ernest Thompson

mise en scène  Stéphane Hillel

****

Théâtre de Paris

Tel: 01 48 74 25 37

 

    Visuel affiche Ld. presse  

En bonne copine, Maria Pacôme a repris au pied levé le rôle d'Ethel Thayer que devait interpréter Danièlle Darrieux qui s'était blessée à quelques jours des premières de "La maison du lac".

En effet, ayant déclaré ses adieux définitifs aux planches après son succès dans "L'éloge de la paresse", Maria ne souhaitait plus être en proie au stress du théâtre qui l'empêche de profiter de la vie.

Mais devant ce cas de force majeure et succombant aux suppliques réunies de Danielle Darrieux, Jean Piat et Stéphane Hillel, directeur du Théâtre de Paris, la voici qui vient à la rescousse d'une production en recherche de sa salvatrice.

En quinze jours, elle, 82 ans, apprend le texte et prend sa place auprès de Jean Piat, lui 83 ans, qui dans leur résidence d'été du bord de lac à Golden Pond, vont retrouver leurs émois affectifs en tentant de franchir les obstacles comportementaux que la vie s'est chargée de façonner à leurs dépends.

C'est le retour inopiné de Claudia (Béatrice Agenin), leur fille accompagnée d'un nouveau fiancé (Christian Pereira) amenant lui-même Billy (Damien Jouillerot), son fils d'une union précédente, qui va être le déclencheur d'approches malaisées de Tom, un tantinet méfiant et sarcastique, à l'égard de son entourage.

Cependant les étourdissements dus à l'âge et à une santé désormais fragile vont entraîner par étapes successives, le retour à plus de mansuétude à l'égard des proches qui s'efforcent de faire les premiers pas tout en souhaitant se faire respecter dans l'affection du vieil homme.

Il aurait été possible d'imaginer Jean Piat dans une interprétation délibérement positive de ce portrait mais c'est avec des forces volontairement déclinantes qu'il compose son personnage dans la vulnérabilité presque exacerbée, osant gager son image d'acteur tonique, à l'instar d'Henry Fonda en compagnie de Katharine Hepburn, tous deux oscarisés dans le film culte originel de 1981.

Toutefois, Maria Pacôme est bien présente pour étourdir l'ex-sociétaire de la Comédie Française avec sa vivacité légendaire en veillant à toutes sortes de grain sur le point d'enrayer le bel ordonnancement estival des retrouvailles.

C'est ainsi que dans le décor très convivial d'un chalet confortable du fond des bois, leurs partenaires jouent la danse du scalp inversée en tentant chacun à leur manière de ravir le doux privilège de l'attention de Tom.

Ainsi, à l'aube d'une famille recomposée, du père à la fille, du beau-père au gendre, du grand-père au petit-fils, du vieil amant à sa dulcinée de toujours, les blocages intempestifs de l'orgueil vont s'estomper au profit d'une légèreté de l'âme qui va découvrir, sur le tard, les ressources et vertus cachées du verbe "aimer".

Theothea le 16/05/08

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