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 Catherine  Samie   

50 ans de Comédie Française

Une enfant de Molière

       

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 - La Chronique du Théâtre à Paris -

 

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LE JUBILE JUBILANT

 

Nous remercions ici très chaleureusement Pierre Assouline qui nous a donné son accord pour une reproduction ci-dessous in extenso de son article "Les adieux magnifiques d'une comédienne" publié sur son blog dès le lendemain de la soirée du "Jubilé jubilant" offert par la troupe de la Comédie Française au grand complet en hommage à Catherine Samie, devenue désormais sociétaire honoraire après cinquante années de vie artistique consacrée à la Maison de Molière.

     

 50 ans à la Comédie Française   
 Une enfant de Molière    
 Photo ©  Laurencine Lot

  Photo  ©   Laurencine Lot

   

Les adieux magnifiques d’une comédienne

   

La Comédie-Française compte désormais un nouveau Sociétaire honoraire:

Catherine Samie

Elle faisait hier soir ses adieux à la troupe sous les lambris même de la maison de Molière où elle est entrée en 1956 après s’être formée auprès de Pierre Dux et Béatrix Dussane, en un temps où les pensionnaires n’avaient pas le droit d’emprunter l’ascenseur réservé aux plus anciens, avant d’être élue sociétaire en 1962 et doyen en 1989. Une longévité qui est aussi une manière de record.

Ce fut une soirée exceptionnelle dont elle était la première spectatrice, assise au centre dans un fauteuil du premier rang, une représentation unique à guichets fermés, réservée à ses amis de la grande-famille-du-théâtre comme on dit par dérision mais non sans émotion, et à quelques autres.

Pas de discours mais des cadeaux. Des présences, des sourires et l’énergie des comédiens et techniciens du Français coalisés en un complot amical afin de rendre justice à son immense talent, à sa disponibilité, à son rayonnement et à sa générosité.

La troupe lui avait mitonné un programme aux petits oignons plein d’hommages et de clins d’oeil. Tous s’y étaient mis à la bonne franquette pour créer une ambiance de fête. Seuls restaient en permanence sur la scène un trio de musiciens (piano, violon, violoncelle) et le buste de Molière.

Les autres n’ont cessé d’aller et venir pour jouer de manière plus ou moins orthodoxe un texte plus ou moins fidèle au Bourgeois Gentilhomme, à L’Avare, à Bérénice notamment en commençant par les mots de Marguerite Duras pour donner le “la”:

 

 50 ans à la Comédie Française   
 Une enfant de Molière    
 Photo ©  Laurencine Lot

  Photo  ©   Laurencine Lot

Tu es la comédienne de théâtre,/ La splendeur de l’âge du monde, Son accomplissement,/ L’immensité de sa dernière délivrance. Tu as tout oublié sauf Savannah,/ Savannah Bay./ Savannah Bay c’est toi

   

Ils ne se sont pas contentés de jouer par admiration pour elle, ils la lui ont chantée aussi, s’essayant même aux figures de ballet à nos risques et périls, entre deux scènes décalées créées spécialement à l’occasion de ce “Jubilé jubilant” conçu par Guy Zilberstein et Anne Kessler.

Deux heures et demies durant, sans entracte, ils réussirent, presque sans temps mort, à susciter le rire, le fou rire et l’émotion. Tant d’énergies déployées pour crier l’admiration et la gratitude de tous à une seule faisaient oublier l’espace d’une soirée hors du temps les polémiques, affaires, rumeurs, mesquineries et règlements de compte qui entachent de temps en temps la réputation de la maison.

Les a-peu-près et l’improvisation faisaient partie du programme; mais la comédienne qui chanta Lili Marlène en allemand le fit avec une telle intensité et une telle justesse qu’on en pardonnait à Michel Robin d’avoir peu avant oublié son texte.

On vit beaucoup de comédiens jouer des rôles de femmes avec une jubilation communicative, de viriles marquises se battre en duel à coup d’éventail, puis à l’épée enfin au nunchaku, ce qui n’est pas une mince prouesse eu égard à l’encombrement des robes du XVIIIème siècle. La démonstration de tous les saluts possibles en fin de spectacle (fatigué, pressé, stressé, amoureux etc) fut un autre grand moment.

Le ministre de la Culture, assis à la corbeille au même rang que Lionel Jospin, Patrick de Carolis et Pierre Bergé, fut plusieurs fois interpellé depuis la scène mais, pour une fois, pas pour se faire engueuler. L’autodérision était de rigueur.

Dans un sketch désopilant de Denis Podalydès, celui-ci et Guillaume Galienne jouèrent le passage du témoin d’un doyen à l’autre : “Doyen, ça veut pas dire qu’on est vieille, ça veut dire qu’on dure plus longtemps”.

A la fin, Catherine Samie monta sur scène pour embrasser tous ceux qui lui avaient rendu un hommage si chaleureux. La salle debout lui fit une ovation d’une demie-heure. La musique aidant, rayonnante comma jamais, la reine d’une nuit se mit à danser avec force déhanchements, moulée dans son robe fuseau en velours noir.

Les applaudissements ne s’interrompirent que pour la laisser dire “C’est magnifique !”, son tic de langage que son double sur scène n’avait cessé d’égrener pendant tout le spectacle. Elle n’arrivait pas à quitter la scène, allant des deux côtés de la haie d’honneur des comédiens qui battaient la mesure, face à un public qui ne voulait pas s’en aller non plus alors que minuit pointait.

Tous ses rôles semblaient alors se superposer sur sa silhouette, elle qui avait tout joué, elle qui avait été Madame Argante et Tante Julie, Aminte et Cléonice, Lisette et soeur Julie, Hippolyte et la reine Elisabeth, Frosine et Marceline, le Coryphée et Winnie, Bélise et Canope et la mère qui nous hante encore dans La dernière lettre de Vassili Grossman, elle a été tout ça alors que le conservatoire lui prédisait un avenir d’éternelle soubrette pour avoir été une excellente Dorine le jours du concours.

Catherine Samie regarda une dernière fois la salle Richelieu de cette maison où elle était entrée il y a exactement un demi-siècle. Puis elle s’approcha du buste sur le devant de la scène. Le silence se fit naturellement de part et d’autre de la rampe tandis qu’elle le caressait en murmurant de son inoubliable voix chaude et rauque “Merci, Molière !”

par Pierre Assouline  le 04/01/06 - La république des livres

   

Liens vers autres articles de presse concernant ce "Jubilé jubilant":   

- La comédienne Catherine Samie quitte la Comédie-Française sur un jubilé par Martine Silber ( Le Monde )

- La troupe lui offre un jubilé jubilant  par Armelle Héliot ( Le Figaro )

- Pour saluer la grande Catherine par Armelle Héliot ( Le Figaro )

         

          

 50 ans à la Comédie Française   
 Lien avec La Renaissance du Livre    
 Photo ©  Laurencine Lot

  Photo  ©   Laurencine Lot

       

En partenariat avec la Comédie-Française, Les Éditions de la Renaissance du Livre publient en partenariat avec la Comédie-Française, un livre de 120 photos de Catherine Samie signées Laurencine Lot qui retrace l'ensemble de sa carrière et reflète les choix de sa vie: respect des autres, amour passionné du grand théâtre, bonheur d'appartenir à une troupe prestigieuse dont elle ne veut considérer que le meilleur.

   

Au sujet de  Catherine Samie

   

- Informations Biographiques

- Site de La Comédie Française

- Site de Wikipédia

   

- Chroniques de Theothea.com

- Molières 2006,  Nomination meilleure comédienne     ou sur Agoravox

- Oh les beaux jours     ou sur Agoravox

- Les Bacchantes

- Place des Héros

- Savannah Bay

- Les danseurs de la pluie

- Le marriage forcé

- L'école des femmes

- Mère courage et ses enfants

- Rodogune

           

 OH LES BEAUX JOURS  
 de Samuel Beckett 
 Mise en scène: Frederick Wiseman 
 avec Catherine Samie et Yves Gasc   
 Théâtre du Vieux-Colombier 
  crédit photo: Laurencine Lot

    Photo  Lot

     

Catherine Samie reprendra le rôle de Winnie

dans " Oh les beaux jours " de  Samuel Beckett

au  Théâtre du Vieux-Colombier

du   3 mai au 17 juin 2007

            
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